L’Autriche a un un nouveau chancelier : Christian Stocker. Après avoir négocié avec l’extrême droite, il s’est finalement posé en rempart contre l’autoritarisme et le FPÖ d’Herbert Kickl. Mais de quel projet politique ce dernier fait-il courir le risque à l’Autriche ? Liam Hoare retrace la trajectoire de ce parti et de son leader aux sympathies nazies.
La veille d’élections législatives cruciales en Autriche, fin septembre, l’Union autrichienne des étudiants juifs (JÖH) a demandé au parquet du Land de Vienne d’engager des poursuites contre trois candidats du Parti de la liberté (FPÖ), une formation d’extrême droite.
Les trois hommes, Martin Graf, Harald Stefan et Norbert Nemeth, avaient assisté, le 27 septembre, aux funérailles de Walter Sucher à Vienne. Vieux compagnon de route, Sucher avait été conseiller de district du FPÖ à Vienne pendant une quarantaine d’années. Il avait aussi fait partie de la grande fraternité étudiante nationaliste allemande Olympia, que le Centre de documentation de la résistance autrichienne a qualifiée de « terreau de l’extrémisme de droite en Autriche ».
Lors de l’enterrement de Sucher, les participants avaient entonné la vieille chanson allemande « Wenn alle untreu werden » [si tous deviennent infidèles]. Composée en 1814, cette chanson, dans une version modifiée, a servi d’hymne à la loyauté de la SS nazie (il est vrai que le tribunal de Vienne a statué en janvier que la version interprétée à cette occasion était la version originale) : « Si tous deviennent infidèles, nous restons fidèles / Pour qu’il y ait toujours un bataillon pour toi sur Terre ». La JÖH soupçonnait Graf, Stefan et Nemeth d’avoir violé la loi autrichienne interdisant les activités nationales-socialistes.
Le Standard a rendu compte des funérailles le jour même où le JÖH a entamé des poursuites judiciaires contre les trois candidats à la députation. En fin de compte, ni cet article ni la perspective de poursuites judiciaires n’ont eu d’impact sur le résultat de l’élection. Le 29 septembre, le FPÖ a remporté ses premières élections législatives depuis sa création en 1955, en obtenant 28,8 % des voix. Il a finalement échoué à rassembler suffisamment pour former un gouvernement, contrairement à l’ÖVP de Stocker, un homme politique encore peu connu des autrichiens en janvier dernier.
« Une fois de plus, le Kickl-FPÖ a montré son visage radicalisé », a tweeté le Parti populaire conservateur (ÖVP) la veille du scrutin en réaction à l’affaire des funérailles, en utilisant le nom de famille du dirigeant dudit FPÖ, Herbert Kickl, que l’ÖVP avait attaqué pendant la campagne électorale en le qualifiant d’extrémiste de droite, de cheval de Troie du Kremlin et de menace pour la sécurité nationale. « Le fait que Kickl tolère de tels incidents prouve qu’il n’a aucun scrupule à entretenir des contacts avec des extrémistes de droite. Nous nous en tenons à ce que nous avons dit : Aucune coopération avec Herbert Kickl ! »
Au lendemain des élections, aucun parti, pas même l’ÖVP, n’ayant manifesté sa volonté de travailler avec Kickl et le FPÖ, l’ÖVP, le parti social-démocrate (SPÖ) de centre gauche et le parti libéral NEOS ont entamé des négociations en vue de former un gouvernement tripartite. Les pourparlers entamés en novembre se sont prolongés jusqu’à Noël et ont finalement échoué début janvier dans un climat détestable. Bien qu’ils se soient fixé pour objectif de consolider le budget autrichien sur une période de sept ans afin de réduire le déficit budgétaire, les trois partis n’ont d’abord pas réussi à convenir de la manière d’y parvenir.
L’Autriche a retenu son souffle pendant plusieurs semaines : allait-elle se doter de son premier chancelier d’extrême droite depuis la Seconde Guerre mondiale, en la personne d’Herbert Kickl ?
Le chancelier et chef du parti ÖVP, Karl Nehammer, a alors démissionné. En son absence, et sous la pression des intérêts économiques et commerciaux du parti, le non à Kickl s’est alors mué en oui et le parti conservateur a entamé des pourparlers de coalition avec le FPÖ. En raison de cette décision, l’Autriche a retenu son souffle pendant plusieurs semaines : allait-elle se doter de son premier chancelier d’extrême droite depuis la Seconde Guerre mondiale, en la personne d’Herbert Kickl ?
A priori discret et affublé de lunettes, cet ancien étudiant en philosophie a su, grâce à ses talents politiques et linguistiques, gravir au fil des décennies les échelons du FPÖ jusqu’à en devenir le chef. Sous sa direction, le parti, déjà ancré dans le populisme d’extrême droite, a adopté une ligne idéologique encore plus radicale. Parallèlement, il a renforcé ses liens avec les mouvements d’extrême droite issus de la base militante. Sa vision de l’Autriche aurait transformé le pays tel que nous le connaissons jusqu’à lors.
