Le temps n’est pas encore revenu, pour notre revue, de reprendre notre rythme habituel et de publier les textes que nous avions prévus. Car à quoi pouvons-nous penser d’autre qu’à ce qui vient d’avoir lieu, ce qui se passe aujourd’hui, et à tout ce qu’il y a à craindre pour les temps qui viennent ? Aussi, pour le moment, nous ne publierons – sans calendrier précis – que ce qui nous permet d’appréhender l’actualité en Israël et en Europe, comme celle de la guerre à Gaza et de ses répercussions. Une actualité qui percute l’histoire même du monde juif. Après les massacres du 7 et du 8 octobre derniers, le mot pogrom est revenu pour s’imposer comme une réalité appartenant désormais à l’histoire de l’État d’Israël. Nous avons relu La ville du massacre de Bialik, écrit après le pogrom de Kichinev en 1903 – où près de cinquante juifs furent assassinés – et que nous proposons à nos lecteurs de lire ou de relire. Qu’est-ce qu’un pogrom ? Il faut lire intégralement, lentement, silencieusement ce poème qui joua un rôle considérable dans la conscience de soi d’une génération de juifs européens au début du XXe siècle, afin d’approcher de ce que l’épreuve a pu représenter. Et afin d’entrer dans celle qui est maintenant la nôtre. Qu’est-ce qu’un pogrom aujourd’hui, en 2023, en Israël, où plus de 1.400 personnes ont été massacrées ? Si l’ampleur d’un tel événement n’est pas prête d’être saisie, dans leur texte « Depuis le pogrom », Bruno Karsenti et Danny Trom rendent compte d’un vacillement, celui des coordonnées du monde juif telles qu’elles s’étaient établies depuis la fin de la guerre et la création de l’État d’Israël. Et ils tentent de donner quelques repères dans ce qui est bien, pour notre génération, un nouveau séisme.
En 1903, au lendemain du pogrom de Kichinev, Haïm Nahman Bialik quitte Odessa et se rend sur les lieux du massacre pour recueillir les témoignages des survivants. Il écrit un poème qui, exprimant avec puissance son effroi et l’angoisse devant la situation des juifs de l’est à ce moment de l’histoire de l’Europe, trouva aussitôt un écho considérable dans le monde juif.
Les coordonnées du monde juif, après ce qui s’est produit en Israël les 7 et 8 octobre 2023, ne sont plus les mêmes. Elles bougent, se recomposent et s’agencent autrement, si bien que parmi tous les sentiments qui assaillent les juifs aujourd’hui figure la désorientation provoquée par ce bouleversement. Il n’est pas aisé, tandis qu’on est saisi par l’effroi et plongé dans le deuil, d’en dégager la logique. Discerner la situation nouvelle n’est possible qu’à nous forcer à ouvrir les yeux – quand bien même nous voudrions les refermer pour ne plus regarder qu’en nous-mêmes.
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