# 189 / Edito

La semaine prochaine, nous pourrions bien devoir affronter la réalité d’un nouveau mandat de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Assurément, il s’agit là d’une perspective catastrophique pour les sociétés démocratiques. L’élection de Donald Trump qui, cette fois-ci se ferait en pleine connaissance de ce dont il est capable, acterait en effet le déclin de leurs idéaux et de leurs normes, et l’ascension des régimes nationalistes illibéraux. Mais que signifierait son élection pour les juifs ? On sait que Trump vacille entre des flagorneries à leur égard, fondées sur l’admiration de la force d’Israël, et des saillies antisémites particulièrement menaçantes, comme lorsqu’il déclare qu’en cas d’une défaite de son camp « les juifs y auront été pour beaucoup ». Ceux qui sont visés là, ce sont ces juifs qui ne sont pas prêts à renoncer aux idéaux démocratiques par ivresse de la puissance. Bruno Karsenti se propose d’analyser le phénomène Trump comme le révélateur d’un processus de clivage interne au monde juif, qui en reste pour l’instant à l’état de guerre larvée. Une victoire trumpiste pourrait alors précipiter ce déchirement et mettre en danger non seulement l’équilibre entre la diaspora et Israël, mais la légitimité même du projet sioniste.

Il est toujours risqué d’inviter un sociologue à dîner. Pour peu que vous le placiez dans un contexte où il se sent en décalage, il est bien possible que ses habitudes professionnelles prennent le dessus, et qu’il se mette à produire une analyse critique de l’éthos propre à votre milieu social. Cette semaine, c’est le petit monde universitaire et diplomatique français de Jérusalem qui fait les frais de son implacable regard. Il faut reconnaître qu’il y a de quoi s’étonner, entre l’orientalisme passéiste et la persistance de vieux schémas de pensée catholiques qui continuent d’irriguer l’universalisme des serviteurs de la République. Mais le plus étrange, remarque Danny Trom, c’est la manière dont, depuis Notre Dame de Jérusalem, l’État juif apparaît comme à peine une réalité, évidente mais tenue loin des regards.

Nous rendons cette semaine accessible un nouvel article sous forme de podKast. Vous pourrez désormais – alors que les manifestations propalestiniennes reprennent de plus belle à Sciences Po -, découvrir ou redécouvrir en version audio « Lettre à Sciences Po », le témoignage de Clara Lévy sur ses souvenirs rue Saint-Guillaume.

 

Le monde juif, que l’on sent actuellement engagé dans un processus de clivage, pourrait-il aller jusqu’à la guerre intestine ? Pour Bruno Karsenti, l’éventuelle élection de Donald Trump à la présidence américaine pourrait bien venir consommer la rupture. Car elle rendrait impossible à ignorer le fossé qui sépare désormais les juifs de la force, et ceux du droit.

Dans l’enceinte de Jérusalem, il existe une enclave préservée du temps et des désillusions, où de vieux rêves coloniaux franco-catholiques continuent d’avoir cours. Danny Trom nous guide dans la visite de cet univers parallèle qui, à force d’orientalisme et de fascination pour les ruines, semble s’être rendu complètement aveugle à l’existence d’un État juif.

Alors que des étudiants pro-palestiniens contrôlent qui peut accéder à l’amphi « Gaza », Clara Levy, ancienne étudiante de Sciences Po et fondatrice de l’association Paris-Tel Aviv, livre un témoignage touchant, et dépité, sur ses souvenirs rue Saint Guillaume. Si les altercations autour du conflit israélo-palestinien, et les suspicions antisionistes à l’égard des étudiants juifs, ne datent apparemment pas d’hier, Sciences Po semble avoir perdu de sa superbe : où organiser l’opposition des points de vue, si les amphis sont inaccessibles ?

Avec le soutien de :

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.