Cette semaine la revue K. vous raconte l’histoire de livres qui font l’histoire. Le premier, le plus récent, Vichy et les Juifs a bouleversé l’historiographie des années 80 et progressivement imprimé sa marque sur la mémoire nationale française. Les faussaires de l’histoire à la Zemmour, qui s’emploient à gommer la complicité de Vichy dans la politique d’extermination nazie, ne perdent pas une occasion de rappeler, comme s’il y avait là motif d’illégitimité, l’origine nord-américaine de ses auteurs, les historiens Robert Paxton et Michaël R. Marrus. Mais ce que l’on sait moins, c’est que la commande de ce travail capital fut adressée à Robert Paxton par un éditeur français : Roger Errera. Conseiller d’État, Roger Errera fut aussi le fondateur et directeur, chez Calmann-Lévy, de la grande collection Diaspora. Revenant sur sa vie, Bruno Karsenti en dévoile la tension propre et dresse de Roger Errera un portrait où se dessine le modèle d’une attitude politique exemplaire pour les Juifs de la diaspora après la Shoah. Dans le deuxième texte de cette semaine, c’est Robert Paxton lui-même qui raconte sa rencontre avec Roger Errera, les enjeux de la commande de ce qui allait devenir Vichy et les Juifs et les difficultés rencontrées lors des dix années de travail mouvementées qui allaient permettre sa réalisation.
Plus ancien, le second livre dont il est question cette semaine n’en marque pas moins, lui aussi, une rupture. Avec Daniel Deronda, la grande George Eliot, l’auteure de Middlemarch, écrit en 1876 un roman qui devient un fleuron de la littérature britannique. Le livre détonne dans la littérature victorienne pour son empathie envers les Juifs et ses sentiments pro-sionistes. Le journaliste Josh Glancy éclaire à travers Deronda l’histoire moderne de l’intégration des Juifs en Angleterre et l’une des voies européennes de la diffusion de l’idéal sioniste.