Kaddish pour François

Le philosophe François-David Sebbah s’est éteint le 25 juillet dernier. Gérard Bensussan nous a adressé les quelques lignes de ce kaddish, en mémoire de son ami qui fut l’une des voix les plus originales de la philosophie française inspirée de Levinas et de Derrida.

 

François-David Sebbah

 

Parti si vite, trop tôt comme on dit, prenant cruellement de court les promesses de sa pensée, les rencontres prévues, projetées, et l’échange continu, plénier et familier, François Sebbah nous laisse désemparés. Face au visage de la culpabilité qu’il avait su scruter, et avec quelle subtilité, sous la responsabilité la plus haute, celle de l’éthique de Levinas, notre sol. Et son absence a aujourd’hui, je ne sais pourquoi, ce visage de la culpabilité.

François aura donc privé beaucoup d’entre nous de la conversation tenue à deux voix depuis des années, de son intensité et de sa simplicité. Des discussions que j’eus avec lui autour de choses partagées, communes même, le judéo-maghrébin, les philosophèmes comme autant de biographèmes, une certaine écriture narrative de la philosophie,  de leur chaleur, du plaisir et de l’amitié d’être ensemble, il s’absentera donc, pour toujours, définitivement. Comment lui survivre ? C’est aujourd’hui cette douloureuse question qu’il nous lègue, lui qui a tant médité ce que peut bien être la survie, son éthique, et qui nous ouvre ainsi, au-delà de lui-même, au-delà de sa propre mort, la possibilité de « quelques tentatives », selon le sous-titre d’un de ses livres. Tentons, donc. Mais comment ? Quelle éthique du survivant nous laisse-t-il en partage, si l’éthique, comme il l’a toujours pressenti et affirmé, pour être « éthique », revient à un faire sans parole ? « Il faut se taire ». A quelle éthique silencieuse François nous abandonne-t-il ?

Je sais une chose, d’un savoir inébranlable, lisant et relisant la moindre ligne de ce qu’il a écrit au long de sa courte vie : il n’aura jamais démérité devant le « Juge de Vérité », le dayane ha-émète, que la tradition juive invoque à l’instant de la mort.


Gérard Bensussan

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