#34 / Edito

Féminisme et judaïsme… À Marseille, des slogans s’affichent sur les murs de la ville, contre l’antisémitisme, dénonçant les oppressions que subissent les femmes juives, ou encore contre la comparaison entre le pass sanitaire et l’étoile jaune. « Juive et fière » proclame l’un d’eux, qu’on doit à un jeune collectif de colleuses juives dont Yoram Melloul fait ici le portrait. Religieuses et féministes, de gauche mais ne se privant pas de mettre en lumière le silence qui y règne fréquemment sur l’antisémitisme, le journaliste raconte les tensions auxquelles se confrontent ces militantes d’un nouveau genre.

« Les Allemands ne pardonneront jamais Auschwitz aux Juifs. » La phrase du psychiatre israélien Zvi Rex résume assez bien la notion complexe d’ « antisémitisme secondaire ». D’usage courant dans les études germanophones sur la judéophobie contemporaine, mais encore mal connue en France, Bruno Quelennec clarifie ici les contours de cette notion qui se confronte à un fait déroutant : comment la Shoah a pu, paradoxalement, donner une nouvelle raison de haïr les Juifs ? Caractérisée par une incapacité à reconnaître toute forme de responsabilité collective, par la négation ou la relativisation de l’extermination, par un rejet de sa commémoration, et par une tendance à renverser les rôles de bourreaux et de victimes, l’antisémitisme secondaire sourde du débat public, allemand notamment. Il était temps pour K d’y revenir.

Jewish Cock, le premier roman de Katharina Volckmer, déjà culte pour la critique et le public anglophone, est récemment paru en France[1]. Née en Allemagne, qu’elle a fuie pour s’installer à Londres, la narratrice s’épanche alors que l’ausculte son gynécologue, le Dr Seligman. Elle parle de son pays natal et des Juifs, elle raconte ses rêves d’Hitler, et son désir de changer de sexe – de s’offrir une « Jewish Cock » (« bite juive »). Pourquoi une telle idée ? Julia Christ propose sa lecture de cette parabole satirique et provocatrice sur laquelle plane l’ombre de Philip Roth, Woody Allen et Thomas Bernhardt.

À Marseille, des militantes féministes s’emparent des murs de la ville pour coller des slogans sur l’antisémitisme et la situation des femmes juives. Elles donnent de l’écho à leur action via un compte Instagram. Une démarche qui a surpris dans la troisième communauté juive d’Europe, réputée pour son conservatisme. Yoram Melloul fait le portrait de certaines de ces colleuses, qui se retrouvent souvent prises en étau entre leur environnement traditionnel et leur militantisme.

La pluralité des mises en accusation des juifs impose de retravailler en permanence les concepts qui servent à les caractériser. Depuis quelques années, la notion « d’antisémitisme secondaire » ou « antisémitisme de rejet de culpabilité » s’est ainsi imposée pour caractériser des nouvelles formes d’hostilité anti-juives qui se rapportent à la Shoah pour la nier, la relativiser, en inverser la responsabilité, etc.

Née en Allemagne, qu’elle a fuie pour s’installer à Londres, la narratrice de « Jewish Cock » s’épanche alors que l’ausculte son gynécologue, le Dr Seligman. Résolument provocateur, mélangeant fantasmes sexuels sur Hitler et aperçus aigus sur nos société contemporaine, le roman a récemment été traduit en français. Une parabole satirique où plane l’ombre de Philip Roth, Woody Allen et Thomas Bernhardt.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.