Entre ultra-sionisme et antisémitisme : Le Brésil, miroir du monde

Après la triste parenthèse bolsonariste, les juifs brésiliens, majoritairement progressistes, se réjouissaient à la perspective d’un nouveau mandat de Lula. Mais l’antisionisme virulent du nouveau président semble les avoir fait déchanter. Renan Antônio da Silva et Eric Heinze nous guident à travers cette affaire, de l’histoire longue du judaïsme brésilien au secret de polichinelle que représentent les vieilles errances antisémites des élites.

 

Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva – Photo : FEPAL

En février 2024, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva s’exprime en ces termes lors d’un sommet de l’Union africaine : « Ce qui se passe dans la bande de Gaza avec le peuple palestinien n’a pas d’équivalent à d’autres moments de l’histoire ». Il se reprend ensuite rapidement : « En fait, cela s’est déjà produit lorsque Hitler a décidé de tuer les Juifs »[1].

Par ces mots, le président d’une grande puissance mondiale a envoyé un signal d’alarme à de nombreux Juifs qui, sans nécessairement soutenir M. Netanyahou, se sentent depuis longtemps attachés à l’existence d’Israël. Selon l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), « les comparaisons entre la politique israélienne actuelle et celle des nazis » peuvent, dans certains contextes, être assimilées à de l’antisémitisme[2], même si la détermination de ces contextes fait débat[3]. Bien que le conflit entre Israël et le Hamas n’ait que peu d’incidence directe sur la vie quotidienne des Brésiliens, il cristallise un Kulturkampf dépassant largement les frontières du Proche-Orient. Au Brésil, nation aux attitudes contrastées envers Israël et le peuple juif, se reflètent les ambiguïtés auxquelles les communautés juives sont confrontées dans le monde entier. La majorité des Juifs brésiliens avaient soutenu la candidature de Lula à la présidence, suscitant l’indignation d’une partie de l’opinion. Pourtant, bien avant le début du dernier conflit en octobre 2023, des parallèles controversés entre Juifs et nazis avaient déjà été établis.

De Lula à Bolsonaro, et retour

En 2022, le retour de Lula à la présidence du Brésil, après son premier mandat de 2003 à 2011, avait suscité l’espoir d’une politique étrangère résolument inclusive et progressiste sous l’égide du Parti des travailleurs. Cependant, la récente escalade du conflit entre Israël et Gaza a fait trébucher l’intéressé à l’instar de bon nombre de responsables politiques à travers le monde.

Né dans une famille modeste du nord-est rural du pays, Lula commence sa carrière en tant que travailleur manuel, avant de devenir militant syndical. Dans les années 1970, il se fait remarquer comme une figure populaire promise à un bel avenir politique. Après ses deux premiers mandats présidentiels, c’est sa protégée Dilma Rousseff qui lui succède et poursuit sa politique de 2011 à 2016. Cependant, des luttes politiques intestines et une économie morose provoquent le déclin du Parti des travailleurs et permettent au parti d’extrême droite de Jair Bolsonaro de remporter les élections et d’exercer le pouvoir de 2019 à 2022.

L’ultra-sionisme de Bolsonaro n’est guère en phase avec celui d’innombrables Juifs brésiliens, nostalgiques d’une histoire marquée par des politiques progressistes et un soutien à la paix au Proche-Orient.

Ledit Bolsonaro n’a de cesse de faire l’éloge du gouvernement d’extrême droite de Netanyahou. Pendant la campagne menée en vue de sa réélection en 2022, nombre de ses partisans brandissent d’ailleurs des drapeaux israéliens lors de meetings publics[4] et, le jour du scrutin en octobre 2022, la première dame Michelle Bolsonaro est photographiée en train de voter avec un tee-shirt frappé du drapeau israélien[5]. Bolsonaro promet à l’époque de transférer l’ambassade du pays de Tel-Aviv à Jérusalem, imitant ainsi le président américain Donald Trump qui a pris cette mesure en 2018, et flattant l’ambition de Netanyahou de conserver Jérusalem comme capitale indivisible d’Israël[6].

 

Jair Bolsonaro s’exprime lors d’un rassemblement à Brasilia, au Brésil, qui a appelé au démantèlement de la Cour suprême du pays, le 3 mai 2020. (Quebrando o Tabu/Facebook)

Bolsonaro mentionne très peu la Palestine, si ce n’est pour affirmer qu’il ne s’agit pas d’un pays et qu’elle ne devrait donc pas disposer d’une ambassade dans la capitale du pays, Brasília[7]. La négation de la nation palestinienne et de l’existence d’un peuple palestinien compte parmi les tactiques des sionistes extrémistes. De fait, l’ultra-sionisme de Bolsonaro n’est guère en phase avec celui d’innombrables Juifs brésiliens, nostalgiques d’une histoire marquée par des politiques progressistes et un soutien à la paix au Proche-Orient. Citons notamment le rabbin Henry Sobel, qui s’est installé au Brésil en 1970 pour y devenir un défenseur acharné des droits de l’homme[8], et la femme rabbin argentine Tati Schagas qui vit de longue date dans le pays, où elle se bat pour les droits des LGBTQ+ et prend position contre toutes les formes de préjugés[9]. Pendant la campagne présidentielle de Lula en 2022, Jews for Democracy, une organisation basée à São Paulo, lance un manifeste — qui recueille plus d’un millier de signatures — soutenant la candidature de Lula et celle de son colistier Geraldo Alckmin, du parti socialiste.

