Palestine
Sur quelles ressources idéologiques s’appuient les partisans de la solution binationale, alors même que la cohabitation entre Israéliens et Palestiniens semble plus que jamais compromise ? Denis Charbit nous livre ici son compte rendu critique du dernier ouvrage de Shlomo Sand, Deux peuples pour un État ? Relire l’histoire du sionisme (Seuil). Soulignant comment l’ouvrage resitue une idée binationale née dans la pensée sioniste, il nous prévient cependant contre la supercherie qui consiste à faire jouer une perspective critique interne au sionisme contre le projet lui-même.
Quel est le ça dont le slogan « Plus jamais ça ! » cherche à conjurer la répétition ? Alors que l’utilisation de la formule se banalise, au point que certains n’hésitent pas à la retourner contre l’État d’Israël, Danny Trom en retrace la genèse, au-delà de la référence à la Shoah. Interrogeant la manière dont les pionniers sionistes se sont appropriés le récit de la résistance héroïque de la forteresse de Massada face aux légions romaines, il éclaire la manière dont le slogan s’articule à la condition juive, et comment il peut encore informer notre perspective sur la situation actuelle.
Les premiers sionistes croyaient-ils vraiment que la Palestine fût une terre déserte, sans population ? C’est, pour certains, ce qui se laisserait deviner derrière la formule « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Diana Muir, en retraçant ici l’histoire de l’origine et des usages de cette formule, montre que ce serait à la fois faire au sionisme un mauvais procès et évacuer la question de la construction de l’identité nationale palestinienne.
Deux mois après le 7 octobre, Bruno Karsenti s’attache à décrire le tournant que représente un tel événement, pour Israël comme pour la diaspora. Une coordonnée existentielle du monde juif a été touchée, et si la réaction a été immédiate et forte de la part du peuple israélien et de son État, ce qui s’est produit n’en emporte pas moins la nécessité de penser à nouveaux frais les contraintes et les devoirs qui pèsent sur le monde juif tout entier. Ce qui engage aussi, et sans doute avant tout, de considérer la question palestinienne autrement qu’on ne l’a fait jusqu’à présent.
Free Palestine. Le slogan à la traduction ambigüe fait florès dans les manifestations en soutien à la population de Gaza. Que sous-tend-il ? Dans ce texte d’une clarté déconcertante, l’essayiste Hussein Aboubakr Mansour revient aux sources du slogan et propose une archéologie de la volonté politique qu’il porte.
Revenant sur la situation politique qui enflamme Israël, Bruno Karsenti rend compte des multiples fractures qui divisent en profondeur les populations qui vivent dans la région. Tous les sous-groupes en ébullition – sionistes religieux, citoyens israéliens manifestant pour la défense d’un État moderne démocratique aujourd’hui en danger, Palestiniens d’Israël et des territoires occupés – sont ramenés à une même question, qui touche au sentiment d’appartenance diversement éprouvé. Car s’il est d’égale intensité, il n’a pas le contenu ni le même sens selon les perspectives en présence. Appartenir ou posséder ? Sari Nusseibeh revient dans le numéro de K. de cette semaine sur la tension entre ces deux mots. Le texte de Bruno Karsenti se lit comme une introduction à la contribution du philosophe palestinien.
Sari Nusseibeh, 74 ans, est un philosophe palestinien important qui, après ses études à Harvard, fut le président de l’université arabe de Jérusalem. Ancien représentant de l’OLP à Jérusalem et longtemps acteur des négociations dans le cadre du conflit israélo-palestinien, il est notamment l’auteur de ‘What Is a Palestinian State Worth?’ et de ‘The Story of Reason in Islam’. Dans son texte prononcé le 24 janvier dernier à Jérusalem, lors du colloque « Martin Buber et son héritage » organisé par l’Académie israélienne des Sciences et des Lettres, il propose une analyse philosophique des verbes « appartenir » et « posséder » – dans le contexte de l’équation unique qui, en Israël-Palestine, voit deux peuples pour une terre.
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