Les humbles débuts de Kickl en Carinthie
Herbert Kickl est né en octobre 1968 en Carinthie, le Land autrichien le plus méridional, aux frontières de l’Italie et de la Slovénie. Fils unique d’une famille modeste, il a grandi dans un appartement à Erdmannsiedlung, un petit hameau banal enchâssé dans une vallée alpine près du lac Millstatt et de la ville de Spittal an der Drau. Ses parents tenaient une petite épicerie à proximité ; son père avait joué au football dans l’équipe locale. Son grand-père paternel avait rejoint le NSDAP avant que celui-ci ne soit interdit en Autriche en juin 1933.
Kickl est le premier de sa famille à passer son baccalauréat et à fréquenter l’université. À Vienne, il étudie les sciences politiques et les médias avant de s’orienter vers la philosophie. Bien que cette discipline continue de jouer un rôle important dans la façon dont Kickl se conçoit et conçoit le monde qui l’entoure, il n’a pas réussi à terminer sa thèse sur Georg Wilhelm Friedrich Hegel et n’a donc pas obtenu son diplôme. Dans leur livre sur Kickl, Gernot Bauer et Robert Treichler décrivent sa vision du monde comme « Heimat, Helden, Hegel » : la patrie, les héros et Hegel.
Par ailleurs, Bauer et Treichler soulignent que cette vision du monde se caractérise par une opposition aux changements que les soixante-huitards[1] ont apportés ou pour lesquels ils se sont battus. Il s’agit notamment de l’égalité des sexes : Kickl n’aime pas le langage neutre ou inclusif ni la modification apportée à l’hymne national autrichien en 2012, en vue de remplacer la phrase « patrie de grands fils » par « patrie de grandes filles et fils ». Il considère également les personnes LGBTQ et les avancées telles que le mariage homosexuel ou les droits des transgenres comme une menace pour la famille nucléaire hétéronormative.
La Carinthie de l’enfance de Kickl était un bastion socialiste. Cependant, à l’époque où il passait son baccalauréat, une autre étoile montait : Jörg Haider, le provocateur flamboyant qui prit la tête du FPÖ de Carinthie en 1983, puis de tout le parti en 1986, changeant à jamais le cours de l’histoire de cette formation et de l’Autriche. Haider « m’intéressait au plus haut point lorsque j’étais à l’école », a déclaré Kickl, « il ne ressemblait pas du tout à mes professeurs, qui étaient presque tous de gauche d’une manière plutôt superficielle ».
L’admiration de Kickl pour Haider, avec son style provocateur et décomplexé, ainsi que son ambition de briser le duopole politique qui dominait l’Autriche depuis la Seconde Guerre mondiale, s’inscrivait dans une tendance marquée dès le milieu des années 1980 : l’éloignement progressif de la classe ouvrière autrichienne du SPÖ, un phénomène qui s’est intensifié tout au long des années 1990. Loin d’être un simple observateur, Kickl est devenu un acteur central de cette évolution à partir de 1995, lorsque, fraîchement émoulu de l’université, il a rejoint l’académie politique du FPÖ.

Du refuge pour anciens nazis au parti populiste d’extrême droite : l’évolution du FPÖ
Le FPÖ a été créé en 1955 pour succéder à l’Union des Indépendants (VdU). Dès sa création, il a servi de refuge à d’anciens nazis irréductibles. Son premier dirigeant, Anton Reinthaller, avait été général de brigade dans la SS. Le FPÖ est issu de ce que l’on appelle le « troisième camp » de la politique autrichienne : un résidu constitué de personnes ne se reconnaissant ni dans le « camp socialiste » ni dans le « camp catholique-conservateur ». Il inclut pêle-mêle des libéraux nationaux, des nationalistes autrichiens et des pangermanistes.
Dès sa création, il a servi de refuge à d’anciens nazis irréductibles. Son premier dirigeant, Anton Reinthaller, avait été général de brigade dans la SS.
Avant 1986, date à laquelle Jörg Haider a pris la tête du parti, le FPÖ était un acteur mineur de la vie politique autrichienne. En 1970, il a conclu un accord avec le SPÖ pour soutenir le gouvernement minoritaire de cette formation, dirigé par Bruno Kreisky, un juif autrichien de la classe moyenne supérieure. En 1983, à la fin de sa carrière politique, Kreisky a poussé son successeur au poste de chancelier, Fred Sinowatz, à former une coalition formelle avec le FPÖ. Le chef de file de l’extrême droite d’alors, Norbert Steger, était issu de l’aile libérale du parti. En 1986, Jörg Haider a défié Steger en briguant la direction du parti et l’a emporté ; le SPÖ, désormais emmené par Franz Vranitzky, a immédiatement mis fin à sa coalition avec le FPÖ.
