Pourquoi je me retire de la conférence sur l’antisémitisme organisée par le Gouvernement israélien

David Hirsh était invité, en sa qualité de directeur académique du London Centre for the Study of Contemporary Antisemitism, à la Conférence internationale sur la lutte contre l’antisémitisme organisée par le ministère israélien de la Diaspora. Dans ce texte, il explique pourquoi il a choisi de ne pas participer à cette initiative qui, en faisant la part belle à l’extrême droite, décrédibilise la lutte contre l’antisémitisme et met en danger les juifs de la diaspora. 

 

David Hirsh

 

Je devais participer à la Conférence internationale sur la lutte contre l’antisémitisme, organisée par le ministère israélien de la Diaspora les 26 et 27 mars, mais j’ai décidé à contrecœur de me retirer. 

La liste des intervenants comprend en effet trop de personnalités d’extrême droite associées à des mouvements antidémocratiques opposés aux principes d’égalité : Marine Le Pen présidente du RN en France ; Milorad Dodik, président de la Republica Sprska ; Eduardo Bolsonaro du Brésil ; le parti hongrois Fidesz ; et d’autres membres du groupe « Patriotes pour l’Europe » du Parlement européen. 

Professeur de sociologie à Goldsmiths, université de Londres, je suis également directeur académique du London Centre for the Study of Contemporary Antisemitism et j’ai créé le réseau Engage qui s’oppose à la campagne de boycott des universitaires israéliens. J’ai en outre rédigé une analyse sociologique de l’antisémitisme de gauche contemporain et je suis depuis 20 ans un chef de file de la lutte contre l’antisémitisme à gauche et sur les campus.

Il est parfaitement normal qu’Israël, en sa qualité d’État juif, accueille des réunions de responsables politiques, d’activistes et d’universitaires opposés à l’antisémitisme et qu’il soit le fer de lance de la lutte contre ce fléau à l’échelle mondiale. 

L’antisémitisme trouve un terreau fertile dans la pensée antidémocratique. Le moyen le plus efficace de le combattre est de soutenir les idées, les mouvements et les États fondés sur des principes démocratiques. Il est par ailleurs parfaitement normal qu’Israël, en sa qualité d’État démocratique, continue à défendre les valeurs sur lesquelles il a été fondé telles qu’elles sont énoncées dans sa Déclaration d’indépendance : 

« L’État d’Israel sera ouvert à l’immigration des juifs de tous les pays où ils sont dispersés ; il développera le pays au bénéfice de tous ses habitants ; il sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix enseignés par les prophètes d’Israël; il assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe; il garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture; il assurera la sauvegarde et l’inviolabilité des Lieux saints et des sanctuaires de toutes les religions et respectera les principes de la Charte des Nations unies ». 

Même s’il est à la recherche d’alliés dans un monde qui lui est de plus en plus hostile, Israël se doit de conserver une certaine distance avec ceux qui ne partagent pas ses valeurs. L’État hébreu pourrait par ailleurs accorder une attention accrue aux préoccupations des communautés juives locales. Il devrait aussi éviter de légitimer la droite populiste, dont l’héritage et certains partisans perpétuent des formes d’antisémitisme fasciste, en leur offrant une reconnaissance sociale. 

Les Juifs s’exposent à un danger manifeste en alimentant le mépris populiste envers une élite imaginaire, dépeinte comme omnipotente, malhonnête, libérale, citadine, financière, intellectuelle et mondialiste.

L’ennemi de mon ennemi n’est pas nécessairement mon ami et les musulmans ne sont pas l’ennemi des juifs ou de la démocratie. Les mouvements islamistes et leur antisémitisme représentent une menace redoutable, tout comme l’antisémitisme chrétien, de droite et de gauche. L’adversaire politique ne doit pas être confondu avec un ennemi religieux ou racial. Notre démocratie se doit d’être inclusive, rejetant toute approche qui, à l’instar de l’antisémitisme, catégorise arbitrairement et définitivement certains groupes comme des ennemis. 

Je respecte la légitimité du gouvernement israélien, mais en tant qu’universitaire, mon rôle est d’exprimer clairement mes réserves lorsque je perçois des orientations problématiques. J’espère qu’à l’avenir, les forums internationaux de ce type renoueront avec leur vocation première : réunir des perspectives variées pour un débat rigoureux, étayé par des faits et guidé par la raison.


David Hirsh

David Hirsh est Professeur de sociologie (Goldsmiths, University of London). il est le directeur académique du London Centre for the Study of Contemporary Antisemitism. Dans K., il a publié : « Le cas David Miller » et de « Généalogie de la critique d’Israël comme État d’apartheid : l’antisionisme de Durban« .

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