# 108 / Edito

Un sujet est au cœur de notre revue : Kafka. La biographie monumentale que lui consacre Rainer Stach, et qui est déjà devenue un classique dans de nombreux pays, paraît enfin en français. La vie de l’auteur de La Métamorphose s’y déploie dans trois gros tomes de près de mille pages chacun. La vie ? Mais de quelle vie parle-t-on ? Dès l’introduction, le biographe énonce le paradoxe auquel il a été confronté : Kafka a beau être l’écrivain génial qu’on connait, son « existence physique offre un bilan proprement accablant. » Rainer Stach rappelle que lors de son court passage sur terre – 40 ans et 11 mois – Kafka s’est demandé, sans cesse et en vain, comment se ménager une place dans le monde, se découvrant toujours comme bloqué… Ruth Zylberman s’est entretenue avec le biographe. Il revient sur sa plongée verticale dans le secret d’une vie qui a mis l’acte d’écrire en son centre alors qu’elle piétinait par ailleurs.

Le phénomène est difficile à mesurer avec précision mais il est indéniable : dans de nombreux quartiers, depuis une quinzaine d’années, les élèves juifs, compte tenu du contexte de recrudescence de l’antisémite en France, ont largement déserté les établissements scolaires publics. Maëlle Partouche s’est rendue à la quatrième édition du salon « Choisir l’école juive ». Observer l’offre qui y est proposée permet de prendre le pouls de la communauté, de ses appréhensions et de ses attentes ; mais aussi de son rapport à Israël et à la perspective de l’Aliyah.

Enfin, nous republions en cette semaine du cent-vingtième anniversaire du pogrom de Kichinev – commis au début du mois d’avril 1903 – quelques extraits du récit, inédit en français, de Moisei Borisovitch Slutskii (1851-1934) qui en fut le témoin direct et le rescapé. Médecin, il fut surtout le premier à porter secours aux victimes du massacre repliées dans l’hôpital de Kichinev dont il était le directeur. Elena Guritanu a traduit du russe ce témoignage capital auquel l’auteur consacra les dernières années de sa vie : « En tant que témoin direct de ce terrible événement (..) il me paraît nécessaire d’en immortaliser les faits, d’autant plus qu’il n’existe, à ma connaissance, aucune description plus ou moins complète du pogrom de Kichinev. Peut-être, mon modeste travail ci-présent servira-t-il de matériau pour un futur historien. Les générations futures — lesquelles, je l’espère, vivront dans de meilleures conditions politiques et sociales — pourront ainsi connaître l’un des plus tristes épisodes de ces temps obscurs, disparus dans l’éternité. »

Dans une biographie magistrale, Reiner Stach fait surgir avec une minutie scientifique et un rare brio narratif, un Kafka en couleur, pris dans ses contradictions intimes et celles de son temps. Avec ce premier tome dévolu aux années 1910-1915, le lecteur suit pas à pas sa découverte du théâtre yiddish, la consolidation de sa vocation d’écrivain et sa tentative de nouer un lien amoureux et marital avec Felice Bauer au gré d’une relation épistolaire monumentale. Rencontre avec Reiner Stach, l’auteur qui renouvelle notre vision de Kafka et notre perception du genre biographique, et avec son traducteur français, Régis Quatresous.

Scolariser ses enfants dans une école juive est devenu un choix de plus en plus courant pour les familles juives de région parisienne. Quelles évolutions les établissements ont-ils connues ? Que proposent-ils ? Les attentes des nouvelles générations correspondent-elles encore à celles de leurs aînés ? Visite du salon de l’association « Choisir l’école juive » qui accompagne les parents dans leurs démarches.

C’est le 6 et 7 avril 1903 qu’eut lieu le premier pogrom de Kichinev qui, parmi des dizaines et de dizaines de pogroms ayant été commis à l’est de l’Europe entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe, conserve une valeur particulière. Son retentissement fut immédiat et mondial, et, encore aujourd’hui, il vaut comme un symbole. En cette date d’anniversaire du massacre, nous publions, grâce à la traduction inédite d’Elena Guritanu, les extraits choisis du récit capital – Jours d’affliction, qui mériterait d’être publié en France dans son intégralité – de Moisei Borisovitch Slutskii, témoin direct et, en tant que médecin et directeur de l’hôpital de Kichinev, acteur de l’événement.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.