Sous la direction de Haider, le FPÖ a pris une orientation idéologique populiste d’extrême droite. Le programme du parti repose sur quatre piliers : anti-immigration, anti-islam, anti-UE et opposition au duopole SPÖ-ÖVP. Haider a repoussé les limites du discours acceptable en déclarant, lors d’un débat en juin 1991, que le Troisième Reich avait eu « une véritable politique de l’emploi ». Des diplômés des grandes fraternités étudiantes nationalistes allemandes se sont retrouvés dans les hautes sphères du parti.
La popularité du FPÖ a augmenté au fur et à mesure que celle du SPÖ et de l’ÖVP diminuait. Avant que Haider ne prenne les rênes du parti, il ne représentait que 5 % des voix ; en 1999, le FPÖ est arrivé en deuxième position aux élections nationales avec 26,91 % des voix. Sacrifiant son rêve de pouvoir personnel, Haider a fait entrer le FPÖ au gouvernement pour la première fois par le biais d’une coalition avec l’ÖVP, ce qui a suscité une condamnation internationale, y compris le rappel de l’ambassadeur d’Israël en Autriche. Notons que Herbert Kickl avait joué un rôle essentiel dans cette campagne de 1999.
Kickl, le propagandiste du parti
Herbert Kickl a rejoint l’académie politique et le groupe de réflexion du FPÖ en 1995. Selon Bauer et Treichler, sa formation de philosophe était appréciée au sein d’un parti qui attirait traditionnellement des membres issus des professions libérales de la classe moyenne : avocats, médecins, notaires, architectes et autres pharmaciens. En 1995, l’Autriche a adhéré à l’Union européenne, ce à quoi le FPÖ s’était opposé ; la même année, le parti remportait 21,89 % des suffrages aux élections nationales.
Kickl s’est taillé un rôle en travaillant sur les campagnes politiques du FPÖ et en rédigeant des discours pour Jörg Haider. Dans son livre consacré à Kickl, la journaliste de Falter Nina Horaczek lui attribue la paternité de la phrase de Haider selon laquelle le président français de l’époque, Jacques Chirac — l’adversaire le plus acharné de l’entrée du FPÖ au sein du gouvernement —, était un « Napoléon de poche ». Le verbe fielleux de Kickl a également visé Ariel Muzicant, alors président de la communauté juive autrichienne : « Je ne comprends absolument pas comment quelqu’un qui s’appelle Ariel peut être aussi sale [avoir autant de choses à cacher] ». Cette formule faisait allusion à la marque de lessive Ariel, insinuant que Muzicant avait des secrets inavouables malgré un nom évoquant la propreté.
Selon Horaczek, Kickl n’aurait jamais été proche de Haider sur le plan personnel. Le leader du FPÖ était un homme tapageur, qui roulait en Porsche et s’entourait souvent de beaux garçons. Kickl, en revanche, a une image publique plus réservée ; il pratique la randonnée en montagne et délaisse les soirées et les lieux branchés du centre de Vienne au profit de pubs et de bars plus modestes. Sur le plan politique, par contre, Bauer et Treichler affirment que Haider était « l’idole » de Kickl.
Les slogans de Kickl ont pénétré la conscience publique et enflammé le débat politique : il a été décrit comme une « sorte de mini Goebbels ».
Lorsque Haider a scindé le FPÖ en 2005 pour fonder l’Alliance pour l’avenir de l’Autriche (BZÖ), Kickl ne l’a pas suivi. Il est devenu secrétaire général du FPÖ et a continué à diriger les campagnes politiques de ce parti sous la direction de son nouveau chef, Heinz-Christian Strache. Kickl aimait les slogans simples qui riment comme « Daham statt Islam » [La patrie plutôt que l’Islam] et « Pummerin statt Muezzin » [les cloches de l’église plutôt que l’appel à la prière], mais aussi des formules aux accents Blut und Bloden comme « Mehr Mut für unser “Wiener Blut” » [plus de courage pour notre « sang viennois »). Muzicant a à un jour décrit Kickl comme une « sorte de mini Goebbels ».
Les slogans de Kickl ont pénétré la conscience publique et enflammé le débat politique. Son autre grande réussite en tant que secrétaire du parti a été de parvenir à créer pour le FPÖ un paysage médiatique alternatif grâce auquel l’extrême droite communique directement avec ses électeurs, sans passer par les canaux traditionnels. Aujourd’hui, ce paysage comprend le journal Neue Freie Zeitung, la chaîne YouTube FPÖ TV (dans laquelle le FPÖ a beaucoup investi) et son compte Facebook, lequel compte plus de 200 000 abonnés.
Kickl, ministre de l’Intérieur
La première expérience gouvernementale du FPÖ a failli briser le parti qui est tout de même parvenu à se reconstruire sous la direction de Heinz-Christian Strache. Surfant sur l’impopularité et l’instabilité de la coalition SPÖ-ÖVP et la crise des réfugiés de 2015, le FPÖ a recueilli 25,97 % des voix en 2017. Une fois de plus, c’est l’ÖVP — cette fois-ci dirigé par Sebastian Kurz — qui a tendu la main au FPÖ. Herbert Kickl est ainsi devenu ministre de l’Intérieur.
