Trois cercueils paradés devant des images de propagande, sur fond de musique triomphante, avant d’être remis aux mains de la Croix Rouge : voilà l’image sur laquelle s’est éteint cet espoir qui, malgré tout, avait perduré depuis le 7 octobre. La restitution des corps des enfants Bibas et de leur mère, et la révélation de leur abject assassinat, réactivent ce cauchemar hélas réel, où la haine antisémite se déchaîne sur le symbole de la continuité de la vie juive : les enfants. Face à ce crime, il n’y a en vérité rien à dire, et l’on devrait pouvoir éprouver sa rage en silence : ceux qui l’ont commis se sont condamnés eux-mêmes. Mais certains se sont offert le luxe d’oublier la perversité des exterminateurs du Hamas, quand d’autres ne l’ont simplement jamais admise : devant le crime, face au visage même de ses victimes, ils ne voient que « propagande sioniste ». Il est alors nécessaire de nommer les choses, encore. Le texte de Bruno Karsenti vient rappeler de quel espoir la famille Bibas était le nom. Et, en ce jour où ont lieu les funérailles de Shiri Bibas et de ses deux enfants, nous republions « Le hochet de Kfir » de Joseph Ziegler qui avait su, en décembre 2023, poser quelques mots justes sur les pensées que nous évoquaient alors la captivité de cet otage déjà devenu un symbole. » Kfir, où que tu sois, espère avec nous » écrivait alors l’auteur. L’espoir était vain.
De l’espoir, il en reste heureusement au moins quelques miettes, et la situation actuelle exige que nous sachions les saisir quand elles se présentent. Bonne nouvelle donc : les scores de l’AfD aux élections fédérales allemandes de ce week-end ont été certes importants, mais moins que ne le souhaitaient ceux qui, à l’Ouest comme à l’Est, voient déjà l’Europe morte et enterrée. Puis, le discours de victoire prononcé par Friedrich Merz, le chef de file de la CDU, a tenté de se montrer à la hauteur de l’enjeu historique, en soulignant la nécessité d’organiser l’indépendance militaire de l’Europe à l’égard d’Américains devenus « largement indifférents à son sort ». Que celui qui, il y a quelques semaines, a fait passer une motion au Bundestag en s’appuyant sur les voix de l’AfD s’apprête maintenant à devenir chancelier de l’Allemagne est en revanche moins rassurant. On ne peut qu’espérer que l’insistance avec laquelle il a écarté après les élections toute collaboration avec ce parti d’extrême-droite survivra à l’épreuve de réalité qu’est la construction d’une coalition dans un paysage politique allemand de plus en plus éclaté. Nous laissons donc une semaine de plus à l’affiche l’enquête riche et précise de Monty Ott sur l’histoire de l’AfD, afin d’apprécier ce à quoi l’Europe vient d’échapper.