Les Juifs brésiliens ayant fermement soutenu Lula, leur surprise est palpable quand celui-ci décide de comparer Israël à l’Allemagne nazie.

Les signataires se déclarent « du côté de la démocratie et des valeurs éthiques juives » et aspirent à une « politique alignée sur la justice sociale et les droits et libertés garantis énoncés dans l’État démocratique des droits à la vie » (Estado Democrático de Direitos à Vida, retournant ironiquement contre lui l’un des slogans anti-avortement de Bolsonaro). Le texte rend Bolsonaro responsable de la malnutrition qui touche 33 millions de personnes[10], du démantèlement des politiques de lutte contre la pauvreté[11], de l’augmentation du taux de mortalité infantile et de la perte de près de 700 000 vies au cours d’une pandémie de covid mal gérée. Il accuse aussi Bolsonaro d’avoir utilisé des fonds publics « à des fins électorales et à des fins privées » et condamne l’augmentation de la déforestation, la persécution des populations indigènes, les attaques contre les religions d’origine africaine et la détérioration de l’enseignement public[12]. Les Juifs brésiliens ayant fermement soutenu Lula, leur surprise est palpable quand celui-ci décide de comparer Israël à l’Allemagne nazie.

01.12.2023 – Le Président de la République, Luiz Inácio Lula da Silva, lors de la réunion avec le Président de l’État d’Israël, Isaac Herzog. Expo City Dubaï – Plenária Al Hairat – Dubaï – Émirats Arabes Unis. Photo : Ricardo Stuckert / PR

Certaines des priorités déclarées de Lula, telles que la lutte contre la déforestation de l’Amazonie, le renforcement de l’intégration sud-américaine et la finalisation d’un accord commercial entre le Mercosur et l’Union européenne, étaient devenues impensables sous un gouvernement Bolsonaro faisant étalage de son isolationnisme, ainsi que de son mépris pour les normes internationales et pour les valeurs traditionnelles du constitutionnalisme libéral. Nombreux sont les experts qui prédisaient donc un changement de cap majeur dans la conduite de la politique étrangère brésilienne après le retour de Lula au pouvoir. En 2023, Foreign Affairs publie un article intitulé « The restoration of Brazilian Foreign Policy » [La restauration de la politique étrangère brésilienne] dans lequel l’auteur se déclare convaincu qu’« après le tumulte des années Bolsonaro, le Brésil peut se réaffirmer comme une force précieuse sur la scène internationale »[13]. Mais le Brésil étant devenu un partenaire commercial de plus en plus important pour plusieurs États du Moyen-Orient, dont Israël, l’Iran, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, la question se pose aujourd’hui de savoir de quelle marge de manœuvre dispose véritablement Lula pour introduire un profond changement. Depuis qu’il est revenu au pouvoir, il a certes réaffirmé le soutien antérieur du pays à une solution à deux États, position qui n’avait d’ailleurs jamais été officiellement abandonnée par Bolsonaro.

Le sionisme au Brésil

Entre 1884 et 1933, environ 93 823 personnes originaires de Syrie et du Liban ont immigré au Brésil. À cette époque, ils étaient souvent désignés par le terme générique de « Turcs » en référence à leur ancienne appartenance à l’Empire ottoman dont étaient issues leurs cultures. Parallèlement, plus de 50 000 Juifs, tant ashkénazes que sépharades, ont également choisi le Brésil comme terre d’accueil. Bien que 16 000 d’entre eux se soient vu refuser l’entrée sur le territoire brésilien pour des motifs discriminatoires liés à leur origine ethnique, ce flux continu d’immigration juive s’est maintenu[14]. Au fil des ans, les communautés juives et arabes ont durablement marqué de leur empreinte le paysage économique, urbain et culturel brésilien. Soucieuses de préserver leurs racines et leurs spécificités ethnoculturelles, elles se sont appuyées sur un réseau dense d’associations civiques et communautaires.

À partir d’un afflux particulièrement important entre 1913 et 1918, le sionisme s’est progressivement structuré au Brésil, bien que rencontrant les mêmes oppositions idéologiques qu’en Europe.

