# 187 / Edito

Comment ne pas se laisser duper par l’antisémitisme, quand il emprunte les habits de la célébration du patrimoine juif et du philosémitisme ? C’est la réflexion à laquelle nous convie Anna Zawadzka, sociologue spécialiste de l’antisémitisme polonais, dans cet entretien avec la sociologue américaine Arlene Stein. Car la Pologne, malgré son implication dans la Shoah et la poursuite des persécutions antijuives sous le régime soviétique, se plaît à entretenir d’elle-même une image étincelante, et prétend avoir toujours aimé les juifs. La prégnance de ce glorieux roman national, entretenu par toutes les formations politiques, rend évidemment tout retour critique sur l’histoire polonaise impossible. Mais il a aussi pour effet de rendre la situation des quelques juifs qui demeurent polonais particulièrement inconfortable : comment vivre dans un pays qui vous accueille certes, mais à condition de renier votre propre histoire, et d’avaler des couleuvres ?

Le point d’entrée des juifs dans la modernité politique, leur émancipation à la française, est marqué d’un doute, d’une ambivalence : les juifs pourront-ils s’intégrer à la nation sans renoncer à leur particularisme obstiné ? On sait que c’est la perspective de Clermont-Tonnerre qui a finalement triomphé sur celle de l’abbé Grégoire : oui ils le pourront, car ils s’intègreront en tant qu’individus. Mais on sait que l’hésitation n’a pas été tranchée définitivement… C’est sur son devenir, qui pose la question du rapport des juifs à la République, que l’historien Pierre Birnbaum a choisi de revenir. Quelle perspective se dégage de l’histoire de l’émancipation juive en France, quand on l’observe depuis les problèmes actuels ?

Cette semaine est aussi l’occasion pour nous de lancer un nouveau type de contenu. À la fin de l’année dernière, nous avons été approchés par une troupe de comédiens amateurs de la revue et désireux d’y participer. Grâce au Cercle des Amis de la Revue K., et donc à vous nos chers lecteurs, nous avons pu financer un cycle de lecture des textes déjà publiés, afin de leur donner une nouvelle accessibilité. Dorénavant, nous en diffuserons un sous la forme de podKast toutes les deux semaines. Pour commencer ce cycle, l’émouvant hommage de Yossef Murciano à Méssaouda, cette arrière-grand-mère juive arabe qu’il n’a jamais pu comprendre.

Où en sont les Polonais dans leur rapport à la question juive depuis la fin de la période soviétique ? C’est ce qu’Arlene Stein est allée demander à Anna Zawadzka, sociologue et spécialiste de l’antisémitisme polonais. Des purges « antisionistes » menées par les communistes à ses souvenirs d’enfance, elle raconte les difficultés rencontrées par la communauté juive polonaise et les absurdités d’un pays qui dénie son histoire.

Les Juifs, « Heureux comme Dieu en France » ? Dans cette conférence, donnée au colloque du CRIF « Les Juifs dans la République », l’historien Pierre Birnbaum revient sur l’histoire de l’émancipation juive en France, et sur les dangers qu’elle a aujourd’hui à affronter.

Méssaouda, c’est une arrière-grand-mère juive arabe qui vient de mourir. De son histoire, de son humour et, surtout, de sa langue, Yossef Murciano, son arrière-petit-fils, garde avant tout le souvenir d’une incompréhension. Dans ce texte, le descendant lointain évoque, à l’heure des adieux, son rapport d’étrange familiarité avec la culture juive marocaine, dans laquelle il a baigné toute sa vie, sans pourtant jamais véritablement la connaître.

À partir de cette semaine, la Revue K. inaugure une nouvelle série de podcasts, publiés tous les quinze jours, où des comédiens et comédiennes liront des textes sélectionnés. Ces lectures viendront remplacer les habituelles reprises de textes sur le site de la revue. Le premier texte proposé est L’arabe, ma langue juive morte (ce que je garde) de Yossef Murciano. Ce projet fait écho aux entretiens précédemment menés par Avishag Zafrani avec Lola Lafon, Yolande Zauberman, Joann Sfar et Annette Wieviorka…

Avec le soutien de :


Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.