# 120 / Edito

L’ouvrage Race et histoire dans les sociétés occidentales des historiens Jean-Frédéric Schaub et Silvia Sebastiani est une contribution majeure à la compréhension des processus de racialisation. En partant de la fin du Moyen Âge, ses auteurs décrivent l’évolution de la notion de race comme un enjeu de naturalisation des rapports sociaux afin d’entraver les dynamiques de mobilités sociales propres aux sociétés modernes. Cette perspective au long cours permet de mieux comprendre les usages contemporains de la notion de race qui, loin d’être importée des États-Unis comme on l’entend trop souvent, a une longue histoire européenne. Dans cette histoire, les Juifs occupent une place centrale, et ce bien avant la biologisation raciale de la fin du XIXe et les politiques exterminatrices du XXe. De l’enjeu d’identification des juifs convertis au christianisme, au travestissement de la notion « d’élection » pour justifier les hiérarchisations, Bruno Karsenti et Julia Christ reviennent avec les auteurs de ce livre majeur sur la centralité de la question juive dans la problématique de la « race ».

Mitchell Abidor a visité l’exposition consacrée par le Musée juif de New York à la longue et fascinante histoire de la famille Sassoon. Une histoire qui nous emmène d’Irak à l’Angleterre en passant par l’Inde et la Chine. Les Sassoon se sont proclamés descendants de la lignée du roi David, ils ont été décrits comme les « Rothschild de l’Est », ils ont parlé le judéo-arabe mais aussi l’hindoustani avant de se convertir à l’anglais. À travers une riche sélection d’œuvres recueillies par les membres de la famille au fil du temps, l’exposition raconte l’histoire d’une intégration progressive à l’Europe d’une famille juive irakienne qui voulut se transformer en aristocrates britishs.

Enfin, nous republions le portrait de Vladimir Medem (1879-1923), figure centrale de l’histoire et de la mémoire du parti socialiste juif Bund [Algemeyner yidisher arbeter bund in Lite, Poyln un Rusland – Union générale ouvrière juive en Lituanie, Pologne et Russie]. Grand théoricien de la question nationale juive dans l’Empire russe, Vladimir Medem – dont cette année marque le centenaire de la mort – s’est distingué par ses écrits et activités politiques, mais aussi par la singularité de son parcours personnel. Issu d’une famille aisée russifiée et convertie au christianisme, Medem est revenu à son identité juive par son activité socialiste, au contact des ouvriers juifs de Minsk. Bundiste convaincu, il intègre en quelques années les instances dirigeantes du parti et œuvre en faveur de la langue et de la culture yiddish. Constance Pâris de Bollardière revient sur le parcours personnel et politique de Vladimir Medem.

Le livre des historiens Jean-Frédéric Schaub et Silvia Sebastiani – Race et histoire dans les sociétés occidentales (XVe-XVIIIe siècle) – croise beaucoup de problématiques familières aux lecteurs de la Revue K. Il raconte la construction du concept de « race », tel qu’il intervient dans la pensée raciste, comme un processus s’étendant sur plusieurs siècles, depuis l’Ancien Régime impérialiste jusqu’à la période moderne. Il offre ainsi une histoire du racisme beaucoup plus riche que celles qui se limitent souvent aux théories scientistes de la fin du XIXe siècle. Surtout, le livre place la « question juive » au cœur de son histoire du concept de race : l’élection, l’obstination, l’invisibilité des différences sont autant de problématiques qu’ont rencontré les sociétés chrétiennes dans leur rapport aux juifs et dont le racisme porte la marque. Entretien avec ses auteurs.

Les Sassoon se sont proclamés descendants de la lignée du roi David, ils ont été décrits comme les « Rothschild de l’Est », ils ont parlé le judéo-arabe mais aussi l’hindoustani avant de se convertir à l’anglais. Leur itinéraire, que nous raconte Mitchell Abidor à partir de l’exposition « Les Sassoon », présentée en ce moment au Jewish Museum de New York, témoigne d’un désir irrésistible d’occidentalisation.

Cette année marque le centenaire de la mort de Vladimir Medem (1879-1923), grand théoricien du Bund et de la question nationale juive dans l’Empire russe, théorisée dans le cadre des débats de l’internationalisme socialiste. Vladimir Medem s’est distingué par ses écrits et ses activités politiques mais aussi par la singularité de son parcours personnel, sur lequel revient Constance Pâris de Bollardière, l’auteure de la préface de la récente réédition de l’ouvrage d’Henri Minczeles Histoire générale du Bund (éditions L’échappée). Les mémoires de Medem, publiées à New York en 1923, servent de trame à cette évocation.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.