Son mandat a été bref, mais tumultueux. Il a gaspillé les deniers publics en tentant de mettre en place une division de police montée et de changer l’appellation des centres d’hébergement pour demandeurs d’asile en « centres de départ ». Les services de renseignement étrangers ont même cessé de coopérer avec l’Autriche à la suite de raids menés par la police contre les propres services de renseignement autrichiens. Selon Politico, ces raids « faisaient partie d’une opération orchestrée par Moscou visant à discréditer les services de renseignement autrichiens afin de les reconstruire sous une nouvelle direction aux ordres du Kremlin », et Kickl serait « le principal responsable » de ces raids.
Kickl a été démis de ses fonctions de ministre de l’Intérieur à la suite de l’effondrement de la coalition FPÖ-ÖVP en mai 2019, période au cours de laquelle Strache a démissionné de son poste de chef du parti. Norbert Hofer, ancien candidat à la présidence, prit alors les rênes du FPÖ, Kickl se voyant confier la direction du groupe parlementaire. En juin 2021, cependant, Kickl finit par succéder à Hofer à la tête du parti. Contrairement au style plus consensuel de son prédécesseur, Kickl a adopté une approche agressive et conflictuelle.
Kickl a sans aucun doute bénéficié des circonstances politiques : la réémergence du FPÖ depuis 2019 s’inscrit dans une bascule paneuropéenne en faveur des mouvements populistes d’extrême droite. Mais l’ascension fulgurante du FPÖ s’explique également par la stratégie de Kickl. Il a su exploiter le contexte en adoptant une série de positions extrémistes marginales, fédérant ainsi un électorat profondément insatisfait de sa propre situation et de l’orientation perçue de l’Autriche.
Cette évolution a commencé lors de la pandémie de COVID-19. D’abord partisan de contre-mesures énergiques, le FPÖ a rapidement basculé dans l’autre sens. Sous la direction de Kickl, il est devenu le principal parti autrichien sceptique à l’égard de la gestion de la pandémie, critiquant les stratégies de lutte telles que le port de masques et la distanciation sociale, dénonçant les vaccins, s’opposant à l’éphémère mandat de vaccination de l’Autriche et soutenant les prétendus traitements alternatifs, tels que l’ivermectine (un vermifuge pour chevaux).
Le FPÖ a adopté une position de facto pro-russe après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Le parti s’oppose à la participation de l’Autriche au régime de sanctions de l’UE et à ses campagnes d’aide financière et humanitaire en faveur de l’Ukraine, arguant que celles-ci violent la neutralité permanente de l’Autriche. Le FPÖ a également bénéficié d’un pic de demandes d’asile en 2022, avec 112 272 demandes en une seule année. Le parti soutient ce qu’il appelle la « Festung Österreich », la Forteresse Autriche, à savoir la fin concrète du régime d’asile politique en Autriche et l’application d’une politique migratoire restrictive.
À l’instar d’Hitler dans ses discours, Kickl désigne les formations politiques de ses opposants comme des Systemparteien ou partis du système.
Terminologie nazie et pouvoir de la rue
« Festung Österreich » est un autre slogan accrocheur signé Herbert Kickl. Dans le contexte européen, le terme « Festung » est utilisé en relation avec l’immigration depuis les années 1990 : d’abord dans un sens critique par les ONG de gauche avant d’être adopté par les mouvements populistes de droite pour plaider en faveur de politiques d’asile et d’immigration rigoristes. En d’autres temps, Festung Europa [la Forteresse Europe] avait été un terme utilisé par le ministre de la propagande nazie Joseph Goebbels pour décrire la partie de l’Europe occupée par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste.
En tant que dirigeant du FPÖ, Kickl a souvent joué avec la terminologie nazie. Il veut devenir le Volkskanzler de l’Autriche, le chancelier du peuple, un terme utilisé par la propagande nazie pour décrire Adolf Hitler. À l’instar d’Hitler dans ses discours, il désigne les formations politiques de ses opposants comme des Systemparteien ou partis du système. Volksverrat, ou trahison du peuple, est un autre terme privilégié. En 1933, le régime nazi l’avait érigé en crime dans la législation allemande. Il désignait « toute action visant à saper l’unité politique, la liberté et le pouvoir du peuple allemand, commise directement à son encontre ».
Kickl a également volontiers recours au terme Bevölkerungsaustausch [échange ou transfert de population], voisin du grand remplacement français, selon lequel des immigrés non blancs sont importés en Europe pour remplacer les populations blanches, tant sur le plan démographique que culturel. Cette théorie du complot a un impact particulier sur l’extrême droite européenne, y compris le mouvement identitaire, qui soutient la « remigration », c’est-à-dire l’expulsion massive des immigrés.
