« Plus jamais ça ! » : le slogan a pour lui l’évidence de l’indignation morale, et il est inévitable qu’il surgisse lorsqu’un désastre survient dont on se sait d’une manière ou d’une autre responsable. N’est-elle pas intolérable, cette horreur-là, celle qui nous saisit actuellement et avec laquelle on se débat, comme c’est le cas aujourd’hui à Gaza? Mais quelle répétition ou quel retour conjure-t-on ? L’expression, on le sait bien, fait signe vers la Shoah. Mais la référence est d’autant plus efficace qu’elle reste implicite, distendue. L’horreur a beau avoir ses degrés, on entend dire que lutter contre relève d’un impératif moral universel, qui ne supporte pas la discrimination. Le ça de « Plus jamais ça ! » recouvrira tous les massacres de façon indistincte, et verra son acuité s’évanouir. Danny Trom explore cette semaine une source moins connue de la formule, qui le conduit au poème d’un pionnier sioniste, Yitzhak Lamdan : « Plus jamais Massada ne tombera ». Le ça qu’il s’agissait alors de conjurer, c’était ce que le poète considérait comme la passivité traditionnelle des juifs, qui les offrait justement selon lui à l’horreur. Quant aux moyens d’empêcher cette répétition, ils ne peuvent être ceux d’un universalisme abstrait, pas plus que d’un militarisme sans conscience de ce qu’il défend…
Si chat parle dès lors que perroquet est mangé, suffit-il de dire « judéité » pour comprendre de quoi il retourne ? Le judaïsme européen, et français en particulier, est une réalité métissée, héritant de contextes socio-politiques et de traditions disparates, qui s’articulent tant bien que mal. Cette réalité est toutefois trop souvent appréhendée depuis une perspective ashkénazo-centrée, qui fait d’un yiddish mâtiné d’accent polonais le marqueur identitaire juif par excellence, et préfère – on se demande bien pourquoi – la carpe farcie à la douceur des pâtisseries maghrébines. L’irruption dans le champ culturel français d’un chat libre-penseur a à cet égard permis de redresser certains torts. Rendant hommage à la géniale bande dessinée de Joann Sfar, Le Chat du rabbin, Ewa Tartakowsky en profite pour interroger la situation coloniale dans laquelle les juifs algériens sont devenus français, et la manière dont elle continue d’alimenter les inégalités au sein du monde juif.
Il y a un mois, Javier Milei se rendait en Israël. Le premier président libertarien au monde a une fois encore témoigné de sa proximité avec la communauté juive en annonçant, dès son arrivée à l’aéroport Ben Gourion, son intention de déménager l’ambassade de son pays à Jérusalem. Habituellement outrancier, celui qui se plaît à être surnommé « el loco » a su faire preuve d’une retenue inhabituelle lors de sa visite avec Netanyahou des lieux du massacre du 7 octobre. Plus surprenant encore, il se murmure ici et là qu’à force de prières et de danse au Mur des Lamentations, il aurait participé au succès de l’opération de libération de deux otages israéliens d’origine argentine qui a eu lieu quelques jours plus tard. Pour donner à comprendre pourquoi Milei aspire à devenir le premier président juif argentin, et ce que Friedrich Hayek et le messianisme juif peuvent bien faire ensemble, nous republions cette semaine l’article que Francesco Callegaro a consacré à cette question en décembre.