# 213 / Edito

Les reconfigurations de la situation des juifs impliquées par le 7 octobre et la guerre qu’il a déclenchée sont ce que K. s’efforce obstinément de scruter et de comprendre. Depuis Israël, cette semaine, une perspective d’ensemble d’une ampleur et d’une précision remarquables nous est offerte par l’historien et démographe Sergio DellaPergola. Elle se distingue notamment par sa capacité à prendre en charge les deux versants du point de vue juif, israélien et diasporique. Le coup de force tient à leur articulation qui, plutôt que de les rabattre l’un sur l’autre, permet de saisir ce qui les empêche de partir à la dérive. Du côté israélien, l’expérience de l’antisémitisme génocidaire du Hamas, et la défaillance de la fonction de refuge de l’État juif, ont fait voler en éclat certaines illusions sur le dépassement de la condition diasporique. Hors d’Israël, c’est aux métamorphoses de l’antisémitisme qu’il a fallu s’affronter, et notamment à ce retournement de l’accusation de génocide envers Israël qui traduit une évolution profonde du rapport du monde occidental à la mémoire de ses crimes. Verra-t-on alors les enjeux se disjoindre, ou au contraire faire se rapprocher les deux versants ? À propos du destin des juifs, DellaPergola ne joue pas au prophète. Mais il nous offre un dessin pour se figurer l’avenir, où la meilleure issue est encore celle d’une intervention résolue de la diaspora dans la crise politique israélienne : le peuple juif doit se ressaisir de son histoire proprement moderne.

Parmi les tâches qui reviennent à l’université, sa fonction critique a une importance décisive pour la réflexivité des sociétés démocratiques. Que les réactionnaires de tous poils, goûtant peu la mise en question de leur arbitraire, cherchent à disjoindre la production du savoir de sa dimension critique n’a donc pas de quoi nous surprendre : il convient par contre de s’alarmer de l’ampleur actuelle de leur réussite, notamment sous Trump. Cependant, si la fonction critique de l’université défaille aujourd’hui, ce n’est pas uniquement pour des raisons externes. De cela témoignent les débats autour de l’appel au boycott des universités israéliennes, au sein desquels K. est déjà plusieurs fois intervenu. Notre collaborateur le plus piquant, Karl Kraus, vient cette semaine ajouter une pièce au dossier, en se plongeant dans un rapport recommandant à Sciences Po Strasbourg de rompre tout partenariat avec l’université Reichmann de Herzliya.

Il y a près de 3 ans, nous avions publié le dossier consacré par Agnès Bensimon à la tentaculaire affaire Wybran, du nom de ce grand médecin, président du CRIF belge, assassiné sur le parking de son hôpital en 1989. De Bruxelles au Maroc, elle y faisait le bilan d’une enquête rendue impossible, et du déni de justice pour ce crime sur lequel plane l’ombre des réseaux internationaux du terrorisme islamiste. Or, voilà que l’assassin vient d’être gracié par le roi du Maroc, dans un geste dont les motivations politiques demeurent obscures, ce qui scandalise à juste titre la communauté juive belge. Nous avons donc décidé de republier le texte d’Agnès Bensimon, accompagné d’éléments d’actualisation.

Les suites du 7 octobre ont profondément reconfiguré les pratiques de l’identité et de la communauté juives, ainsi que la manière dont elles sont perçues par le reste des sociétés occidentales. Dans ce texte, le démographe Sergio DellaPergola livre le diagnostic général de ces mutations, dégageant ainsi les grandes questions qui se posent pour l’avenir des juifs.

Comment la frange la plus « critique » de l’université française justifie-t-elle son désir de boycotter les établissements d’enseignement supérieur israéliens ? Karl Kraus, s’est penché sur le rapport rédigé par quelques enseignants-chercheurs et étudiants de Sciences Po Strasbourg pour affirmer la nécessité de rompre tout partenariat avec l’université Reichman. Il n’y a découvert que le dépit de chercher le crime sans le trouver, et la perfidie de maintenir malgré tout le parti pris initial des accusateurs.

Le 3 octobre 1989, aux alentours de 18h, le Docteur Joseph Wybran, grand médecin et président du C.C.O.J.B, le CRIF belge, était abattu à bout portant sur le parking de l’hôpital Érasme de Bruxelles. Trente-trois ans plus tard, justice n’a toujours pas été rendue. Agnès Bensimon revient pour K. sur les rebondissements d’une enquête sur un assassinat dont le traitement par la police et la justice belge interroge.

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Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.