Le soir des élections de 2024, Kickl a célébré son triomphe politique avec des membres du mouvement identitaire. Il avait précédemment décrit les identitaires comme une « ONG de droite », comme s’il s’agissait de l’équivalent de Greenpeace ou du Fonds mondial pour la nature. « Aujourd’hui, il existe des liens évidents entre les structures politiques et éducatives du Parti de la liberté, son mouvement de jeunesse et les identitaires », a déclaré Andreas Peham — chercheur spécialisé dans l’extrémisme de droite, le racisme et l’antisémitisme au Centre de documentation de la résistance autrichienne de Vienne — à Ha’aretz.
« Et Kickl, comme nous l’avons vu pendant la pandémie de COVID-19, ne partage pas cette réticence à l’égard du pouvoir de la rue », a ajouté Peham. Sous sa direction, le FPÖ est devenu un parti à la fois parlementaire et extraparlementaire. Pendant la pandémie de COVID-19, il a organisé des manifestations pour dénoncer les mesures de lutte contre la pandémie et la proposition de vaccination obligatoire. En Autriche, divers groupes d’extrême droite ont été au cœur des manifestations anti-COVID. Parmi eux, on retrouve des néonazis, des identitaires et le mouvement Reichsbürger, qui conteste la légitimité de l’État allemand actuel (et par extension celui de l’Autriche).
Construire une forteresse : la vision de Kickl pour l’Autriche
Le FPÖ a amorcé son redressement vers mai 2022, quelques mois après le début de l’invasion russe en Ukraine. C’est à cette période que les répercussions du conflit, notamment l’inflation, ont commencé à se faire sentir en Europe. Fin novembre 2022, au cours du premier hiver de la guerre, alors que les prix de l’énergie atteignaient des sommets sur tout le continent, en particulier en Autriche (un pays jusqu’alors dépendant des exportations de gaz naturel russe), le FPÖ s’est classé premier dans les sondages, une position qu’il n’a jamais quittée depuis.
Les élections législatives de septembre étaient donc gagnées d’avance. Après la victoire historique du FPÖ aux élections européennes de juin, son succès aux législatives semblait inévitable. La seule inconnue restait l’ampleur de cette victoire. En fin de compte, le FPÖ a obtenu 28,8 % des voix, devant l’ÖVP (26,3 %) et le SPÖ (21,1 %). Le FPÖ a réussi à convaincre quelque 443 000 personnes qui avaient voté pour l’ÖVP lors des élections précédentes de 2019, ainsi que 258 000 personnes qui s’étaient abstenues en 2019. Les sondages révèlent que 45 % des électeurs du FPÖ ont été séduits par les politiques du parti, et plus particulièrement par ses positions sur l’immigration et la crise du pouvoir d’achat.
Pour les étrangers que le FPÖ juge indésirables, la solution prônée est la « remigration ». Ce parti d’extrême droite vise le renvoi de tous les immigrants « illégaux » – de quelque façon que l’on définisse cela – par des moyens légaux.
Le programme politique actuel du FPÖ combine le néolibéralisme économique et des éléments interventionnistes, le conservatisme culturel et un nationalisme pur et dur. « L’objectif commun du parti est d’arrêter la désintégration de notre État et de lui rendre le plein pouvoir de contrôle sur trois éléments essentiels : le gouvernement, la terre et le peuple », peut-on lire au début du manifeste du parti pour 2024. « Ces trois piliers forment ensemble une forteresse protégeant notre chère Autriche et garantissant à chaque citoyen une liberté optimale. »
Le FPÖ envisageait de centraliser le pouvoir pour bouleverser le consensus libéral d’après-guerre. Son projet : bâtir un État plus autoritaire, strict et replié sur lui-même, favorisant ses citoyens au détriment des autres résidents. Pour ce faire, une Autriche dirigée par le FPÖ réévaluerait ses engagements internationaux et militerait, au sein de l’UE, pour un retour des compétences de Bruxelles vers les États membres.
Le parti croit, selon le manifeste du parti populiste paneuropéen d’extrême droite Patriots.eu dont le FPÖ est membre, en une Europe « de nations fortes, fières et indépendantes… qui refusent tout nouveau transfert de souveraineté nationale aux institutions européennes ». Le FPÖ prône un renforcement constitutionnel de la neutralité permanente de l’Autriche, s’oppose catégoriquement à une armée européenne commune et rejette les accords de défense paneuropéens, comme l’initiative « Sky Shield ».
Sur le plan intérieur, la démocratie parlementaire serait – s’il arrivait au pouvoir — mise à mal par l’instauration d’un système de démocratie directe renforcée. « La démocratie directe est le meilleur moyen de rétablir la confiance dans la politique et de faire passer des mesures bloquées par les élites autoproclamées », peut-on lire dans le manifeste du parti. Selon ce dernier, la rue ne devrait pas seulement être en mesure de voter de nouvelles lois par le biais de référendums et d’initiatives électorales, mais devrait également avoir le droit d’adopter une motion de censure à l’encontre du gouvernement ou de tel ou tel ministre.
