Il y a tout juste un an, le 29 octobre 2020, Jeremy Corbyn, l’ancien leader travailliste, était exclu du Labour pour avoir contesté les conclusions du rapport de l’EHRC sur l’antisémitisme au sein de son parti. Les polémiques autour de l’antisémitisme qui ont marqué la période Corbyn avaient beaucoup fait parler en Europe. Des voix s’étaient élevées, en France notamment, pour le défendre et dénoncer des machinations et des instrumentalisations de l’antisémitisme. Une partie de la gauche française notamment, à l’image du leader de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, multipliait les attaques en défense de Corbyn. La logique de cette incursion dans le débat d’Outre-Manche était claire : au-delà des contextes nationaux, il y avait un combat européen commun à mener contre des accusations d’antisémitisme mensongères qui visent une partie de la gauche. Étrangement, cette amplification européenne des polémiques britanniques est retombée. Les suites de l’Affaire, c’est-à-dire le rapport indépendant accablant qui a mis en cause la gestion par Corbyn de l’antisémitisme présent au sein du parti et qui a conduit son successeur Keir Starmer à parler de « Jour de honte » a peu été repris en France et n’a donné lieu à aucun commentaire de la part d’un Mélenchon d’ordinaire si loquace sur la question. Tout se passe comme si, dès l’instant où la supposée machination d’accusations d’antisémitisme se transformait en problème, dument documenté, des lacunes de la gauche anglaise à lutter contre l’antisémitisme venu de ses propres rangs, le sujet redevenait purement national. En témoigne, le peu d’écho qu’a rencontré en France le rapport de l’EHRC. En témoigne aussi, le silence que lui a réservé la France Insoumise. Un an après l’épilogue d’une Affaire qui a durablement éloigné les juifs britanniques du Parti dans lequel ils s’étaient massivement investis depuis un siècle – au point que le Labour était surnommé « The house of the Jews » – K. revient sur les échos européens de l’antisémitisme au Labour et propose surtout l’unique synthèse française de ce rapport de l’EHRC qui fit l’effet d’une bombe en Angleterre.
C’est également du Royaume-Uni, et d’histoires de frontières qui s’ouvrent et se ferment, qu’il est question dans le reportage d’Élie Petit. Plutôt que des idées ou des polémiques, c’est quelque chose de bien plus tangible qu’espère faire venir à elle la communauté juive de Belfast : la nourriture casher. Depuis l’entrée en vigueur de l’accord du Brexit, de nouvelles contraintes administratives ont fait de son approvisionnement un casse-tête et font planer la menace de sa disparition définitive. En échangeant avec les derniers animateurs de cette minuscule communauté, Élie Petit nous raconte à la fois les contraintes kafkaïennes et les solutions instables qu’ils inventent chaque jour pour faire venir viande et poulet casher à Belfast. Mais, ce qu’il dévoile surtout, ce sont les adaptations précaires successives que bricole depuis plus de trente ans une communauté naguère prospère et qui n’en finit plus d’être la victime collatérale des déchirements et des dissensus britanniques. Dernières traces d’une vie juive avant disparition ?
Des traces. C’est à la recherche de celles qu’aurait laissé Sabbataï Tsevi en Albanie que nous entraîne notre dernier article. En suivant le journaliste israélien Benny Ziffer dans son périple, on découvre un pays inconnu, longtemps resté à l’écart de la marche du monde sous la main de fer d’Enver Hoxha. Pourtant, de Gjirokastër à Tirana, en passant par Berat, les traces juives y sont bien présentes : celles du Messie autoproclamé du XVIIème siècle à l’origine du sabbatéisme, celles du sauvetage des Juifs d’Albanie durant la dernière guerre, celles d’une relation privilégiée, aujourd’hui encore, entre l’Albanie et Israël. Dépaysement assuré.