#135 / Edito

Depuis le 7 octobre, la rédaction de K. bouscule sa programmation et le rythme de ses publications. Aujourd’hui – grâce à Philosophie Magazine – nous publions un entretien avec le philosophe américain Michael Walzer. Si nous tenions à reprendre la lettre même de ce texte, c’est qu’elle nous paraît décrire de la manière la plus juste qui soit les termes de la guerre en cours et les dilemmes exacts qu’elle pose. L’auteur de Guerres justes et injustes (1977), tout en qualifiant l’attaque du Hamas de « pogrom à l’ancienne » espère que les Israéliens ne tomberont pas dans le piège cruel qui leur est tendu, « une nouvelle guerre au sens plein et démultiplié », avec les lourdes pertes civiles du côté palestinien qui en découlent. Ces pertes, déjà réelles, une démocratie comme Israël se doit de les éviter autant qu’elle le peux, même dans un contexte où la stratégie du Hamas de l’utilisation de la population civile comme boucliers humains est incessante. Comprenant le sentiment de colère des israéliens, Walzer est pris d’effroi devant la rhétorique de la vengeance dont a usé Netanyahu, « jamais justifiée dans le droit de la guerre.» Très préoccupé par la décision de lancer un siège total de Gaza et peut-être de partir à sa conquête », il souligne dans le même temps ce que cette guerre menée par Israël a de juste et d’inévitable au vu de ce qui s’est produit. Elle doit alors rester ce qu’il appelle une « guerre limitée », étant entendu que son but légitime est bien la neutralisation définitive du Hamas, organisation islamiste qui n’a jamais rien visé d’autre que la terreur et ne veut rien d’autre que l’éradication des juifs.

Comment, à l’Université, dans les lieux où le savoir est produit et enseigné, est qualifié l’événement auquel nous sommes confrontés depuis le 7 octobre ? On a vu comment le personnel politique, en particulier à travers les prises de position à la gauche de la gauche, a pu s’écharper sur la manière de qualifier les crimes et ses perpétrateurs : s’est manifesté, chez certains, un déni aux intentions les plus troubles. Mais qu’en est-il du monde académique ? « On aurait pu légitimement s’attendre, que l’on soit juif ou non, à ce que [les institutions européennes et américaines], à l’instar de leur comportement unanime lors de l’attaque contre l’Ukraine, publient des messages de solidarité pour les victimes des attaques du Hamas, au lendemain des 7 et 8 octobre 2023. Rien de tel n’a eu lieu » écrit Julia Christ, dont le texte réfléchit à la signification de cet étrange silence, qui n’est pas celui de la stupeur, mais le symptôme d’une crainte bien particulière. Cette crainte a germé et s’est incrustée depuis un certain temps dans ces espaces de savoir et de transmission de savoir, sans qu’on puisse l’arrêter. Dès lors, il faut bien s’interroger : que s’est-il produit dans l’évolution récente des sciences sociales pour qu’il soit possible qu’un grand nombre de chercheurs et d’étudiants préfèrent jeter le voile sur l’expérience et le point de vue juif, au point que leurs institutions, lorsque c’est l’action criminelle la plus manifeste qui frappe les juifs, se retrouvent comme paralysées et plongées dans un silence assourdissant ? Julia Christ dégage dans ce texte les raisons profondes de cette aberration des sociétés démocratiques dans lesquelles nous vivons.

Après l’attaque sanglante du Hamas contre Israël, et la riposte armée de l’État hébreu contre la bande de Gaza, le philosophe américain Michael Walzer, auteur de Guerres justes et injustes (1977), livre son analyse sur les ressorts politiques et juridiques de ce conflit sans précédent. 
Cet entretien, réalisé par Martin Legros, est paru sur le site de ‘Philosophie magazine’ – que nous remercions chaleureusement de nous avoir autorisé à republier.

Les universités européennes et américaines, considérées jadis comme politiquement neutres, se sont progressivement impliquées dans des déclarations politiques en solidarité avec les victimes d’injustice. Pourtant, lors d’événements impliquant le conflit israélo-palestinien, sans se concerter, tacitement et d’un même mouvement, elles ont généralement gardé le silence. Pourquoi ? Que signifie, en particulier, qu’un pan majoritaire des sciences sociales soit devenu incapable d’étudier la condition juive d’un point de vue objectif, semblant placer irrépressiblement « les juifs » dans le camp des « dominants » ?

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.