Cet octroi d’un pouvoir accru aux citoyens dans le cadre d’une démocratie directe s’accompagnerait de restrictions dans l’accès à la citoyenneté : « Pour profiter des avantages d’une communauté, il faut y contribuer. Nous rejetons l’idée d’un droit automatique à la citoyenneté. Nous voulons choisir qui naturaliser et accorder plus d’avantages à nos citoyens qu’aux immigrés ». Cette déclaration prône ouvertement l’instauration d’un système hiérarchique plaçant les natifs au-dessus des personnes nées à l’étranger.
Alors que le FPÖ prétend vouloir attirer des « travailleurs qualifiés » en Autriche, son manifeste s’engage à révoquer le droit au regroupement familial pour les immigrés, à remplacer leur droit aux prestations sociales en espèces à un droit à des prestations en nature, à réduire leur accès aux logements publics et, pour les demandeurs d’asile en particulier, à ne leur accorder que le niveau le plus élémentaire de soins de santé publics. En matière d’asile, le FPÖ souhaite réduire à zéro le nombre de demandes d’asile déposées en Autriche, en s’engageant à légaliser les « refoulements » aux frontières et à rejeter les demandes émanant de personnes qui ont traversé des pays tiers sûrs avant d’arriver en Autriche.
Pour les étrangers que le FPÖ juge indésirables, la solution prônée est la « remigration ». Ce parti d’extrême droite vise le renvoi de tous les immigrants « illégaux » – de quelque façon qu’on définisse cela – par des moyens légaux. Sa stratégie comprend le renforcement des frontières, la refonte des lois sur l’asile, l’immigration et la citoyenneté, ainsi que la mise en place de programmes de retour volontaire. Perçues comme formant des sociétés parallèles, les communautés musulmanes sont explicitement ciblées par cette politique. Voilà ce que signifie construire la Forteresse Autriche.

L’impact immédiat du FPÖ sur les relations avec la communauté juive
L’impact de la victoire du FPÖ à la fin du mois de septembre a été immédiat. Un fossé s’est tout de suite creusé entre l’État et la communauté juive autrichienne. Fin octobre, Walter Rosenkranz a été élu président du Parlement autrichien, un poste équivalent à celui de président de l’Assemblée nationale française. Cette décision, conforme à la coutume parlementaire qui veut que le président soit issu du plus grand parti du Parlement, a eu pour effet de placer un ancien membre d’une grande fraternité nationaliste allemande à l’un des plus hauts niveaux de pouvoir de l’État.
En 1878, la fraternité Libertas de Rosenkranz avait été la première grande organisation étudiante nationaliste allemande à se déclarer exclusivement « blanche » et à interdire l’adhésion aux juifs. L’intéressé a par ailleurs fait l’éloge du juriste nazi Johann Karl Stich. En tant que président du Parlement autrichien, Rosenkranz est désormais responsable du Fonds national pour les victimes du national-socialisme. Créé en 1995, cet organisme a pour mission d’indemniser les victimes du nazisme, d’entretenir les cimetières juifs autrichiens et de mener des projets dans le domaine de la mémoire de la Shoah.
« Accorder la direction du Fonds national à un politicien du FPÖ qui a rendu hommage aux nazis dans ses écrits, c’est insulter les victimes du national-socialisme et leurs descendants », avait déclaré le président de la JÖH, Alon Ishay, en condamnant la nomination de Rosenkranz. Avant le scrutin, Oskar Deutsch, représentant de la communauté juive viennoise (IKG), avait pour sa part interpellé par écrit l’ensemble des partis parlementaires, à l’exception du FPÖ. Sa lettre ouverte soulevait un débat : était-il approprié qu’un membre d’une importante fraternité nationaliste allemande préside le Parlement autrichien ? Elle ne suscita cependant aucune réaction notable.
Lors d’une réunion du conseil de la communauté juive tenue le 4 novembre 2024, les membres ont adopté une résolution affirmant que l’IKG ne nouerait aucun contact avec Rosenkranz, conformément aux résolutions antérieures interdisant la coopération avec le FPÖ. Les représentants de l’IKG n’assisteront aux réunions du Fonds national pour les victimes du national-socialisme que si elles sont présidées par des adjoints de Rosenkranz appartenant à l’ÖVP ou au SPÖ.
En 1878, la fraternité Libertas de Rosenkranz avait été la première grande organisation étudiante nationaliste allemande à se déclarer exclusivement « blanche » et à interdire l’adhésion aux juifs.
Cette motion laisse présager les difficultés que l’IKG pourrait rencontrer dans sa collaboration avec un gouvernement dirigé par le FPÖ, lors de prochaines échéances électorales remportées par le parti. Des relais de l’ÖVP devront notamment être installés dans des ministères clés tels que le ministère de l’Intérieur, responsable de la police et des services de sécurité autrichiens. Des personnalités de l’ÖVP, comme l’ancien chancelier Sebastian Kurz, le président du Parlement autrichien Wolfgang Sobotka et la ministre de l’Europe et des Affaires constitutionnelles Karoline Edtstadler — laquelle avait coordonné les efforts déployés précédemment par l’Autriche pour lutter contre l’antisémitisme, préserver la mémoire de la Shoah et renforcer les relations avec Israël — se sont retirées de la vie politique nationale, ce qui complique encore la situation.
