Israël se dégagerait-il enfin de l’ornière dans laquelle il s’enlisait depuis de longs mois ? Avec la conclusion d’un cessez-le-feu à Gaza et le retour d’otages israéliens, c’est bien ce qu’il est permis d’espérer. Car, comme le soutenait Noémie Issan-Benchimol en mars dernier – dans un texte que nous republions pour l’occasion -, en refusant de faire primer le sort des otages sur toute autre considération, le gouvernement israélien contredisait la vocation première de l’État juif et condamnait sa société au clivage. Bruno Karsenti et Danny Trom prolongent cette semaine son analyse, à partir du constat de l’échec d’Israël à articuler l’objectif de l’élimination du Hamas à celui du sauvetage des otages. Que la balance penche aujourd’hui dans le sens du second, recentrant la politique israélienne par la marginalisation des franges les plus extrêmes du sionisme, c’est ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Mais ceux qui tiennent sincèrement à la possibilité d’une solution politique entre Israéliens et Palestiniens ne sauraient oublier que la perspective d’une paix véritable restera tenue à distance tant que le Hamas maintiendra son joug sur Gaza, et que la manière dont la guerre a été menée et son bilan pour les populations civiles n’auront pas été examinés.
L’Europe du XXe siècle connaît des lieux dont le nom est indissociable des atrocités qui y ont été commises. Auschwitz, Majdanek, Buchenwald, Dachau, Bergen-Belsen… Tous n’ont cependant pas une sonorité allemande ou polonaise. La trajectoire familiale, faite de survie et d’exil, que Marta Caraion retrace dans Géographie des ténèbres. Bucarest-Transnistrie-Odessa, 1941-1981, dessine une autre toponymie de l’effroi. Pour K., Elena Guritanu est allée s’entretenir avec la chercheuse en littérature, spécialiste de la Shoah roumaine. Mêlant le souvenir intime à la tragédie historique, Caraion évoque l’horreur de la politique d’épuration ethnique conduite par le général Antonescu en Transnistrie, l’épais silence qui entoure le souvenir les atrocités commises et le titanesque travail historique et mémoriel qui est exigé par plus de 80 ans de déni communiste, puis nationaliste.