Comment ne pas se laisser duper par l’antisémitisme, quand il emprunte les habits de la célébration du patrimoine juif et du philosémitisme ? C’est la réflexion à laquelle nous convie Anna Zawadzka, sociologue spécialiste de l’antisémitisme polonais, dans cet entretien avec la sociologue américaine Arlene Stein. Car la Pologne, malgré son implication dans la Shoah et la poursuite des persécutions antijuives sous le régime soviétique, se plaît à entretenir d’elle-même une image étincelante, et prétend avoir toujours aimé les juifs. La prégnance de ce glorieux roman national, entretenu par toutes les formations politiques, rend évidemment tout retour critique sur l’histoire polonaise impossible. Mais il a aussi pour effet de rendre la situation des quelques juifs qui demeurent polonais particulièrement inconfortable : comment vivre dans un pays qui vous accueille certes, mais à condition de renier votre propre histoire, et d’avaler des couleuvres ?
Le point d’entrée des juifs dans la modernité politique, leur émancipation à la française, est marqué d’un doute, d’une ambivalence : les juifs pourront-ils s’intégrer à la nation sans renoncer à leur particularisme obstiné ? On sait que c’est la perspective de Clermont-Tonnerre qui a finalement triomphé sur celle de l’abbé Grégoire : oui ils le pourront, car ils s’intègreront en tant qu’individus. Mais on sait que l’hésitation n’a pas été tranchée définitivement… C’est sur son devenir, qui pose la question du rapport des juifs à la République, que l’historien Pierre Birnbaum a choisi de revenir. Quelle perspective se dégage de l’histoire de l’émancipation juive en France, quand on l’observe depuis les problèmes actuels ?
Cette semaine est aussi l’occasion pour nous de lancer un nouveau type de contenu. À la fin de l’année dernière, nous avons été approchés par une troupe de comédiens amateurs de la revue et désireux d’y participer. Grâce au Cercle des Amis de la Revue K., et donc à vous nos chers lecteurs, nous avons pu financer un cycle de lecture des textes déjà publiés, afin de leur donner une nouvelle accessibilité. Dorénavant, nous en diffuserons un sous la forme de podKast toutes les deux semaines. Pour commencer ce cycle, l’émouvant hommage de Yossef Murciano à Méssaouda, cette arrière-grand-mère juive arabe qu’il n’a jamais pu comprendre.