Les idées sionistes visant à la création d’un foyer national juif en Palestine étaient déjà bien ancrées parmi les communautés juives ashkénazes et sépharades du nord du Brésil. Cependant, c’est avec les vagues d’immigration en provenance d’Europe de l’Est et à destination des régions sud et sud-est du pays, entre 1910 et 1930, que le mouvement sioniste brésilien a réellement pris son essor. À partir d’un afflux particulièrement important entre 1913 et 1918, le sionisme s’est progressivement structuré au Brésil, bien que rencontrant les mêmes oppositions idéologiques qu’en Europe. Certains militants juifs se concentraient sur l’amélioration des conditions de vie de la communauté juive locale, tandis que d’autres poursuivaient une vision plus large, visant à transformer l’ensemble de la société brésilienne[15].

Dans ce que nous aurions tendance à décrire aujourd’hui comme un marxisme « classique » ou « orthodoxe », la gauche antisioniste prônait l’assimilation des Juifs au sein de leurs sociétés d’accueil. Selon cette vision, l’antisémitisme n’était qu’une manifestation de l’exploitation capitaliste. Dès lors, la « question juive » trouverait sa solution sous la dictature du prolétariat et l’avènement d’une société égalitaire, où les moyens de production seraient collectivisés et les rivalités intergroupes, caractéristiques du capitalisme, abolies. Dans cette optique, l’avenir des Juifs résidait dans leur assimilation sociale et culturelle, leur tâche primordiale étant de lutter aux côtés du prolétariat pour le renversement du capitalisme et l’abolition des systèmes de nations et de classes. Cependant, d’autres courants progressistes cherchaient à concilier nationalisme et socialisme, sans que le premier se dissolve totalement dans le second. Selon cette approche, une société socialiste pourrait préserver les droits à l’autonomie culturelle des Juifs, défendre la culture yiddish, ainsi que l’identité historique et les traditions juives : un point de vue susceptible de rallier à la fois sionistes et antisionistes.

Pour les sionistes purs et durs, seule la création d’un État national permettrait de triompher de l’antisémitisme. Après la création d’Israël, la fin de la diaspora, au moins à terme, devenait souhaitable. En revanche, les « yiddishisants » voyaient leur salut dans la reconnaissance de larges droits à l’autonomie culturelle au sein de leurs pays de résidence[16]. En effet, les antisionistes se montraient favorables à la poursuite de la diaspora, soucieux qu’ils fussent de défendre l’intégration des Juifs dans la société brésilienne tout en préservant leur spécificité fondée sur la riche culture yiddish. Cependant, comme l’a souligné Bernardo Sorj, cette focalisation sur le yiddish chez les Ashkénazes tendait à négliger les liens profonds unissant l’ensemble de la diaspora juive, y compris les Juifs locuteurs du ladino (ou « djudio »), de l’arabe ou d’une autre langue locale et par conséquent étrangers à la Yiddishkeit d’Europe de l’Est.

 

13.11.2023 - Presidente da República, Luiz Inácio Lula da Silva, durante Recepção do grupo de brasileiros e familiares resgatados na Faixa de Gaza.jpg
13.11.2023 – Président de la République, Luiz Inácio Lula da Silva, lors de la réception du groupe de brasileiros et de familles resgatados na Faixa de Gaza.jpg

Lors de la création de l’État d’Israël en 1948 et des premières guerres israélo-arabes de 1947 à 1949, un climat de méfiance s’installe au Brésil envers les communautés d’origine juive, libanaise et syrienne établies sur le territoire[17]. Les conflits israélo-arabes reprennent en 1956, 1967 et 1973, mais au Brésil les relations entre musulmans et Juifs restent généralement cordiales. De nombreux débats constructifs se déroulent dans l’enseignement supérieur et des livres sont publiés par les dignitaires de ces religions et communautés respectives. Cette coexistence pacifique met en lumière le rôle des musulmans et des Juifs dans la dynamique sociale plus large du Brésil, laquelle est parfois comparée au pluralisme culturel de l’Espagne médiévale.

La politique du gouvernement brésilien à l’égard d’Israël

En 1947, les Nations unies comptent à peine deux ans d’existence. La délégation brésilienne est alors dirigée par João Carlos Muniz, qui conclut son discours inaugural devant l’Assemblée générale sur une note sceptique reflétant les tensions naissantes de la guerre froide : « Nous devons admettre […] que les Nations unies n’ont pas réussi à atteindre l’objectif principal leur ayant été assigné : assurer la sécurité et la paix […] Une insécurité tragique pèse sur le monde et engendre différentes manifestations de peur »[18]. L’avertissement de Muniz reflète le pessimisme du gouvernement quant aux possibilités pour l’ONU d’atteindre les objectifs fixés dans sa Charte. Depuis lors, la création et le comportement ultérieur de l’État hébreu ont fait l’objet de nombreux ouvrages, tout comme la politique étrangère brésilienne. En revanche, peu de choses ont été écrites sur les positions spécifiques du Brésil à l’égard d’Israël, lesquelles reflètent pourtant aussi notre monde largement fracturé.