Cette coalition FPÖ-ÖVP laissait également présager de nouveaux conflits entre le gouvernement et la JÖH. L’Union des étudiants juifs d’Autriche a réussi à empêcher Rosenkranz de déposer une gerbe au mémorial de la Shoah de Vienne, sur la Judenplatz, le 8 novembre, date anniversaire de la Nuit de Cristal. Le syndicat étudiant a également tenté de porter des accusations d’abus de pouvoir contre Rosenkranz en relation avec des mesures prises précédemment contre trois candidats parlementaires du FPÖ — aujourd’hui députés — qui, selon la JÖH, pourraient avoir violé la loi autrichienne interdisant toute activité nationale-socialiste.
En novembre, le parquet de Vienne a donc demandé à Rosenkranz de lever l’immunité parlementaire de Martin Graf, Harald Stefan et Norbert Nemeth. Pendant dix jours, Rosenkranz s’est soigneusement gardé de faire suite à cette requête. Selon la JÖH, cette inaction visait à ne pas fragiliser le FPÖ à l’approche des élections styriennes du 24 novembre.
Selon Ishay, « rien [de ce que fait M. Rosenkranz] ne semble fait de manière impartiale ou non partisane. Le moment est venu pour les forces prodémocratiques au Parlement de se demander s’il est acceptable de voir M. Rosenkranz, membre d’une grande fraternité nationaliste allemande, occuper le deuxième poste le plus élevé du pays », devant la possibilité de cette alliance.
La voie vers une Troisième République
La démocratie parlementaire et la prise de décision par consensus étaient et sont toujours les fondements de la Deuxième République autrichienne d’après-guerre. Dans les années 1990, Jörg Haider, l’idole d’Herbert Kickl, avait été le premier à proposer l’idée d’une Troisième République. Ce projet visait à réformer le système politique autrichien en diminuant le rôle du Parlement au profit d’un régime plus présidentiel, tout en renforçant les outils de démocratie directe. Haider avait également cherché à supprimer le partenariat social grâce auquel les lois et les conventions collectives sont négociées avec ou entre les syndicats et le patronat.
La capacité de Haider à instaurer une Troisième République, et par extension celle de Kickl à gouverner en tant que Volkskanzler autoproclamé, a été et sera toujours limitée par la Constitution et les réalités politiques de l’Autriche. Contrairement à Viktor Orbán en Hongrie, le FPÖ ne peut pas gouverner seul, il a besoin du soutien d’un autre parti pour former un gouvernement. Quant à la révision de la Constitution, elle requiert une majorité des deux tiers au Parlement. La Cour constitutionnelle autrichienne, l’adhésion à l’Union européenne et les obligations souscrites en vertu d’instruments internationaux, dont la Convention européenne des Droits de l’homme, limitent également la marge de manœuvre du FPÖ.
Néanmoins, l’accession d’un membre du FPÖ au poste de chancelier aurait eu des conséquences très graves pour la démocratie, les institutions et la position internationale de l’Autriche. Avec sa vision d’une « Europe des nations et des régions », l’Autriche sous Kickl pourrait avoir rejoint un axe populiste et eurosceptique en Europe centrale, aux côtés de la Hongrie, la Slovaquie et peut-être aussi la République tchèque (en fonction du résultat des élections législatives d’octobre). Cet axe ne manquerait pas d’user de son influence, y compris de son droit de veto, pour saper le travail de l’UE de l’intérieur. Il s’agirait notamment de torpiller la politique de l’Union en faveur de l’Ukraine, à laquelle le FPÖ est fermement opposé, ainsi que la capacité de Bruxelles à surveiller les reculs démocratiques dans les États membres.
L’évolution politique en Hongrie et en Pologne, sous l’égide du parti Droit et Justice, préfigure les changements susceptibles d’intervenir en Autriche, en particulier en ce qui concerne la liberté de la presse. Selon le groupe de réflexion Freedom House, l’Autriche est déjà un pays, dans lequel « les lois sur la diffamation protègent les hommes politiques et les fonctionnaires, dont beaucoup, en particulier les membres du FPÖ, n’ont pas hésité à engager des poursuites pour diffamation au cours des dernières années ».
Une fois au pouvoir, le FPÖ s’en prendrait probablement à l’ORF [la radio-télévision publique]. Le parti s’est en effet engagé à supprimer la redevance qui finance cet organisme et contribue à préserver son indépendance éditoriale, même si, toujours selon Freedom House, la Cour constitutionnelle autrichienne a estimé en octobre 2023 « que les règles de nomination des membres des deux principaux organes de contrôle de l’ORF sont partiellement inconstitutionnelles, car conférant au gouvernement fédéral un droit de regard excessif sur la composition desdits organes. » La Cour a donc enjoint le gouvernement à réformer le processus de nomination avant mars 2025. Le FPÖ pourrait profiter de cette occasion pour réduire le financement de l’ORF, diminuer ses capacités de production et restructurer son conseil d’administration.
