Alors que la Suède célèbre 250 ans de vie juive, les réactions au massacre du 7 octobre, la guerre à Gaza et le ton des discours dans le débat public sont autant de raisons de s’inquiéter de l’antisémitisme prévalant dans le pays. Mais quelle est l’ampleur réelle de ce fléau, quel est son impact sur la communauté juive de Suède et comment les autorités y font-elles face ? En replaçant ces questions dans un contexte historique plus large, l’enquête de David Stavrou, que nous publions dans le cadre de notre partenariat avec la DILCRAH, tente de répondre à ces questions.

En 1973, un jeune officier de l’armée marocaine, Ahmed Rami, arrive en Suède pour demander l’asile politique en prétextant avoir besoin de protection pour avoir participé à un coup d’État manqué dans son pays l’été précédent. Dix ans plus tard, après avoir obtenu l’asile en Suède, Rami commence à diffuser des émissions sur Radio Islam : une station de radio qui donnera ensuite naissance à un journal et, plus tard, à un site Web. L’objectif de ces entreprises apparaît clairement dès le départ : il ne s’agit pas de parler de l’Islam, mais des Juifs. La station et le site diffusent certains des thèmes les plus notoires de l’antisémitisme, tels que des théories conspirationnistes sur le contrôle du monde par les Juifs et les sionistes, le négationnisme, la propagande nazie, des listes de Juifs suédois influents et la haine viscérale d’Israël. Au cours des trente dernières années, Rami a fait l’objet de maintes enquêtes, inculpations, condamnations, et amendes pour discours et crimes haineux, et sa station de radio a été fermée à plusieurs reprises par les autorités. Néanmoins, à 78 ans, il voit aujourd’hui son héritage perdurer. Il a publié des livres et exprimé son soutien au Hezbollah et à des groupes néonazis. Par ailleurs, son site Web demeure particulièrement actif, offrant ainsi à son œuvre une visibilité et une pérennité accrues grâce à Internet.
Un discours antisémite historiquement alimenté par la confusion avec l’antisionisme
Radio Islam est un jalon important dans l’histoire de l’antisémitisme suédois pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles est que la décision de justice qui a fait jurisprudence et qui a envoyé Rami en prison pour six mois a également fait connaître une petite organisation suédoise jusque là relativement confidentielle : le Comité suédois contre l’antisémitisme (SKMA en suédois). « Le SKMA est une ONG non affiliée religieusement et politiquement établie en 1983 », explique Mathan Shastin Ravid, directeur du bureau de l’organisation, « [i]l a été fondé par un groupe d’activistes qui voulaient sensibiliser le public à l’antisémitisme. Il s’agissait d’une période marquée par une vague d’antisémitisme en Suède et dans d’autres pays européens pendant et après la guerre du Liban de 1982. L’antisémitisme n’était pas nouveau en Suède, mais il prenait une nouvelle ampleur, avec des accusations et des images visant non seulement Israël, mais aussi les Juifs en tant que groupe. Lorsque Radio Islam a commencé à émettre à la fin des années 80, il est devenu évident que la station était un porte-voix de la haine et de la propagande antijuives. Grâce au rapport commandé au SKMA par le Chancelier de justice suédois et à notre travail lors des procès ultérieurs, Rami a été condamné pour incitation à la haine. Cela dit, à l’époque, nous étions bien seuls. Peu de gens comprenaient le problème, peu de gens voulaient en parler, et de nombreuses personnalités ont défendu Rami, affirmant que ses propos n’étaient pas une incitation à l’antisémitisme, mais une critique d’Israël ».
Beaucoup de choses ont changé en Suède depuis lors et le SKMA a probablement joué un rôle important dans cette évolution. Shastin Ravid explique que, depuis les années 80, l’organisation est devenue plus qu’un simple chien de garde militant. Elle se concentre désormais sur l’éducation. « Nous essayons d’observer ce qui se passe en Suède et dans le monde et de suivre le débat suédois et international sur l’antisémitisme. Nous réagissons ensuite lorsque nous voyons l’antisémitisme sous différentes formes. L’autre volet est l’éducation. Nous avons des programmes éducatifs pour différents groupes cibles tels que les enseignants et les élèves des écoles suédoises, les journalistes et les hommes politiques. Nous travaillons également avec certaines autorités gouvernementales, comme la police, lesquelles manquent souvent d’une connaissance approfondie de l’antisémitisme contemporain et de la manière dont il se propage. Il me semble que la sensibilisation dans ce domaine est aujourd’hui plus marquée qu’il y a dix ans, et que des progrès émergent grâce à un niveau accru de connaissance et de conscience au sein de la société suédoise contemporaine concernant l’antisémitisme. Cela dit, il reste beaucoup à faire ».
