# 236 / Edito

Le propre des grands hommes est de poser de grands gestes devant l’Histoire, et c’est sans doute ce qu’Emmanuel Macron avait en tête en annonçant la reconnaissance de l’État de Palestine, précédé ou suivi en cela par plusieurs pays européens et occidentaux. Les débats brûlants qui s’en sont suivis ont cependant eu le mérite de rappeler un fait notable : les difficultés à réconcilier les préoccupations également légitimes pour la sécurité d’Israël et le droit des Palestiniens à l’autodétermination ne sont ni neuves, ni contournables. Quand bien même on crédite le geste de reconnaissance des meilleures intentions, celles-là mêmes qu’on ne peut que partager, il n’en demeure donc pas moins qu’il demande à être évalué dans sa capacité à atteindre les fins qu’il s’est donné. C’est ce à quoi s’est employée cette semaine, après de vigoureuses discussions internes, la rédaction de la revue K., partagée entre espoir et désabusement.

Oui, le dernier film du réalisateur israélien Nadav Lapid, a fasciné la critique française et le public du Festival de Cannes. Non, ce n’est sans doute pas d’abord pour ses qualités cinématographiques intrinsèques. Dans un contexte où un mélange de curiosité, de rejet et d’ignorance caractérise le rapport français à la culture israélienne, le discours médiatique de Lapid, qui n’hésite pas à se faire prophète de malheur, apparaît taillé pour séduire. Laure Abramovici revient cette semaine sur le parcours du cinéaste israélien et les tensions internes à une œuvre clivée entre Israël et l’Europe. Les attentes de la critique française à l’égard du cinéma israélien se trouvent alors confrontées avec ce que Lapid a effectivement à proposer, au risque du malentendu.

À l’occasion de la parution de son dernier livre, Les paradoxes de l’intégration. L’Europe et les Juifs (Calmann-Lévy), Bruno Karsenti s’est entretenu avec Ruben Honigmann au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme. Nous partageons la vidéo de cet échange où se trouve développés certains aspects de la question consubstantielle à la revue K., celle des liens entre l’intégration des juifs à l’État-nation moderne et le devenir politique de l’Europe. Question dont nous sentons plus que jamais l’actualité, au moment où le nouage semble menacé de délitement.

Entre partisans convaincus et détracteurs farouches, la reconnaissance de l’État de Palestine cristallise des positions tranchées. Les arguments de chacun sont d’ailleurs défendables — dès lors qu’ils visent à la fois la sécurité d’Israël et le droit des Palestiniens à l’autodétermination –, mais l’enjeu est ici de saisir ce que produit réellement un tel geste : une déclaration de principe porte-t-elle à conséquences pour l’avenir ?

Oui de Nadav Lapid a électrisé Cannes et la critique française. Salué comme pamphlet politique autant que confession cathartique, le film soulève pourtant une question : qu’applaudit-on au juste dans cette œuvre donnée comme radicale ? Derrière l’objet cinématographique, c’est le discours du médiatique réalisateur israélien qui – embrassant tantôt le rôle de sabra déconstruit, tantôt de prophète de malheur ou de poète voyant – fascine la critique française. À l’occasion de la sortie du film, retour sur le parcours du cinéaste israélien et la réception de son œuvre par la critique française.

L’intégration progressive des Juifs en Europe s’est toujours jouée dans une tension, entre ouverture et rejet. Cette tension est au cœur du nouvel essai de Bruno Karsenti, ‘Les paradoxes de l’intégration. L’Europe et les Juifs’ (Calmann-Lévy, 2025), qu’il a présenté au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme lors d’une rencontre avec Ruben Honigmann organisée en partenariat avec la revue K et Akadem.

Avec le soutien de :

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.