Pour simplifier, nous pouvons diviser les cinquante années de relations israélo-brésiliennes à l’ONU en deux phases principales. La première phase s’étend de la partition de la Palestine en 1947 à la crise pétrolière de 1973. Israël doit sa création en 1948 à l’ONU, laquelle a contribué à la reconnaissance internationale du nouvel État, à la légitimation de sa politique intérieure et extérieure, à sa consolidation en tant qu’entité étatique et à son rôle en tant qu’acteur international. Cette organisation internationale et multilatérale a permis à Israël de se rapprocher de pays autres que ses voisins arabes hostiles. En 1947, lors du vote sur la partition de la Palestine, la politique étrangère brésilienne est alignée sur celle des États-Unis. Cette tendance se poursuivra jusqu’au milieu des années 1970, du moins en ce qui concerne les questions urgentes impliquant « l’adoption de mesures visant à défendre la coalition occidentale contre l’expansionnisme soviétique »[19]. Ainsi, en janvier 1954, lorsque le détournement par Israël de l’eau du Jourdain déclenche des tensions régionales, le Brésil participe activement aux travaux de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité où, de 1946 à 1968, il exercera cinq mandats bisannuels en tant que membre non permanent (1946-1947, 1951-1952, 1954-1955, 1963-1964 et 1967-1968).

Face aux chocs pétroliers mondiaux, la rhétorique brésilienne cède de plus en plus au réalisme, au pragmatisme et à un nationalisme décomplexé, comme en témoignent ses positions plus résolument proarabes.

Cette première phase est caractérisée par une politique d’« équidistance » vis-à-vis des parties en conflit au Moyen-Orient. Bien qu’éloigné géographiquement de la région et disposant d’intérêts commerciaux modestes tant en Israël que dans le monde arabe, le Brésil s’efforce de promouvoir le commerce avec tous les acteurs. Compte tenu de l’importance des minorités juive et arabe locales, sa diplomatie officielle est guidée par un souci d’équilibre des intérêts. Le Brésil reconnaît l’État d’Israël peu après sa déclaration d’indépendance en 1948, tout en nouant des relations diplomatiques avec plusieurs pays arabes, dont l’Égypte, le Liban et la Syrie. Au cours de ces années, le Brésil soutient souvent les résolutions des Nations unies visant à promouvoir la paix et la stabilité au Moyen-Orient — parfois en critiquant Israël, mais parfois aussi en prônant les négociations et le dialogue. Mais la deuxième phase, qui s’étend de 1973 à aujourd’hui, est marquée par des changements manifestes. Face aux chocs pétroliers mondiaux, la rhétorique brésilienne cède de plus en plus au réalisme, au pragmatisme et à un nationalisme décomplexé, comme en témoignent ses positions plus résolument proarabes. Le vote du Brésil à l’Assemblée générale en faveur de la résolution controversée de 1975 assimilant le sionisme au racisme en est un exemple frappant.[20]

Le passé antisémite du Brésil

Depuis les chocs pétroliers des années 1970, et surtout après 1995, les manifestations d’antisémitisme prennent de l’ampleur et constituent un autre élément du puzzle. Elles ont été révélées au grand jour depuis l’ouverture de diverses archives d’État, dont les archives historiques du ministère des Affaires étrangères situées à Rio de Janeiro, ainsi qu’une collection du département d’État de l’Ordre politique et social conservée dans les archives publiques de l’État de São Paulo. Plusieurs révélations alimentent alors des controverses sur l’antisémitisme sous les gouvernements de Getúlio Vargas (1930-1945) et du général Eurico Gaspar Dutra (1946-1950). Depuis, les chercheurs se heurtent à l’hostilité de familles désireuses de préserver la mémoire de leurs ancêtres, qu’il s’agisse notamment d’Oswaldo Aranha, ministre des Affaires étrangères du gouvernement Vargas (1937-1944) ou de Jorge Latour, chargé d’affaires du Brésil à Varsovie et à Rome (1936 et 1938)[21].

Si de récentes recherches historiques mettent au jour le sombre passé antisémite du Brésil entre 1933 et 1948, force est de constater que nombre de Brésiliens tentent encore de perpétuer une conspiration du silence à ce sujet.

