Comment les universités israéliennes résistent-elles à entrer dans la guerre ? Nous continuons cette semaine la série d’articles de Julia Christ et Élie Petit – partis documenter pour K. les complexités d’une société israélienne aux prises avec la guerre et ses dilemmes – par un entretien avec Mona Khoury, la vice-présidente de l’Université hébraïque de Jérusalem. Le contraste entre la vie universitaire qu’elle décrit et le tumulte des campus américains et européens est saisissant : alors qu’on pourrait s’attendre à ce que la proximité avec un conflit qui touche les étudiants juifs et arabes dans leur identité même exacerbe les tensions, c’est plutôt l’inverse qui semble vrai. C’est qu’en Israël, le conflit n’est pas une affaire abstraite, mais une réalité vécue collectivement de longue date, dans un rapport familier avec ses contradictions. Réalité que l’administration a su reconnaître pour ménager la possibilité d’une continuité de la vie universitaire, en organisant la médiation entre les différentes sensibilités. Loin de l’image monolithique qui lui est souvent associée, Mona Khoury témoigne de la pluralité d’une société israélienne inquiète, mais préparée à la complexité de l’épreuve.
« Ce qui était nécessaire à la création de l’État peut être mortel pour sa survie », tel est le constat quelque peu désabusé de l’un des plus réputés historiens de la Shoah, Saul Friedländer, qui fit carrière, après un bref passage en Israël, aux États-Unis. Ce qui était sans doute nécessaire dans la période formative de l’État d’Israël : un nationalisme sourcilleux, une capacité d’affronter l’adversité, voire même une certaine rudesse à l’égard de l’ennemi. Mais aussi : un genre particulier de messianisme articulé à une pensée révolutionnaire, capable de diriger les énergies en direction de Jérusalem, prise comme une métaphore de la justice, de l’égalité et de la paix. Or ce qui est dorénavant superflu, nuisible et dangereux, c’est la persistance d’un nationalisme étriqué dans un État désormais solide, surtout lorsque ce nationalisme s’alimente à un messianisme d’une tout autre facture que celui des premiers temps, un mixte explosif concocté par les sionistes-religieux tel qu’on l’observe aujourd’hui dans la vie politique interne de l’État d’Israël. Ce que suggère Friedländer dans les quelques pages tirées de son dernier ouvrage, Israël : de la crise à la tragédie, que nous publions cette semaine, c’est que derrière un conflit qui oppose Israël à un environnement globalement hostile à son existence, gisent de part et d’autre, de moins en moins tapis, des courants apocalyptiques qui obscurcissent l’avenir.
Enfin, nous reprenons cette semaine, après les évènements de l’Eurovision, le texte que David Stavrou avait consacré à Malmö et au cas de la Suède, où un antisémitisme importé du Moyen-Orient danse le tango avec un vieil antisémitisme d’extrême droite qui y a trouvé un refuge accueillant après la Seconde Guerre mondiale. Au vu de la teneur des manifestations qui ont ciblé la jeune chanteuse Eden Golan, traitée comme une incarnation de l’abominable « entité sioniste », jusqu’à l’obliger à se déplacer en étant protégée par un impressionnant convoi, il semble que Malmö n’ait pas usurpé sa réputation de faire partie des villes les plus antisémites au monde.