# 185 / Edito

Les avantages que procure l’utilisation de la figure du Juif comme épouvantail sont nombreux et connus de tous. Vous voulez indiquer la voie du salut ? Placez donc le « Juif » de l’autre côté, et observez l’élan de l’humanité universelle. Il s’agit de se défaire de certaines mœurs ou croyances ? Attribuez-les donc au « Juif », et chacun tombera d’accord sur leur fausseté et la nécessité de les abandonner. Vraiment, la figure est bien pratique. Tellement que, si elle n’existait pas, il faudrait l’inventer : autrement, comment parviendrions-nous encore à penser le dépassement historique ? Nous publions cette semaine le texte d’une conférence donnée par David Nirenberg au Collège de France en juin 2023, sous le titre « Antijudaïsme, pensée critique et possibilité de l’histoire ». La thèse qu’il nous invite à considérer est vertigineuse : et si le « Juif » occupait une place structurelle dans les systèmes moraux et philosophiques occidentaux, jusqu’à imprégner nos propres habitudes de pensée critique ?

Vous souvenez-vous du conte d’Andersen, Les Habits neufs de l’empereur ? Il y a peu, en Israël, la réalité s’est fait rattraper par le conte. Benjamin Netanyahou, qui croyait pouvoir redorer son blason après la mort des otages en se montrant aux côtés des parents endeuillés, a fait l’expérience du roi se retrouvant tout nu en public. En effet, le père d’un otage décédé a, pour un instant, déchiré la dignité dans laquelle Netanyahou essayait tant bien que mal de se draper, en le renvoyant à sa responsabilité dans la tragédie qu’affronte Israël. N oémie Issan-Benchimol analyse cette semaine cet événement politique qui, pour être microscopique, n’en est pas moins révélateur des clivages qui traversent la société israélienne, et de la manière dont la légitimité du pouvoir s’y voit actuellement contestée.

Enfin, nous présentons le livre que, à l’occasion du premier anniversaire du 7 octobre, K. publie aux Presses universitaires de France. Pendant un an, depuis Paris, Londres, Tel Aviv, Jérusalem, les Etats-Unis, la revue a en effet proposé des analyses, des décryptages, des reportages et des entretiens pour analyser l’événement et ses suites. La fin d’une illusion. Israël et l’Occident après le 7 octobre rassemble une sélection choisie parmi les textes des auteurs de la rédaction mais aussi des contributions de Tal Bruttmann, Eva Illouz ou Jean-Claude Milner ; ainsi que quelques inédits, comme « Qui sommes-nous après le 7 octobre ? ». Le livre est disponible dès aujourd’hui en librairie et sur le site des PUF.

La rédaction

Et si l’antijudaïsme n’était pas seulement un préjugé irrationnel à l’encontre des juifs, mais une structure fondamentale de la pensée occidentale ? C’est la thèse défendue par David Nirenberg dans Antijudaïsme, que cette conférence de juin 2023 au Collège de France présente à l’occasion de sa traduction en français. On y découvre un problème vertigineux : la dépendance de nos systèmes moraux, philosophiques et critiques à une figure repoussoir du juif imaginaire.

Alors que l’actualité immédiate est celle des opérations militaires et des assassinats ciblés, qu’il est question de l’équilibre régional voire mondial, Noémie Issan-Benchimol, dans cette lettre de Jérusalem, veut nous ramener à l’échelle plus modeste des émotions politiques et des blessures de la société israélienne, en premier lieu sur la ligne de fracture qu’y dessine la plaie encore ouverte des otages. Prenant l’occasion d’un micro-évènement politique, elle nous propose ici une méditation sur le pouvoir et un aperçu de cette partie du peuple israélien qui s’oppose au gouvernement Netanyahou.

À l’occasion du premier anniversaire du 7 octobre, la revue K. publie aux Presses universitaires de France ‘La fin d’une illusion. Israël et l’Occident après le 7 octobre’, une sélection de ses textes analysant l’événement et ses suites. Nos lecteurs pourront par ailleurs y découvrir une postface inédite : « Qui sommes-nous après le 7 octobre ? ».