Ce n’est pas la première fois qu’une escalade du conflit israélo-palestinien déclenche une vague d’antisémitisme en Suède et dans d’autres pays, mais le niveau de propagande, de haine, de menaces et d’attaques contre les Juifs est exceptionnellement élevé.
Lorsqu’on interroge Shastin Ravid sur l’état actuel de l’antisémitisme en Suède, il commence par souligner qu’il existe de nombreuses inconnues et que seule une recherche plus approfondie pourrait nous permettre de mieux appréhender ce phénomène. Cela dit, il est clair qu’à bien des égards, la Suède ne diffère pas des autres pays. Pour lui, « l’évolution en Suède est liée à l’évolution mondiale […], il existe des théories antisémites du complot qui ont été diffusées et légitimées par des acteurs politiques importants au cours des dernières années. En Europe, cela se manifeste dans des pays tels que la Hongrie et la Pologne au sein des partis et gouvernements nationalistes de droite, mais on l’observe également dans d’autres pays, y compris aux États-Unis, où Donald Trump, Elon Musk et le mouvement MAGA (pour n’en citer que quelques-uns) légitiment la propagande antisémite. Ce phénomène mondial affecte également la Suède et déclenche des discours et des crimes de haine. Et puis, bien sûr, il y a la forte vague mondiale d’antisémitisme qui a suivi l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre 2023 et la guerre à Gaza. Ce n’est pas la première fois qu’une escalade du conflit israélo-palestinien déclenche une vague d’antisémitisme en Suède et dans d’autres pays, mais le niveau de propagande, de haine, de menaces et d’attaques contre les Juifs est exceptionnellement élevé ».
« Des études montrent que l’antisémitisme, sous forme de croyances et d’attitudes négatives à l’égard des Juifs, existe à des degrés divers dans toute la société suédoise, dans de nombreux groupes et milieux différents. Dans le paysage politique suédois, le parti nationaliste de droite des Démocrates de Suède (SD) incarne le problème de façon particulièrement marquante. Même si pendant des années, ce parti a essayé de se présenter comme un parti opposé à l’antisémitisme et pro-israélien, il a un énorme problème d’antisémitisme. Nous constatons que des représentants à tous les échelons de cette formation diffusent chaque semaine de la propagande antisémite et nous observons de nombreux liens entre le parti et des extrémistes de droite, voire des nazis. » Selon Shastin Ravid, l’antisémitisme existe parfois dans d’autres partis, mais le problème au sein des Démocrates de Suède est d’une autre ampleur. En outre, contrairement à d’autres partis, les Démocrates de Suède ne prennent pas de mesures pour lutter contre l’antisémitisme au sein de leurs rangs, sauf lorsque la presse révèle un scandale. Même dans ces cas, nombre de personnes dénoncées conservent leur poste. Selon Shastin Ravid, la politique de « tolérance zéro » du parti envers le racisme et l’extrémisme est « une plaisanterie ».
« Mais la droite nationaliste et populiste n’est qu’une partie du problème. L’antisémitisme se manifeste fréquemment aussi dans la mouvance propalestinienne et une partie de la gauche suédoise, où il est souvent lié à Israël et au conflit israélo-palestinien. Dans ces cercles, on observe souvent un déni ou un refus de voir le problème de l’antisémitisme, parfois enraciné dans la perception erronée que les Juifs, en qualité de ‘blancs’, ne sauraient être victimes de racisme. L’an dernier, la Suède a été le théâtre d’un vif débat après que plusieurs représentants du Parti de gauche suédois ont, à de multiples reprises, relayé sur les réseaux sociaux des contenus à caractère antisémite. Face aux critiques, nombre de membres du parti et de leur entourage ont pris la défense des intéressés, niant le caractère antisémite de ces propos. La SCAA, ainsi que de nombreuses autres organisations, a fermement dénoncé ces agissements, tout en pointant la lenteur de la direction du parti à réagir, à condamner la diffusion de ce racisme anti-juif et à sanctionner les membres qui le soutiennent ou le justifient. »

« Et bien sûr, les mouvements liés à l’islamisme radical doivent également être pris en compte », ajoute Shastin Ravid. Selon lui, l’antisémitisme est particulièrement virulent au sein de ces mouvements et des mouvements nazis et autres mouvements d’extrême droite. « Pour tous, l’antisémitisme est un fondement idéologique, une ‘vision du monde’, une manière de comprendre et de décrire les événements tant au niveau local que mondial. Les Juifs sont constamment présentés comme des conspirateurs et rendus responsables de tous les malheurs du monde ». De plus, ajoute Shastin Ravid, « l’antisémitisme est depuis longtemps une arme au service des régimes du Moyen-Orient, où il est profondément enraciné, ouvertement exprimé et légitimé. La diffusion de ce type de propagande via Internet par des régimes tels que l’Iran a contribué à la mondialisation de cette haine ». Récemment, il a été révélé que le régime iranien est soupçonné d’avoir planifié l’assassinat de Juifs suédois, parmi lesquels Aron Verständig, président du Conseil officiel des communautés juives suédoises (Judiska Centralrådet). Selon les services de sécurité suédois (Säpo), l’Iran aurait également recruté des réseaux criminels suédois pour mener des attaques contre des cibles israéliennes et juives. Le Centre national suédois d’évaluation de la menace terroriste (NCT) a indiqué que les plus grandes menaces terroristes en Suède proviennent d’islamistes violents et d’extrémistes de droite pour lesquels les Juifs et les institutions juives font figure de cibles privilégiées.
