Que faut-il entendre par ce « renouveau juif » en Pologne dont il est souvent question ? – dans cette Pologne qui comptait plus de trois millions de Juifs avant-guerre et où n’en subsistent que quelques milliers aujourd’hui ? La sociologue Geneviève Zubrzycki montre que la mémoire de la Shoah en Pologne a engendré des pratiques très diverses, allant de l’exploitation touristique sans scrupule du passé juif et de la Shoah à un engagement sincère dans l’exhumation de l’histoire et la culture juive. Mais il importe de situer ce « renouveau juif », même dans sa face la plus lumineuse, dans le contexte politique où il prend place. Il est mobilisé par le camp progressiste pour briser l’hégémonie d’une droite nationale qui définit la nation polonaise dans des termes ethniques et étroitement associés à l’Église catholique. Ainsi, ce « renouveau » est-il avant tout une arme dans l’opposition au nationalisme illibéral. Pour approfondir ce sujet d’une actualité politique brulante où les Juifs – bien qu’absents – se retrouvent au centre des controverses, Ewa Tartakowsky s’est entretenue avec Geneviève Zubrzycki, qui a récemment fait paraître Resurrecting the Jew: Nationalism, Philosemitism, and Poland’s Jewish Revival (Princeton University Press, 2022).
Toujours à l’Est, mais plus au sud, la Hongrie. Dans L’été où mon père est mort – qui paraît aux éditions de l’Antilope et dont nous publions quelques bonnes feuilles – Yudit Kiss fait le récit de sa relation tumultueuse avec son père. Redécouvrant sa propre judéité, elle fait le portrait d’un homme qui fut un membre fervent du parti communiste et un Juif désireux de l’oublier. Toute sa vie d’adulte, il aura nourri la conviction que la création de l’homme nouveau parviendrait à détruire les vieux préjugés en même temps que toutes les appartenances particulières. Puis vint la chute du régime, l’ébranlement de ses certitudes idéologiques, la lecture d’Être sans destin de Kertész…
Enfin, nous publions un hommage à Moses Elisaf, le maire de la ville de Ioannina située dans le nord-ouest de la Grèce, et le président de sa très ancienne communauté juive Romaniote. Léon Saltiel l’a rencontré quelques semaines avant sa mort, entamant avec cette personnalité politique unanimement respectée dans son pays un dialogue sur l’actualité des Juifs de Grèce. Portrait d’un gardien de la mémoire romaniote, de ces Juifs hellénisés « dont l’existence en tant que groupe », comme le rappelle Léon Saltiel, « précède les appellations d’ashkénaze ou de séfarade ».