# 186 / Edito

Alors que, pour son premier anniversaire, le 7 octobre est partout discuté dans les médias – et que nous venons nous-mêmes de publier un livre au sujet de ses suites -, nous nous sommes demandé comment le commémorer. Que reste-t-il à en dire, qui n’ait pas déjà été mille fois répété ? Peu, nous semble-t-il, et c’est pourquoi nous avons choisi la sobriété : un texte sur le 7 octobre, pas plus. Mais nous tenions par ailleurs à rappeler qu’il n’avait pas fallu longtemps pour savoir clairement et distinctement ce qu’il y avait à en dire et à en penser : nous publions ici « Réflexions d’octobre », un texte adapté d’une conférence donnée par David Seymour fin novembre 2023. Il y est question du double maléfique de la modernité occidentale, et de la possibilité que ce qui ait été révélé par le 7 octobre, ce soit la permanence de la Question juive.

Un débat a été lancée par Gabriel Abensour dans K. En février dernier, il déplorait dans nos colonnes la tiédeur et le désarroi du franco-judaïsme, qu’il expliquait par l’oubli de ses héritages spirituels, notamment sépharades. En avril, c’est David Haziza qui lui répondait, regrettant pour sa part qu’on ait cherché à rendre le judaïsme moderne et présentable, au mépris de sa vitalité. Et voilà maintenant que Julien Darmon vient ajouter son grain de sel à la discussion, s’étonnant qu’il nous soit apparemment si difficile d’apprécier les réalisations du franco-judaïsme là où elles ont effectivement eu lieu. Pourquoi lorgner vers l’étranger quand les savants et intellectuels juifs français n’ont pas démérité ? Et vers où tourner notre regard aujourd’hui, s’il s’agit d’espérer un regain de vitalité du franco-judaïsme ?

À rebours, le titre n’aurait pu être mieux choisi. Car quelle idée étrange, pour un juif des années 30, que de quitter New York pour retourner s’installer en Pologne, dans un monde qui va droit vers la catastrophe. Après Voyage à rebours, dont la traduction avait paru en 2023, les éditions de l’Antilope font paraître Séjour à rebours, la suite du récit du poète yiddish Jacob Glatstein. Nous en publions cette semaine les bonnes feuilles, avec une introduction de Elena Guritanu.

Le 7 octobre a fait sur le monde juif l’effet d’une déflagration, dont l’onde de choc s’est étendue bien au-delà d’Israël. Un an après, nous donnons à lire les réflexions concomitantes de David Seymour au sujet des conséquences du massacre sur les juifs en diaspora. Et si ce qui avait alors été révélé, c’était la permanence, sous de nouveaux habits, de la « Question juive » ?

En février dernier, Gabriel Abensour se désolait dans nos colonnes d’un désarroi du franco-judaïsme, déplorant sa tiédeur et l’oubli de ses héritages spirituels. Après David Haziza, c’est au tour de Julien Darmon de lui adresser une réponse amicale. Plutôt que de lorgner du côté du modèle allemand du XIXe, ou d’envier la diffusion des penseurs juifs anglo-saxons, ne ferait-on pas mieux d’apprécier et d’encourager la créativité intellectuelle du monde juif français, dans sa spécificité ?

1934. Venu de New York, où il vit depuis vingt ans, Jacob Glatstein s’installe dans une pension de famille de sa ville natale. Lui, le poète yiddish, n’a de cesse de dresser alors le portrait des pensionnaires, de faire parler ses interlocuteurs et de les écouter. Il se régale à livrer ainsi une photographie de la Pologne, ce pays qu’il a quitté vingt ans plus tôt. Séjour à rebours, de Jacob Glatstein, traduit par Rachel Ertel, vient de paraître aux éditions de l’Antilope. Bonnes feuilles.

Avec le soutien de :


Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.