Même sans violence physique, l’antisémitisme suédois est présent dans la sphère publique et l’un de ses principaux exutoires est constitué par les nombreuses manifestations en faveur des Palestiniens dénonçant le « génocide » à Gaza. Les jours qui ont suivi le 7 octobre, avant le début de l’offensive terrestre israélienne sur Gaza, en sont un bon exemple. Alors que le massacre dans le sud d’Israël était encore en cours, plusieurs manifestations spontanées ont eu lieu dans le sud de la Suède, avec de la musique, des danses et des cortèges de voitures klaxonnant en signe de soutien à l’attaque du Hamas. Juste après, au cours d’un week-end à Stockholm, trois organisations différentes ont manifesté séparément, mais avec des slogans analogues. Outre les mouvements propalestiniens traditionnels, des organisations plus radicales étaient présentes dans les rues. L’une d’elles était Hizb ut-Tahrir, un groupe islamiste radical prônant la création d’un califat régi par la charia s’étendant de l’Ouzbékistan au Maroc, lequel dispose d’une petite branche en Suède. Malgré son interdiction dans plusieurs pays, il avait obtenu l’autorisation de manifester. Venait ensuite le Mouvement de résistance nordique, un groupe néonazi comptant quelques centaines de membres qui ont manifesté en soutien à l’attaque du Hamas. Ils ont été suivis par la Jeunesse communiste révolutionnaire, pour qui les Palestiniens ont le droit de « lutter par tous les moyens contre la puissance occupante pour libérer leur terre ». Cette dernière a qualifié les attentats du 7 octobre d’acte de libération ayant « pris les sionistes au dépourvu ». Ces deux organisations, l’une néonazie et l’autre marxiste-léniniste, soutiennent le mot d’ordre appelant à « écraser le sionisme ».
Alors que le massacre dans le sud d’Israël était encore en cours, plusieurs manifestations spontanées ont eu lieu dans le sud de la Suède, avec de la musique, des danses et des cortèges de voitures klaxonnant en signe de soutien à l’attaque du Hamas.
Depuis lors, de nombreuses manifestations ont eu lieu en Suède, dont beaucoup sur une base hebdomadaire. Ces manifestations sont légales, leurs organisateurs niant tout contenu antisémite, et elles sont considérées par de nombreux Suédois comme une opposition légitime à Israël et un signe de solidarité avec les Palestiniens. Cependant, elles sont souvent accompagnées de slogans considérés comme antisémites par beaucoup, tels que le soutien à une « intifada mondiale » et à « l’écrasement du sionisme », la promotion de théories antisémites du complot et l’appel à une « Palestine libre de la rivière à la mer ».
Toutefois, les manifestations ne constituent pas la principale source d’inquiétude concernant l’antisémitisme actuel en Suède. De nombreux cas ont été signalés d’activistes qui ont utilisé des classes d’école, des universités et même des écoles maternelles pour diffuser une propagande politique radicale anti-israélienne considérée par beaucoup comme antisémite. Le monde culturel a été le théâtre de nombreux appels au boycott d’Israël et à la fin de la coopération avec les artistes israéliens. Le mouvement BDS, qui était pratiquement inexistant en Suède avant la guerre, s’est publiquement engagé à promouvoir le boycott des entreprises qu’il accuse de complicité avec « l’occupation illégale et la politique d’apartheid » d’Israël ; de plus, une partie du monde universitaire suédois est devenue hostile aux étudiants juifs et israéliens. À l’université de Göteborg, par exemple, des militants ont été autorisés à occuper les locaux de l’école d’art et de design de l’université et à distribuer de la propagande du Hamas. À Stockholm, Lund et Uppsala, les médias suédois ont fait état de campements propalestiniens et de « zones libérées » ; ces manifestations, associées à la rhétorique virulente de membres de la direction de l’université qui sont également des militants politiques, ont poussé les étudiants à cacher leur identité juive et ont suscité des inquiétudes quant à leur sécurité et leur bien-être.

