Quand le vin est tiré – sur la dualité entre guerre et vie

 

Nicolas de Staël, Chemin de fer au bord de la mer, soleil couchant, 1955, Wikiart

 

C’est le calme après la tempête.

C’est le calme avant la tempête.

Nous savons ce qui s’est passé.

On a repris une vie normale.

Nous savons ce qui est encore à venir.

On égarera cette vie normale.

La guerre est là, et plus est à venir.

 

Vivre la vie, c’est comme attendre de boire le vin déjà tiré.

Quelque chose ne va pas.

Ce qui ne va pas est que ça va.

La normalité est d’une inquiétante étrangeté.

Un simulacre.

Sortir manger, rire, profiter de la vie entre amis.

Et puis le visage d’une fille sur une affiche.

Elle est toujours là-bas, loin de toute normalité.

Chaque jour, un enfer sur terre.

Nous n’entendons pas ses cris pendant le dîner.

 

Assis sur la plage, regardant les vagues.

Un peu de soleil, un peu d’insouciance.

À seulement 80 km de là, les mêmes vagues déferlent.

La même mer.

Monstrueusement proscrite.

La plage comme toujours.

Des gens allongés pour bronzer.

Des corps allongés sans vie.

La plage reste oisive.

 

Un festival dans le nord le week-end dernier.

En l’honneur de l’un des enfants du coin tombé.

La scène pleine, les gens dansent en rythme.

Au fond, un mémorial.

Le martèlement de la musique.

La lueur des bougies allumées.

Les adolescents passent des larmes à la fête.

Et vice versa.

Un spectacle grotesque.

Une décharge nécessaire.

 

La vie continue, on s’en assure.

La résilience, elle aussi, a son coût.

Imagine Yom haZikaron.

Imagine Yom haAtzmaut.

Que faisons-nous cette année ?

Il y a tant à pleurer.

Il y a tant à honorer.

Présence versus anéantissement.

Ce petit territoire est un bout de terre en enfer.

 

Rien de tout cela ne va.

Aucun de nous ne va.

Comment pouvons-nous juste continuer ?

Comment ne pouvons-nous pas ?


Judith Offenberg, le 2 avril 2024

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