Dans Les Tabous de l’histoire, Marc Ferro explique comment la rupture des tabous bouleverse l’ordre des choses[22]. Au Brésil, certains souhaitaient préserver le silence sur des pans de l’histoire risquant de ternir l’image de figures nationales. Ces tabous, une fois ancrés, se muent en mythes perpétués par divers intérêts particuliers[23]. Il est indéniable que la mise au jour de sympathies nazies dans les années 1930 et 1940 représenterait une gêne pour toute nation ou personnalité publique. Cette réalité explique les soupçons visant les chercheurs ayant démontré qu’une partie de la diplomatie brésilienne approuvait alors l’antisémitisme de type nazi. D’où l’impérieuse nécessité de rendre accessibles au grand public les archives d’État numérisées, à l’image du projet ArqShoah (Archives virtuelles sur l’Holocauste et l’Antisémitisme)[24].

 (Jerusalém - Israel, 01/04/2019) Presidente da República, Jair Bolsonaro, e o Primeiro-Ministro de Israel, Senhor Benjamin Netanyahu, durante visita ao Muro das Lamentações. Foto: Alan Santos/PR
(Jérusalem – Israël, 01/04/2019) Le Président de la République, Jair Bolsonaro, et le Premier ministre-ministre d’Israël, le sénateur Benjamin Netanyahu, lors d’une visite au Mur des Lamentations. Photo : Alan Santos/RP

Certes, certains Juifs brésiliens, bien que victimes de la politique d’immigration restrictive du pays, persistent à nier l’existence d’un antisémitisme d’État au Brésil. Ils soulignent notamment le rôle des organisations juives locales dans le sauvetage et l’accueil de réfugiés dans les années 1930 et 1940. Pourtant, les faits historiques contredisent cette vision idyllique. La triste réalité est que le gouvernement brésilien n’a jamais réellement offert d’abri ni d’aide humanitaire aux réfugiés juifs fuyant les persécutions nazies. Au contraire, les gouvernements de Vargas et Dutra ont mené, entre 1937 et 1948, des politiques antisémites secrètes visant à refuser des visas aux Juifs rescapés des camps de concentration. Cette réalité contraste avec la mythologie politique entretenue, celle d’un Getúlio Vargas, grand homme d’État « sauveur de la nation » et d’un Brésil ouvert et accueillant envers toutes les ethnies et religions. Selon la version officielle, le gouvernement se serait investi dans le sauvetage des Juifs persécutés entre 1933 et 1948. Pourtant, ces clichés ne reposent sur aucune preuve tangible[25]. Si de récentes recherches historiques mettent au jour ce passé sombre du Brésil et l’antisémitisme de certaines figures politiques entre 1933 et 1948, force est de constater que nombre de Brésiliens tentent encore de perpétuer une conspiration du silence à ce sujet.

Déni et politique de la mémoire

Compte tenu des tensions liées au récent conflit à Gaza, la comparaison avec Hitler par Lula a pu apparaître de prime abord à certains comme un lapsus malheureux. Pourtant, l’intéressé n’a pas pris la peine par la suite de se rétracter ou de modifier cette déclaration, laquelle a sans doute ravivé l’antisémitisme de gauche au Brésil. Les propos tenus par Lula ont suscité une vive réaction de la Confédération israélite du Brésil (Confederação Israelita do Brasil) qui les a jugés « excessifs » et y a vu « une distorsion perverse de la réalité » et une offense envers les victimes de la Shoah, les rescapés ainsi que leurs descendants. En effet, par ses déclarations, le président brésilien s’est écarté de la « tradition d’équilibre et de recherche du dialogue qui a longtemps caractérisé la politique étrangère de son pays »[26]. Dans une dénonciation publique, la Fédération israélite de l’État de São Paulo (Federação Israelita do Estado de São Paulo ou FISESP) a dénoncé les propos de Lula, le jugeant « de plus en plus extrémiste, partial et dissocié de la réalité ». Pour la FISESP, Israël a un droit légitime à « l’autodéfense » face à « un groupe terroriste qui se donne beaucoup de mal pour assassiner des Israéliens et des Juifs », en l’occurrence le Hamas. Son communiqué se conclut sur ces mots : « Nous condamnons cette nouvelle déclaration malheureuse du président et nous espérons que le ministère brésilien des Affaires étrangères, qui a su par le passé incarner une approche mesurée et pondérée, source de fierté pour notre nation, se montrera une fois de plus digne d’éloges »[27].

