# 209 / Edito

De nouveau, le feu s’abat sur Gaza. Ni les exigences de restitution des otages adressées à leurs ravisseurs et tortionnaires, ni celles de faire primer la négociation adressées à un gouvernement israélien conforté dans sa politique de la force et qui se repait de la perpétuation de la guerre, n’ont été entendues. De nouveau, la volonté déclarée d’éliminer la direction du Hamas se paie au prix d’un nombre injustifié de morts civils palestiniens, et les victimes s’amoncèlent au milieu d’une polarisation qu’aucun discours politique responsable, dans un camp comme dans l’autre, ne parvient à arrêter. C’est qu’un tel discours supposerait que la plus forte tendance de l’époque, qui parfois semble être en passe de tout emporter, soit enfin contrée : celle qui incline à un nihilisme débridé, dont le diagnostic reste à faire.

D’un tel diagnostic, il est tout aussi frappant de voir que ce qui nous permet de nous approcher le plus aujourd’hui, dans nos contrées, est la réflexion que suscite la poussée apparemment irrépressible de l’antisémitisme. En quoi croient les antisémites ? Réponse : en Rien. Mais c’est un Rien qui dans ce cas se fait tout-puissant et dévorant. Il prolifère dans la période que nous vivons. L’important, ici, c’est le geste qui nie, car quand la parole est décrétée impuissante, il ne reste qu’à lui opposer la perspective d’un acte qui aurait l’immense capacité d’épuiser toute signification. De là naissent ces rêves d’apocalypse mi-exaltés mi-angoissés, où se dessine, pour le sujet qui ne se soutient que de cette négation, la possibilité de trouver enfin un monde à sa mesure. Mais c’est aussi le terreau où fleurissent – misère de l’actualité politique – ces actes étranges qui, pour se donner en représentation sur la scène publique, se refusent pourtant radicalement à être interprétés. Ainsi d’une affiche, apparemment commise par « personne », mais un « personne » animé des meilleures intentions. Pour le tribun nihiliste, son symbolisme nauséabond ne suscite, au moment de son interrogation par un journaliste, qu’un tonitruant « Taisez-vous ! », comme si la négation de la responsabilité politique était la seule réponse qu’on puisse obtenir. Pour qui est curieux des ressorts de ce nihilisme sonore, propre à une époque qui exalte l’immédiat contre la représentation, et de ses affinités profondes avec l’antisémitisme, la réflexion philosophique proposée cette semaine par Gérard Bensussan sera un document précieux.

À force de réformes successives de l’enseignement secondaire et tertiaire accroissant l’opacité du processus de sélection et la compétition entre étudiants, c’est à un véritable parcours du combattant que sont aujourd’hui soumis les élèves stressés et leurs parents inquiets. Combinez cette donnée avec le malaise ressenti par les étudiants juifs de France depuis le 7 octobre et vous obtiendrez un lieu où les promesses d’excellence scolaire côtoient celles d’un refuge assuré : le salon « Choisir l’école juive ». Il y a deux ans, Maëlle Partouche s’y était rendue pour K., afin d’interroger la recrudescence des inscriptions dans le secteur privé juif, et son articulation avec la multiplication des départs en Israël. À l’occasion de la sixième édition s’étant tenue le 19 janvier dernier, elle y est retournée pour évaluer les effets du 7 octobre sur les stratégies éducatives des familles juives et leur rapport à la possibilité de l’alyah. Reportage.

Les éditions de l’Échappée font paraître la traduction du roman écrit en yiddish par Benjamin Schlevin, Les Juifs de Belleville, publié en 1948. Cette fresque sociale plonge le lecteur dans le petit monde des immigrés juifs d’Europe centrale et de l’Est, ouvriers et artisans, militants idéalistes et arrivistes désabusés, à la veille de la défaite de 1940 et de l’Occupation. K. en publie un extrait, précédé d’une présentation d’Elena Guritanu.

Haine de la médiation et du langage, abolition des différences dans une logique du tout ou rien, rêve solipsiste où vient disparaître le monde : dans ce texte, le philosophe Gérard Bensussan propose une approche conceptuelle du nihilisme. Cette pathologie de la raison y apparaît, par-delà la diversité de ses manifestations, comme ce qui menace la pensée dès lors qu’elle oublie son dehors, pente sur laquelle glisse facilement le geste critique, et où se rencontre la vieille question juive. 

Le dimanche 19 janvier se tenait, pour la sixième édition, le salon ‘Choisir l’école juive’, lancé en 2019 par Elodie Marciano. En 2023, K. avait déjà consacré un article à cet événement bousculant le monde institutionnel, et devenu aujourd’hui un rendez-vous incontournable pour tout l’écosystème de l’enseignement et de la jeunesse juifs français. Un an et trois mois après le 7 octobre, nous avons décidé d’y retourner, curieux et inquiets des effets du climat actuel sur les plus jeunes. Entre les stands des mouvements de jeunesse et des grands ensembles scolaires, les images de la libération des otages en boucle sur fond d’Israël Haï, suivez le guide !

Les éditions de l’Échappée font paraître la traduction du roman écrit en yiddish par Benjamin Schlevin, Les Juifs de Belleville, publié en 1948. Cette fresque sociale plonge le lecteur dans le petit monde des immigrés juifs d’Europe centrale et de l’Est, ouvriers et artisans, militants idéalistes et arrivistes désabusés, à la veille de la défaite de 1940 et de l’Occupation. K. en publie un extrait, précédé d’une présentation d’Elena Guritanu.

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Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.