#47 / Edito

 

Au milieu des années 1990, le nombre des Juifs ne dépassait pas la cinquantaine en Algérie, alors que 150.000 y vivaient avant l’indépendance. Et pourtant… Une rumeur persiste. « Des juifs, en Algérie ? Il y en a encore. Ils sont nombreux, un peu partout. Ils se cachent. Pratiquent leur religion en silence. Sans se montrer. Des juifs en Algérie ? Bien sûr, ma grand-mère en connait… » Ce genre d’énoncés circule dans les rues algériennes, telle une légende urbaine. Les Juifs font partie intégrante de l’histoire algérienne : l’Algérie ne conserve certes aucune trace de leur présence mais, dans ce creux dont les cimetières sont les indices principaux, le secret se transmet. Joseph Benamour évoque cette étrange distorsion qui fait des Juifs une présence algérienne fantasmée, alors qu’ils restent introuvables dans la réalité.

Disparaître dans la réalité mais peupler l’imaginaire, voilà bien une spécialité juive – et qui se vérifie en Allemagne au point qu’un artiste israélien, il y a quinze ans déjà, a conçu un projet d’État juif en Thuringe : Medinat Weimar. On pense là au génial et fameux roman de Philip Roth, Opération Shylock où un imposteur emprunte le nom du romancier pour promouvoir son idée folle : faire que les Juifs venus d’Europe vivant en Israël retournent « chez eux », en Pologne, en Ukraine, en Allemagne… « Le moment est venu de retourner à ce qui est notre vraie vie, le vrai foyer de notre culture, l’Europe juive de nos ancêtres » disait le personnage de Roth dans son livre de 1993 en ajoutant : « Israël est une terre d’exil et rien d’autre, un lieu de passage, un interlude dans l’histoire européenne dont il est maintenant temps de reprendre le cours ». Le projet de Ronen Eidelman date, lui, de 2008. Il ne s’agit pas pour lui de marginaliser Israël ni de réamorcer un mouvement diasporique, mais de penser la création d’un deuxième État juif, conçu comme un plan B : le projet oscille entre happening artistique farfelu et provocation destinée à stimuler notre imagination politique.

Le 12 février prochain aura lieu à Sofia la marche annuelle en hommage à Lukov, ce ministre de la Défense bulgare des années 1930, pro-Nazi, assassiné par des résistants communistes en 1943. Emmy et Phebia Barouh nous avaient raconté en mots et en images « la Marche de Lukov » qui s’était tenue l’année dernière. Nous republions cette semaine leur reportage, augmenté d’une mise à jour d’Emmy Barouh sur l’ambiance bulgare du moment.

 

 

Soixante ans après l’indépendance de l’Algérie, et le départ des 150 000 juifs qui y vivaient, la question d’une présence juive en Algérie continue de déchaîner les passions. Dans les médias, chez les politiques, sur les réseaux sociaux, au café, le mythe circule : il resterait encore des juifs en Algérie. Qu’en est-il réellement ? L’auteur se pose la question, mais la réponse existe-t-elle vraiment ?

En 2008, Ronen Eidelman, artiste israélien résidant en Allemagne, fonde le mouvement pour la création d’un État Juif en Thuringe : Medinat Weimar. Le projet artistique questionne, séduit certains et horrifie d’autres, fait réagir. Plus de 15 ans plus tard, il nous raconte, depuis Jérusalem où il vit aujourd’hui, ce qui l’avait conduit à imaginer un tel projet, oscillant entre provocation farfelue et incitation à débattre. Un entretien où il est question de culpabilité allemande, d’Herzl en plasticien, et d’un second État juif conçu comme un plan B…

À Sofia, en février, se déroule la « Marche de Lukov », organisée depuis près de vingt ans par l’Union nationale bulgare – Edelweiss (BNUE), qui commémore la mémoire d’un ministre de la Défense des années 1930, pro-Nazi, assassiné par des résistants communistes en 1943. La journaliste Emmy Barouh, auteure de plusieurs livres sur l’histoire des Juifs Bulgares et sur la mémoire de la Shoah dans son pays, était en 2021 dans les rues de Sofia : elle revient pour nous sur l’histoire et l’actualité de ce rendez-vous où la fine fleur de la mouvance néo-nazie européenne aime chaque année se retrouver. Et en 2022, elle augmente son reportage d’une mise à jour sur l’ambiance bulgare du moment… qui ne s’est pas arrangée.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.