Pour Paul Lendvai, journaliste austro-hongrois d’origine juive, « [i]l ne faut se faire aucune illusion : l’accession de Kickl à la chancellerie marquerait un tournant décisif pour le pays ». L’Autriche deviendrait « une forteresse d’extrême droite, dirigée par des politiciens issus de fraternités nationalistes allemandes. Ce nouveau régime s’alignerait sur les gouvernements d’Orbán en Hongrie et de Fico en Slovaquie, formant un bloc eurosceptique au sein de l’Union européenne ». L’objectif ultime de Kickl et du FPÖ, écrit Lendvai, ne fait aucun doute. Il s’agit purement et simplement d’« abolir le ‘système’ honni de la démocratie libérale ».
Comprendre l’échec des négociations ÖVP/FPÖ
Les négociations de coalition entre le FPÖ et l’ÖVP se sont terminées sans accord le 12 février, le désaccord entre les partis se jouant principalement à trois niveaux.
- D’abord, en surface, le FPÖ et l’ÖVP n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la répartition des portefeuilles gouvernementaux. Le FPÖ voulait obtenir les ministères de l’Intérieur et des Finances, ainsi que les portefeuilles des Médias, de la Culture et de l’Europe, ce qui lui aurait donné le contrôle de la police, des services de sécurité, des autorités de l’immigration, du fisc, des subventions aux médias et à la culture – en somme, presque l’ensemble de l’appareil d’État.
- Ensuite, à un niveau plus profond, le FPÖ et l’ÖVP divergeaient sur les politiques à mener, en particulier sur l’Europe et la politique étrangère, ainsi que sur les réformes constitutionnelles, judiciaires et médiatiques. Concernant la politique étrangère, par exemple, le FPÖ souhaitait : revoir la participation de l’Autriche aux sanctions contre la Russie, bloquer les négociations d’adhésion de l’Ukraine et des Balkans occidentaux à l’UE, renégocier le pacte migratoire européen, remettre en cause la compétence des tribunaux internationaux sur l’Autriche, réévaluer la signature de l’Autriche à divers accords internationaux, se retirer du traité de l’OMS sur la prévention des pandémies, supprimer de facto le droit d’asile dans l’UE et renier la responsabilité historique de l’Autriche envers Israël.
- Enfin, au cœur du problème se trouvait un désaccord sur les droits fondamentaux et les valeurs. Les divergences politiques entre les deux partis – qu’il s’agisse de la Constitution autrichienne, du système judiciaire, de l’Europe et de la politique étrangère, ou encore de l’adhésion à l’ordre international fondé sur des règles – touchaient en réalité à des droits inaliénables comme la liberté d’expression, de réunion et de la presse.
En définitive, ces tensions remettaient en question la nature même de la Seconde République autrichienne.
Kickl porte à lui seul une grande par de la responsabilité de l’échec du FPÖ et de l’ÖVP à former un gouvernement. Témoin direct des compromis que le FPÖ a dû faire en 2000 et en 2017 pour accéder au pouvoir, ainsi que du prix que la participation à une coalition a fait payer au parti, il reste convaincu que le FPÖ ne doit entrer au gouvernement que s’il est en position d’imposer ses politiques, ce qui transformerait l’Autriche en une Troisième République. En d’autres termes : Kickl veut gouverner de manière absolue – ou pas du tout.
Son style de négociation, maximaliste, peut être analysé comme une tentative de ne pas répéter les erreurs du passé, du moins à ses yeux. Ce faisant, il en a commis de nouvelles. Il a pris ses scores dans les sondages pour un reflet exact de la réalité politique, formulant ses exigences comme si le FPÖ était un parti représentant 35 % des voix – certains sondages suggèrent qu’il pourrait atteindre ce niveau – et non un parti cumulant 29 % des votes, comme l’a montré l’élection de septembre. Au cours des négociations, il s’est montré distant, désintéressé et difficilement cernable, ne cherchant pas particulièrement à arrondir ses relations avec l’ÖVP et Stocker. Il n’a participé en tout et pour tout qu’à sept heures de négociations avec l’ÖVP. Il a sous-estimé le pouvoir et la détermination de l’ÖVP, et surestimé l’effet que la menace de nouvelles élections aurait sur la volonté de l’ÖVP de céder aux exigences du FPÖ.
Que ce soit délibéré ou non – car il faut aussi prendre en compte le contexte politique sous-jacent, à savoir que le prochain gouvernement autrichien devra opérer des coupes budgétaires difficiles et impopulaires dans les deux années à venir – il est difficile de ne pas conclure que Kickl, à lui seul, a gâché sa meilleure chance d’accéder à la chancellerie.
Une coalition pro-européenne réunissant les conservateurs, les sociaux-démocrates et les libéraux a finalement réussi à former un gouvernement, autour de Christian Stocker. Kickl a échoué, pour cette fois.
Liam Hoare
Notes
1 | NdT : En français dans le texte. |