193 / Edito

Par quelle sorte de cabriole idéologique est-il possible qu’un discours nationaliste et réactionnaire parvienne à se faire adopter par la gauche anti-impérialiste ? C’est sur cette question, malheureusement d’actualité, que nous avait laissé la semaine dernière la première partie du texte de Daniel Szeftel. Comment, en effet, les idéologues du nationalisme arabe sont-ils parvenus, après la guerre, à faire oublier leurs sympathies pour les fascismes européens, et à rendre leur discours audible pour le monde occidental ? Dans la suite de son enquête, Szeftel étudie minutieusement le processus de reformulation qui a permis à cette idéologie de se rendre attractive, et les réseaux politiques, universitaires et internationaux qui ont contribué à sa diffusion. Accuser Israël de « génocide » envers le peuple indigène palestinien apparait comme un opérateur décisif de cette transformation, en permettant de maintenir une conception essentialiste de l’identité nationale, tout en prêtant aux juifs les tendances racistes qui en découlent.

Entre les dérives antisionistes de la gauche occidentale et les délires réactionnaires de l’extrême droite israélienne, il n’est pas aisé aujourd’hui d’assumer une position critique cohérente au sujet du conflit israélo-palestinien. Cela revient en fait à marcher sur une ligne de crête, où chaque faux pas peut avoir de lourdes conséquences idéologiques. Parmi les funambulistes talentueux de notre époque, on peut compter Mitchell Cohen, l’ancien rédacteur en chef du magazine Dissent, dont nous publions cette semaine un entretien. Il y articule une critique sans concession de l’antisionisme contemporain, rappelant que ce n’est pas la première fois que la gauche confond la perspective de l’émancipation avec la défense de mouvements politiques oppresseurs. Mais il y rappelle aussi la nécessité d’une critique intransigeante de la politique poursuivie par Israël depuis 30 ans, c’est-à-dire d’une interrogation sur la nature de la société dont le sionisme entend être la réalisation. Alors que la victoire de Trump est venue interroger la situation politique américaine, nous avons interrogé Mitchell Cohen sur les raisons de son élection, et sa signification pour les juifs américains.

La semaine dernière, l’émission par la Cour pénale internationale de mandats d’arrêt contre Benjamin Netanyahou et Yoav Gallant a suscité des réactions véhémentes et contrastées au sein de la communauté internationale. Mais, au-delà de cette dimension politique, quelles sont les implications juridiques de cette décision ? K. est allé interroger le juriste Yann Jurovics – que nous avions déjà interrogé à propos de la procédure engagée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice ainsi qu’à propos de la demande d’émission de mandats d’arrêt devant la CPI en mai dernier.

Daniel Szeftel poursuit son enquête sur les origines des accusations de génocide contre l’Etat juif. Ce discours s’ancre dans le nationalisme arabe des années trente décrit dans la première partie de ce texte, nationalisme fortement influencé par les extrême-droites européennes et américaines. Compromis dans la collaboration avec le nazisme, les nationalistes arabes reformuleront leurs discours après guerre pour déligitimer Israël auprès de l’opinion internationale. Bien que toujours antisémite et suprématiste, leur idéologie procède dès lors d’un retournement, opéré sous le nom de settler colonialism : l’occultation chez soi et la projection sur Israël d’une volonté éliminationniste.

L’antisionisme contemporain serait-il une nouvelle version du « socialisme des imbéciles » ? Comment en faire la critique dans une perspective de gauche, sans céder aux sirènes de la réaction ? Dans cet entretien, Mitchell Cohen, l’ancien rédacteur en chef du magazine Dissent, nous livre quelques pistes pour sortir des apories contemporaines. Après la victoire du Trump, nous lui avons par ailleurs demandé de répondre à quelques questions pouvant éclairer le lecteur européen sur la situation politique américaine.

Quelles sont les implications des mandats d’arrêts émis par la CPI contre Netanyahou et Gallant ? Faut-il y voir un jugement politique ? Pour clarifier les enjeux juridiques de cette décision, à l’écart des controverses, K. est allé interroger le juriste Yann Jurovics – que nous avions déjà interrogé à propos de la procédure engagée par l’Afrique du sud devant la Cour internationale de Justice ainsi qu’à propos de la demande d’émission de mandats d’arrêt devant la CPI en mai dernier.

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Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.