Prévalence des crimes antisémites
« Nombreux sont les juifs suédois ayant été victimes d’antisémitisme d’une manière ou d’une autre », déclare Shastin Ravid, « nous aurions besoin de plus d’enquêtes sur ce sujet, mais certaines études montrent qu’un bon nombre de ces juifs ont été affectés par l’antisémitisme, mais n’ont pas signalé ces incidents. Il en va de même pour d’autres crimes de haine, dont la plupart ne sont probablement jamais rapportés à la police. » Certaines des études auxquelles Shastin Ravid fait référence ont été réalisées par le Conseil national suédois pour la prévention de la criminalité (BRÅ). Elles montrent que le nombre de crimes de haine antisémites signalés augmente de façon faible et irrégulière au fil des ans, mais croît sensiblement certaines années. « Ce sont souvent les années où le conflit entre Israël et les Palestiniens s’est intensifié, comme lors de la dernière guerre à Gaza. Selon une étude du BRÅ, le nombre de crimes antisémites signalés en Suède a presque été multiplié par cinq à la fin de 2023 par rapport à la même période de l’année précédente. »
Selon une étude du BRÅ, le nombre de crimes antisémites signalés en Suède a presque été multiplié par cinq à la fin de 2023 par rapport à la même période de l’année précédente.
Une autre étude dont parle Shastin Ravid a été réalisée par une agence gouvernementale appelée « The Living History Forum », fondée il y a vingt ans pour « œuvrer en faveur de la démocratie et de l’égalité entre tous les peuples en s’appuyant sur les leçons tirées de la Shoah ». Selon Shastin Ravid, l’étude de 2020 montre qu’il y a eu un déclin des attitudes et des idées antisémites, mais que l’antisémitisme existe toujours sous des formes très diverses au sein de nombreux groupes et environnements, partout dans la société. « L’étude démontre qu’environ 5 % des personnes interrogées ont manifesté des attitudes antisémites marquées, ce qui est un chiffre plutôt faible par rapport à de nombreux autres pays. Toutefois, si l’on élargit le champ d’application de l’étude et que l’on considère le groupe de personnes qui sont d’accord avec une ou plusieurs des déclarations antisémites proposées aux personnes interrogées, ce chiffre s’élève à 34 %. Nous ne devrions pas nous concentrer uniquement sur les groupes les plus extrémistes. Cela montre que le problème est plus important qu’on ne le pense. On observe des causes structurelles sous-jacentes. Selon l’étude, les croyances antisémites sont plus fréquentes chez les personnes âgées, celles ayant un niveau d’instruction inférieur et celles qui font peu confiance aux institutions publiques. Ces croyances sont également plus courantes chez les personnes affichant des attitudes sexistes et anti-immigrés, celles qui soutiennent le parti des Démocrates de Suède, celles nées en dehors de la Suède ou de l’Europe, ainsi que chez les personnes de confession musulmane. Un autre point intéressant est que les croyances antisémites traditionnelles et liées à la Shoah sont légèrement plus répandues chez les hommes, tandis que les attitudes antisémites liées à Israël sont légèrement plus fréquentes chez les femmes. » Cependant, Shastin Ravid souligne que cette étude date désormais de plusieurs années et que nombreux sont les événements survenus depuis qui pourraient influencer les résultats de la prochaine étude, dont la publication est prévue en 2026.