 

2010 Ramallah, Cisjordanie – Le président Lula et le président de l’Autorité nationale palestinienne, Mahmoud Abbas, lors d’une déclaration à la presse

En novembre 2011, le premier musée de l’Holocauste au Brésil avait été inauguré à Curitiba pour rappeler à la société l’importance de la lutte contre l’antisémitisme. Les déclarations de Lula ne sont pas passées auprès de la communauté juive locale, qui s’était distinguée par son accueil des réfugiés et survivants de la Shoah, et qui a publiquement accusé Lula de « nourrir l’antisémitisme ». Selon un communiqué du musée, « à une époque où l’antisémitisme est propagé et encouragé par des membres éminents de son parti politique, nous espérions que le président de la République comprendrait la perversité de telles déclarations et atténuerait cette forme de racisme dans son propre pays »[28]. Les propos de Lula ont également suscité une vive condamnation de Dani Dayan, président du mémorial de la Shoah de Yad Vashem à Jérusalem. Celui-ci dénonce « une combinaison répugnante de haine et d’ignorance » dans la comparaison établie par le président brésilien entre les actions israéliennes contre le Hamas et les exactions nazies durant la Shoah. M. Dayan voit dans cette remarque « une expression antisémite évidente ». Selon lui, « comparer une nation qui lutte contre une organisation terroriste meurtrière aux agissements des nazis pendant la Shoah mérite la plus ferme des condamnations », et il faut déplorer que « le président du Brésil en soit arrivé à un tel niveau de dérive et de déformation extrême de l’Holocauste »[29].

Entre les provocations de Bolsonaro et l’incompréhension de Lula, la communauté juive du pays peut légitimement s’interroger sur son avenir et sa place dans le débat politique national. Toutes les tentatives visant à atténuer la déclaration de Lula ne font que jeter de l’huile sur le feu. Ainsi, son épouse Janja, personnalité de premier plan, tente d’expliquer que « le discours fait référence au gouvernement génocidaire et non au peuple juif ». Et la même d’ajouter « nous devons être honnêtes dans nos analyses »[30]. Cette mise au point ne parvient pas à apaiser les organisations juives brésiliennes, lesquelles ne soutiennent pourtant nullement les attaques contre des civils innocents de Gaza. L’éminent juriste et ancien ministre des Affaires étrangères Celso Lafer a posé, dans l’Estadão, une question qui revient tous les jours dans le monde entier : « Aujourd’hui, de nombreuses critiques des actions d’Israël à Gaza vont au-delà des controverses passionnées sur l’application des normes du droit humanitaire ou sur la très grave situation humanitaire à Gaza. Elles en viennent à nier l’existence [d’Israël]. Dans ce contexte, la question se pose de savoir en quoi l’antisionisme, très présent dans les critiques à l’égard d’Israël, est une forme contemporaine d’antisémitisme »[31].

Célisca Lafer, ancienne élève d’Hannah Arendt, rappelle que le sionisme visait à « construire un État en réponse aux persécutions subies par les Juifs en tant que minorité discriminée », conformément au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Selon elle, le déni du droit à l’existence d’Israël, phénomène ancien, mais exacerbé depuis la guerre de 2023, relève d’une sélectivité révélatrice. Aucun autre État n’est remis en question dans son existence en raison de ses politiques.

« Cette sélectivité fait de l’antisionisme une manifestation de l’antisémitisme contemporain », affirme Lafer. Elle y voit une analogie avec le négationnisme visant les faits historiques de la Shoah. Comme l’expliquent de nombreux spécialistes, l’antisémitisme moderne se distingue des formes antérieures par sa pluralité. « C’est pourquoi nous pouvons parler de manière plus appropriée d’antisémitismes au pluriel », souligne l’auteure. Dans ses formes radicales, l’antisionisme constituerait ainsi l’une des expressions actuelles de ce fléau protéiforme[32].

« En mon nom et au nom de tous les citoyens israéliens », a déclaré le ministre des Affaires étrangères Israël Katz en février 2024 à l’ambassadeur brésilien lors d’une visite de ce dernier à Yad Vashem, « dites au président Lula qu’il sera persona non grata en Israël jusqu’à ce qu’il revienne sur ses déclarations »[33]. Lula a réagi en rappelant son ambassadeur et en convoquant le chef de la représentation israélienne à Brasília, Daniel Zonshine, à une réunion au ministère des Affaires étrangères. Mais le président brésilien est allé plus loin encore, ajoutant de l’huile sur le feu, en niant avoir utilisé le terme « Holocauste » pour comparer les morts palestiniens aux victimes du génocide nazi. « Je n’ai pas prononcé le mot Holocauste, c’est l’interprétation du Premier ministre israélien, pas la mienne », assure-t-il[34]. Quoi qu’il en soit, selon le président exécutif de la Fédération israélite de l’État de São Paulo (FISESP), Ricardo Berkiensztat, les signalements d’actes antisémites au Brésil ont augmenté de 236 % depuis les déclarations de Lula.

Maduro a cru bon de reprendre à son compte un discours et des menaces qui émanent habituellement d’acteurs comme l’Iran ou le Hezbollah, appelant ouvertement à « éliminer l’État juif ».

