Dans ce nouveau PodKast, Avishag Zafrani s’entretient avec Annette Wieviorka, au sujet de son dernier livre Tombeaux, une autobiographie de ma famille. L’historienne y plonge dans ses archives intimes pour nous raconter ce qu’était le monde juif polonais de l’entre-deux guerres en France, sa vie artisanale, sa vie intellectuelle et ses mouvements ouvriers. Comment s’y constitua une culture spécifique, avant les persécutions et la Shoah ? Et quel est le regard de l’historienne sur sa propre histoire ?
Le dernier livre de l’historienne Annette Wieviorka nous transporte dans un monde disparu – une France des juifs polonais avant la nuit, pour reprendre la formule de Robert Bober[1]. Nous y suivons une enquête singulière, qui prend la forme inédite d’une autobiographie familiale, collective, croisant deux généalogies, celles des Wieviorka et des Perelman. Il faut réussir à écrire la mémoire de deux familles selon les méthodes du travail d’historien, grâce aux archives et aux témoignages recueillis, mais aussi en visant un dernier hommage qui réunirait dans un même livre les vies de tout le monde, et en contiendrait le souvenir non fragmenté. Les échos religieux ou laïcs, politiques et artistiques, intellectuels et artisans, de cette vie dense et prolifique du monde yiddish – en dépit de sa précarité – résonnent entre ces pages. Qu’en était-il des peurs et des inquiétudes face aux nouvelles configurations du monde des années 30 ?
Surtout, au cœur du livre de l’historienne, une question centrale est soulevée : comment réussir à estimer les tournures de l’histoire ? Sommes-nous armés de savoir devant les drames à venir, ou bien toujours livrés aux contingences ? Les enfants allaient-ils, pouvaient-ils être réellement déportés aussi ? Fallait-il choisir le communisme ou être social-démocrate ? Voici quelques-unes des questions qui ont animé notre discussion avec Annette Wieviorka. Sans doute de nombreuses réponses, à lire entre les lignes, sont contenues dans un autre genre de texte que nous sommes invités à lire : les nouvelles de Wolf Wieviorka[2], figure exceptionnelle d’un monde juif en transition, grand-père d’Annette Wieviorka, mort à Auschwitz, et qui semblait détenir une profonde sagesse dont la force a été, en outre, d’orienter les aspirations au savoir et à la transmission de sa descendance.
Avishag Zafrani