Une autre étude dont parle Shastin Ravid a été réalisée par une agence gouvernementale appelée « The Living History Forum », fondée il y a vingt ans pour « œuvrer en faveur de la démocratie et de l’égalité entre tous les peuples en s’appuyant sur les leçons tirées de la Shoah ». Selon Shastin Ravid, l’étude de 2020 montre qu’il y a eu un déclin des attitudes et des idées antisémites, mais que l’antisémitisme existe toujours sous des formes très diverses au sein de nombreux groupes et environnements, partout dans la société. « L’étude démontre qu’environ 5 % des personnes interrogées ont manifesté des attitudes antisémites marquées, ce qui est un chiffre plutôt faible par rapport à de nombreux autres pays. Toutefois, si l’on élargit le champ d’application de l’étude et que l’on considère le groupe de personnes qui sont d’accord avec une ou plusieurs des déclarations antisémites proposées aux personnes interrogées, ce chiffre s’élève à 34 %. Nous ne devrions pas nous concentrer uniquement sur les groupes les plus extrémistes. Cela montre que le problème est plus important qu’on ne le pense. On observe des causes structurelles sous-jacentes. Selon l’étude, les croyances antisémites sont plus fréquentes chez les personnes âgées, celles ayant un niveau d’instruction inférieur et celles qui font peu confiance aux institutions publiques. Ces croyances sont également plus courantes chez les personnes affichant des attitudes sexistes et anti-immigrés, celles qui soutiennent le parti des Démocrates de Suède, celles nées en dehors de la Suède ou de l’Europe, ainsi que chez les personnes de confession musulmane. Un autre point intéressant est que les croyances antisémites traditionnelles et liées à la Shoah sont légèrement plus répandues chez les hommes, tandis que les attitudes antisémites liées à Israël sont légèrement plus fréquentes chez les femmes. » Cependant, Shastin Ravid souligne que cette étude date désormais de plusieurs années et que nombreux sont les événements survenus depuis qui pourraient influencer les résultats de la prochaine étude, dont la publication est prévue en 2026.
La lutte contre les antisémites est une chose, mais l’épanouissement de la vie juive en est une autre.
Un groupe particulièrement vulnérable à la haine antisémite est celui des élèves et des enseignants qui, dans de nombreux cas, ont peur d’exprimer ouvertement leur identité juive. « Nous disposons d’études réalisées à Malmö et à Stockholm qui montrent qu’il existe de graves problèmes d’antisémitisme dans certaines écoles suédoises. Parfois, l’antisémitisme est lié au conflit israélo-palestinien, parfois le mot ‘Juif’ est utilisé comme une malédiction et parfois nous recensons des théories de conspiration antisémites qui fascinent les jeunes. Nous déplorons aussi des blagues sur la Shoah, des croix gammées sur les bancs ou les casiers, et des saluts nazis. Les élèves juifs ont souvent l’impression que leurs enseignants et leurs écoles ne prennent pas la question de l’antisémitisme au sérieux et dénoncent un manque de connaissance et de soutien. C’est ce que de nombreux jeunes Suédois ont déclaré au SKMA au fil des ans. »
« La plus grande communauté juive de Scandinavie » est enfin prise au sérieux par le gouvernement
La Suède abrite la plus grande communauté juive de Scandinavie. On estime qu’environ 15 000 Juifs vivent dans ce pays qui compte un peu plus de dix millions d’habitants. Cela dit, les Suédois d’origine juive sont probablement beaucoup plus nombreux, car l’immigration juive en Suède remonte aux XVIIIe et XIXe siècles et bon nombre de ces immigrés se sont mariés depuis avec des Suédois ou des Suédoises de souche. La communauté la plus importante du pays est celle de la capitale Stockholm, qui compte trois synagogues, dont la Grande Synagogue conservatrice située à côté du monument Raoul Wallenberg et du monument de la Shoah, ainsi que d’un immeuble de bureaux abritant diverses organisations juives. À quelques minutes de marche, on trouve un centre culturel relativement récent appelé « Bajit », hébergeant un jardin d’enfants et une école primaire juifs, lequel organise diverses activités pour tous les âges et accueille aussi une boutique casher et un café. Des communautés et associations juives plus petites existent à Malmö, Göteborg et dans quelques autres villes de taille plus modeste. Les communautés juives de Suède sont réunies au sein d’une organisation faîtière, le Conseil central juif (Judiska Centralrådet), qui prend généralement part aux débats nationaux touchant à la vie juive au sein du Parlement, du gouvernement et d’autres organismes officiels.

Le problème de l’antisémitisme n’étant pas nouveau en Suède, il n’est pas surprenant que, ces dernières années, le gouvernement ait tenté à maintes reprises de s’y attaquer. Après des décennies au cours desquelles le problème a été ignoré, rejeté et refoulé, les derniers gouvernements suédois l’ont mis à l’ordre du jour et tenté plusieurs approches différentes. Petra Kahn Nord, qui a servi comme représentante du Congrès juif mondial dans les pays nordiques, explique que le gouvernement suédois actuel a nommé un groupe de travail interministériel chargé de lutter contre l’antisémitisme et d’améliorer les conditions de la vie juive en Suède. Selon elle, « [c]e groupe de travail fonctionne comme ‘un point de contact unique’, reprenant ainsi l’une de nos suggestions ; il a été fondé en janvier 2023 et la première question sur laquelle il s’est concentré est le financement public de la sécurité des institutions juives telles que les synagogues et les écoles. La deuxième question est et demeure la lutte contre l’antisémitisme ». Kahn Nord indique que le gouvernement précédent avait l’intention politique de garantir ledit financement de la sécurité, mais que le mécanisme budgétaire idoine n’a pas fonctionné comme prévu. Le gouvernement actuel, cependant, se penche à nouveau sur la question et espère que le projet se concrétisera. Mais la protection contre les incidents antisémites violents ne suffit pas.