Ces incidents diplomatiques illustrent une forme d’hostilité à l’égard de l’État juif spécifique à la gauche. Si l’antijudaïsme primaire est largement évité, c’est le statut même d’État qui se trouve refusé à Israël. Quelques semaines après le début du conflit armé entre Israël et le Hamas en 2023, le président vénézuélien Nicolás Maduro, successeur de l’icône de la gauche Hugo Chavez, avait ainsi qualifié le sionisme d’« idéologie […] plus dangereuse que le nazisme »[35]. Cette déclaration faisait suite aux propos ignobles tenus par Amichaï Eliyahou, le ministre israélien du Patrimoine classé à l’extrême droite[36], lequel avait préconisé le largage d’une bombe nucléaire sur Gaza. Rappelons que les propos de ce ministre avaient d’ailleurs soulevé une vague d’indignation légitime en Israël et dans le monde juif. Quoiqu’il en soit, Maduro a cru bon de reprendre à son compte un discours et des menaces qui émanent habituellement d’acteurs comme l’Iran ou le Hezbollah, appelant ouvertement à « éliminer l’État juif ». Et il n’a pas hésité à enfoncer le clou en accusant « les racistes et suprémacistes sionistes » de vouloir « détruire le peuple palestinien et tous les peuples arabes et musulmans ». Selon lui, « [ils] ont semé une idéologie de haine, de pillage […], ils s’en prendront aux peuples arabes et à tous les peuples musulmans »[37].

Bien entendu, il serait réducteur de croire l’antisionisme étanche à des formes traditionnelles d’antisémitisme. Les propos de dirigeants comme Lula ou Maduro, bien qu’ancrés dans une rhétorique anti-israélienne, font également écho à des relents d’un antisémitisme plus ancien et bien établi dans la région. Ainsi, en 2015, la présidente argentine Cristina Fernández de Kirchner avait cru bon d’exhorter les écoliers à lire le passage sur « l’usure et les suceurs de sang » dans Le Marchand de Venise de Shakespeare, une remarque vraisemblablement calculée pour détourner l’attention de la crise de la dette du pays liée aux errements économiques de son gouvernement[38]. Quelques années plus tard, Alejandro Biondini, du parti d’extrême droite Front patriotique, lançait sa campagne présidentielle de 2019 en tweetant : « Je me définis clairement comme un défenseur de l’État palestinien ». Il avait cru bon d’ajouter : « J’ai dit à la DAIA [l’organe politique représentant la communauté juive en Argentine] que nous sommes en Argentine… nous ne sommes pas en Israël » déclenchant les applaudissements et les vivats de la foule. Dès 1988, il entonnait des chants tels que « Mort aux traîtres, aux lâches et aux Juifs » au milieu de manifestants d’extrême droite à Buenos Aires. En 1991, il s’était même vanté, lors d’une interview télévisée, de « … donner raison à Adolf Hitler »[39].


Renan Antônio da Silva & Eric Heinze, 2024

 

Renan Antônio da Silva est professeur de sciences de l’éducation, à l’Universidade Federal de São Carlos, docteur de l’Université de Warwick, campus de Londres, et de l’UNESP, Brésil - renan@ufscar.br

Eric Heinze est professeur et docteur de droit et de sciences humaines à la Queen Mary University of London, diplômé des universités d’Harvard et de Leiden – e.heinze@qmul.ac.uk