En 2021, la Suède a accueilli le Forum international de Malmö sur la mémoire de la Shoah et la lutte contre l’antisémitisme. La conférence, organisée par le Premier ministre de l’époque, le social-démocrate Stefan Löfven, a demandé aux pays et organisations participants de prendre des engagements concrets pour renforcer la mémoire de la Shoah et s’attaquer aux déformations de la vérité, au négationnisme et à l’antisémitisme contemporain. Le forum de Malmö a été perçu par beaucoup comme une continuation naturelle des mesures prises vingt ans plus tôt par un autre Premier ministre social-démocrate, Göran Persson. Ce dernier avait fondé ce qui est aujourd’hui appelé l’Alliance internationale pour la mémoire de la Shoah (IHRA) et lancé le Forum international de Stockholm sur la Shoah, lequel avait rassemblé des dirigeants politiques, des fonctionnaires, des chefs religieux, des survivants, des éducateurs et des historiens du monde entier. Lorsque Löfven a lancé ces initiatives en 2021, l’un des engagements de la Suède était de créer une commission d’enquête sur le renforcement de la vie juive dans le pays. L’idée était que la lutte contre les antisémites est une chose, mais que l’épanouissement de la vie juive en est une autre. Or, ce sujet a été négligé pendant de nombreuses années.
Cela s’est effectivement produit, et plusieurs sujets qui préoccupent la communauté juive de Suède ont été abordés sérieusement. Parmi eux figuraient les menaces d’interdiction de la circoncision rituelle (Brit Mila) et de l’importation de viande casher, soutenues par certains partis politiques. Une autre question importante concernait le statut des écoles juives en Suède, où il n’existe pratiquement pas de véritables écoles privées. Il existe certes des écoles dites « indépendantes » — dont quelques-unes sont juives — fonctionnant selon un système de charte. Cependant, à la suite de rapports faisant état de radicalisation dans certaines écoles musulmanes indépendantes, une nouvelle législation a été adoptée, impactant également les écoles juives. Cette législation a introduit le statut d’« école confessionnelle » et les restrictions qui en découlent s’appliquent désormais aussi aux établissements juifs existants. Par ailleurs, une initiative visant à limiter la création de nouvelles écoles confessionnelles suscitait également des inquiétudes. Telles étaient les principales préoccupations de la communauté juive suédoise avant le 7 octobre. Les responsables communautaires affirmaient alors : « Les Juifs suédois pourraient survivre à une attaque terroriste, mais pas à une législation interdisant la Brit Mila ou les écoles juives ».
Les Suédois ont tendance à se concentrer sur les Juifs morts, peut-être qu’aujourd’hui, surtout après le 7 octobre, il serait temps de se préoccuper de ceux qui sont vivants.
Aujourd’hui, après le 7 octobre, il est clair que la majorité des partis politiques, et en tout cas ceux qui font partie de la coalition gouvernementale, sont déterminés à répondre aux préoccupations des Juifs. L’antisémitisme n’est toutefois pas un problème que le gouvernement peut facilement résoudre, car ses racines sont profondes et largement répandues dans de nombreux segments de la société suédoise. Tous les gouvernements récents ont ainsi pris conscience que la lutte contre l’antisémitisme est une tâche aussi complexe qu’essentielle. C’est un engagement de longue haleine. Petra Kahn Nord évoque deux évolutions majeures survenues au cours des dernières années. « Premièrement, avant 2015, il n’était pas acceptable d’évoquer l’antisémitisme provenant des communautés immigrées du Moyen-Orient, ce qui donnait aux membres de la communauté juive le sentiment d’être abandonnés. Aujourd’hui, la situation a évolué en Suède : il est désormais possible d’en parler ouvertement et de s’attaquer à ce problème », explique Mme Kahn Nord. « Le deuxième changement est lié au fait que le parti populiste de droite, les Démocrates suédois, soutient le gouvernement. Jusqu’ici, cependant, le parti n’a entraîné aucune évolution des politiques concernant la minorité juive. Mais le 7 octobre a créé une nouvelle réalité. Nous avons constaté une augmentation du nombre d’incidents antisémites dans les écoles et les universités, nous avons vu des politiciens, en particulier au sein de la gauche suédoise, diffuser de la propagande antisémite et nous avons également observé des manifestations de soutien au Hamas, que ce soit lors de rassemblements publics ou sur Internet. » Selon Kahn Nord toujours, la situation dans les écoles et sur les réseaux sociaux est particulièrement préoccupante : « |l]e problème dans ces domaines est grave », affirme-t-elle, « et il ne saurait être résolu en recourant aux anciens ‘plans d’action’ proposés par les gouvernements précédents ». Bon nombre de ces plans, y compris les engagements pris à Malmö il y a quatre ans, mettaient en effet l’accent sur l’enseignement de la Shoah et les stratégies éducatives contre le racisme en général, plutôt que sur l’antisémitisme en tant que phénomène spécifique. Les engagements de Malmö comprenaient, par exemple, la promesse de créer un nouveau musée de la Shoah à Stockholm (lequel a effectivement ouvert ses portes depuis) et celle de verser 5,5 millions de couronnes suédoises à la Fondation Auschwitz-Birkenau. « Les Suédois ont tendance à se concentrer sur les Juifs morts », explique Petra Kahn Nord, « peut-être qu’aujourd’hui, surtout après le 7 octobre, il serait temps de se préoccuper de ceux qui sont vivants ».
Initiatives politiques récentes en faveur de la vie juive
Lorsqu’il s’agit de la vie concrète des Juifs et de leurs communautés, la lutte contre l’antisémitisme et l’amélioration de leur quotidien reposent avant tout sur un engagement résolu et une position sans équivoque de la part des pouvoirs publics.
En Suède, la question de l’antisémitisme occupe une place importante dans le débat public depuis plusieurs décennies, et les différents gouvernements qui se sont succédé l’ont abordée de manières diverses. Aujourd’hui, la ministre chargée de ce dossier est Parisa Liljestrand, une femme de 42 ans issue du parti modéré de centre droit. Mme Liljestrand a immigré en Suède lorsqu’elle était enfant, en provenance d’Iran, et a travaillé comme enseignante et directrice d’école avant de s’engager dans la politique locale. En 2022, elle a obtenu son premier poste sur la scène politique nationale et est devenue ministre de la Culture. Dans une interview réalisée dans son bureau de Stockholm, elle explique que l’une de ses responsabilités consiste à traiter les questions liées aux cinq minorités nationales de Suède. Les minorités et leurs langues, qui jouissent du statut de langue minoritaire officielle en Suède, ont été reconnues en 2000 et comprennent les Juifs et le yiddish, les Roms et le romani chib, les Samis et la langue sami, les Finlandais de Suède et le finnois, ainsi que les Tornedalers et leur langue meänkieli.
« Notre gouvernement a pris ses fonctions en octobre 2022 et le Premier ministre a clairement indiqué, dès sa première déclaration devant le Parlement, que le renforcement de la vie juive et la lutte contre l’antisémitisme seraient l’une de nos priorités », explique-t-elle. « Lorsque nous avons entamé notre travail, nous avons estimé essentiel de dresser un état des lieux des actions menées jusqu’alors en Suède et de recueillir la parole des organisations juives actives dans le pays. Nous voulions comprendre quels étaient leurs besoins. Nous avons constaté que des efforts importants avaient été déployés, mais que certaines mesures ne fonctionnaient toujours pas et que d’autres faisaient défaut. La Suède est bien classée dans les enquêtes mondiales sur l’antisémitisme, mais ce fléau reste très répandu dans le pays et nous devons le combattre activement. Cela est devenu encore plus évident après l’horrible massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023. Comme dans de nombreux autres pays, nous avons constaté une augmentation de la perception de la menace envers les Juifs suédois, ainsi qu’une recrudescence de l’antisémitisme assumé. Le gouvernement prend cette situation très au sérieux.
Mais lutter contre l’antisémitisme ne suffit pas. Nous devons renforcer la capacité à mener une vie juive libre, tant sur le plan culturel que religieux. C’est pourquoi nous devons fédérer les efforts des différents ministères et des organisations juives. Lors de nos échanges avec elles, nous avons constaté qu’il n’était pas toujours évident d’identifier les responsabilités de chacun, d’où l’importance de s’assurer que tout soit bien à sa place et que rien ne se perde en chemin. C’est pourquoi nous avons créé le Groupe de travail gouvernemental pour la vie juive, un organe interministériel qui, outre le cabinet du Premier ministre, comprend huit autres ministères. »
Nous avons une mission claire : faire en sorte que la Suède soit un pays où chacun puisse vivre librement, et soutenir les groupes qui, aujourd’hui encore, n’y parviennent pas.