Notes

1 Voir James Gregory, “Israel condemns Brazil’s Lula likening Gaza war to Holocaust”, BBC, 19 février 2024, https://www.bbc.co.uk/news/world-latin-america-68332821
2 International Holocaust Remembrance Alliance, “What is antisemitism?”, page non datée, https://holocaustremembrance.com/resources/working-definition-antisemitism
3 Voir notamment Neve Gordon, “On antisemitism and human rights”, 28 The International Journal of Human Rights (2024) 578-597.
4 Gabriel Huland, “From Bolsonaro to Lula: Understanding Brazil’s Passive Neutrality on Palestine and Israel”, Journal of Palestine Studies (2024), 1–12. https://doi.org/10.1080/0377919X.2024.2311043
5 Lazar Berman, “Wife of Brazil’s Bolsonaro casts vote wearing Israeli flag T-shirt”, Times of Israel, 30 octobre 2022.
6 Voir notamment Mark Landler, “Trump Recognizes Jerusalem as Israel’s Capital and Orders U.S. Embassy to Move”, New York Times, 6 décembre 2017.
7 Mariana Haubert, “Bolsonaro promete retirar embaixada da Palestina do Brasil”, 7 septembre 2018, https://www.estadao.com.br/politica/bolsonaro-promete-retirar-embaixada-da-palestina-no-brasil/
8 Jayme Brenner, “ Morre um justo, o rabino Henry Sobel, herói dos direitos humanos”, Instituto Humanitas Unisinos, 24 novembre 2019 ; Matt Sandy, “Rabbi Henry Sobel, 75, Dies. Defied Brazil’s Military Rulers”, New York Times, 23 novembre 2019, https://www.nytimes.com/2019/11/25/world/americas/rabbi-henry-sobel-dead.html
9 Conversas sobre a pauta LGBTQIA+ marcam o Mês do Orgulho na CIP”, Congregação Israelita Paulista, 1er juillet 2021.
10 Voir l’article 6 de la Constitution de la République fédérative du Brésil, lequel garantit un minimum de protection sociale, ainsi que son titre VIII, chapitre 2.
11 En vertu de l’article 3, paragraphe 3, de la Constitution, « éradiquer la pauvreté » fait partie des « objectifs fondamentaux » de la République fédérative du Brésil.
12 Marcelo Brandão, “Geraldo Alckmin confirmed in presidential ticket with Lula ”, Agência Brasil, 1er août 2022.
13 Hussein Kalout et Feliciano Guimarães, “The Restoration of Brazilian Foreign Policy”. Foreign Affairs, 15 mars. 2013.
14 Voir le tableau sur l’immigration par nationalité, Brésil (1884-1933) (REIS, 2008, p. 33) ; Valentina Candido, “Como é ser um refugiado do Holocausto no Brasil”, Nexo, 28 décembre 2023.
15 Voir notamment Léon Poliakov, « De l’antisionisme à l’antisémitisme », Paris, Calman-Lévy (2017 [1969], chapitre 1.
16 Voir notamment Bernardo Sorj, Judaísmo para o século XXI : o rabino e o sociólogo. Rio de Janeiro, Jorge Zahar, 2001, 232.
17 Júlia Calvo et Pedro Henrique da Silva Carvalho, “ Sírios, libaneses e judeus – paradoxo entre o grupo e a nação: participação e restrição em Belo Horizonte nos anos 1930 e 1940”, 17(26) Cadernos de História (2016), 198-220.
18 Luis Felipe de Seixas Corrêa, Brazil in the United Nations: 1946-2011, Fundação Alexandre de Gusmão (2013).
19 Ieda Gutfreind, A imigração judaica no Rio Grande do Sul, São Leopoldo, Editora Unisinos, 2004, 45.
20 Voir notamment Roney Cytrynowicz, “Além do Estado e da Ideologia: Imigração Judaica, Estado-Novo e Segunda Guerra Mundial”, Revista Brasileira de História 22 (44) (2022) 65.
21 Voir notamment Maria Luiza Tucci Carneiro, “Rompendo o silêncio: a historiografia sobre o antissemitismo no Brasil”, Cadernos de História, 13:18 (2012) 79-97.
22 Marc Ferro, Les Tabous de l’histoire, Paris, Nil, 2002.
23 Voir Eric Heinze, “Theorising Law and Historical Memory: Denialism and the Pre-Conditions of Human Rights”, 4 Diritto Penale Contemporaneo (2019) 175-191 ; Eric Heinze, “When the Establishment No Longer Calls the Shots in Writing History”, New Lines, 27 mai 2022.
24 Arqshoah, Arquivo Virtual sobre Holocausto e Antissemitismo.
25 Lauren Derby, “The Dictator’s Seduction: Politics and the Popular Imagination in the Era of Trujillo”, Durham, NC: Duke (2009), 323.
26 Gabriel Toueg, “ ‘A perverse distortion’: Brazil’s Jews slam Lula’s comparison of Israel to Nazis”, The Times of Israel, 18 février 2024.
27, 28, 32 Ibidem.
29 Voir Yad Vashem, “Yad Vashem Chairman Reacts to Statements made by Brazil’s President Luiz Inacio Lula da Silva”, 18 février 2024.
30 Voir, plus haut, Toueg dans la note de bas de page 28.
31 Celso Lafer, “Antissionismo como antissemitismo”, Estadão, 18 février 2024.
33 Lazar Berman, “Israel declares Brazil’s Lula persona non grata for comparing Gaza war to Holocaust”, Times of Israel, 19 février 2024.
34 Brazil’s Lula says he did not compare Israel’s conduct to the Holocaust”, Jerusalem Post, 28 février 2024.
35 “President Maduro: Zionism is More Dangerous Than Nazism”, Orinoco Tribune, 7 novembre 2023, https://orinocotribune.com/president-maduro-zionism-is-more-dangerous-than-nazism/
36 Voir notamment Nicolas Camut, “ Israel minister suspended after calling nuking Gaza an option“, Politico, 5 novembre 2023.
37 Voir, plus haut, la note de bas de page 37.
38 Voir notamment Jonathan S. Tobin, “Kirchner’s Jew Hatred Casts Cloud on Argentina“, Commentary, 8 juillet 2015.
39 Anti-Semitic Argentine politician kicks off campaign”, Times of Israel, 28 mai 2019.

Écrire à l’auteur

    Soutenez-nous !

    Le site fonctionne grâce à vos dons, vous pouvez nous aider
    Faire un don

    Avec le soutien de :

    Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

    La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.