Lorsqu’on lui demande si le fait que son gouvernement soit soutenu par un parti ayant des racines néonazies n’affecte pas ses efforts pour lutter contre l’antisémitisme, Liljestrand raconte l’une de ses rencontres. « J’ai rencontré un père juif qui m’a raconté que son fils était allé faire des courses en portant un collier avec une étoile de David. À la caisse, le préposé lui a dit qu’il n’était pas le bienvenu dans le magasin. Cette histoire me bouleverse profondément. Cela ne peut pas devenir notre réalité. Ce n’est pas cela, la Suède. Nous avons une mission claire : faire en sorte que la Suède soit un pays où chacun puisse vivre librement, et soutenir les groupes qui, aujourd’hui encore, n’y parviennent pas. Je n’ai donc pas l’impression que les Démocrates suédois m’empêchent de mener à bien cette mission. Je comprends que des inquiétudes puissent subsister, mais je souhaite être parfaitement claire, tout comme le gouvernement l’est dans sa position : notre engagement et notre message sont sans ambiguïté. Il faut se rappeler que l’antisémitisme consiste à rassembler et à exploiter une violence provenant de différentes sources. C’est ce qui le différencie du racisme ordinaire. »

Une partie de la violence dont parle Liljestrand se manifeste en ligne et vise principalement les jeunes qui doivent grandir avec. « Il est extrêmement grave que l’antisémitisme fasse partie intégrante du quotidien et ne se limite pas à l’espace physique, mais se propage également sur Internet », explique la ministre. « C’est inquiétant et nous devons lutter contre ce phénomène et œuvrer pour qu’aucune autre génération ne soit confrontée aux mêmes difficultés que les générations précédentes dans leur vie juive ou à la même haine antisémite. »
Liljestrand semble prendre très au sérieux cet aspect particulier de son travail. « Avec mon parcours, je sais exactement ce que c’est que de vivre dans une société qui vous traite différemment si vous avez une couleur de peau ou une culture différente », explique-t-elle. « Je sais ce que c’est que de se battre pour trouver sa place dans la société et d’avoir la volonté d’en faire partie tout en conservant une partie de sa culture et de son héritage. »
Impact de la politique de lutte contre l’antisémitisme
En ce qui concerne l’antisémitisme et la lutte contre celui-ci, la Suède est un cas intéressant. Pendant la majeure partie de son histoire d’après-guerre, l’antisémitisme n’a pas été pris très au sérieux. Les mouvements néonazis opéraient librement tandis que les liens étroits noués jadis avec l’Allemagne nazie étaient ignorés. Cette situation était marquée par une ignorance généralisée de la Shoah, des attitudes antisémites au sein de l’élite suédoise et une libre importation de l’antisémitisme dans le cadre des grandes vagues d’immigration en provenance d’autres pays. Puis, au cours des deux dernières décennies, tout a changé. La Suède est devenue un leader mondial de l’enseignement de la Shoah et de la lutte contre l’antisémitisme. C’est du moins ce qu’elle prétend. Mais les musées, les groupes de travail, les conférences internationales, les projets de recherche et les initiatives éducatives fonctionnent-ils vraiment ?
250 ans après que les Juifs ont été officiellement autorisés à vivre et à créer une communauté en Suède, leur légitimité est désormais remise en question.
D’une part, il est clair que la Suède est beaucoup plus consciente du problème et beaucoup mieux équipée pour le combattre qu’elle ne l’a jamais été. D’autre part, tout constat honnête de la situation doit admettre que, dans de nombreux cas, les écoles suédoises restent des lieux dangereux pour les élèves et enseignants juifs, qui continuent de subir un harcèlement, une pression sociale et parfois des agressions physiques de la part d’autres élèves ou étudiants sans que les enseignants ou les directeurs d’établissement jugent utile d’intervenir. Il a été rapporté que dans certaines écoles, les survivants de la Shoah ne sont parfois plus invités à partager leurs histoires en raison du manque de respect manifesté par certains élèves.
En dehors du système éducatif, d’autres problèmes demeurent non résolus. Bien que la violence physique contre des cibles juives ne soit pas fréquente en Suède, elle s’est produite et, selon les rapports de police et la presse, elle reste possible. Des cocktails Molotov ont été lancés sur des cimetières, des salons funéraires et des synagogues juifs, et de nombreux cas d’agressions physiques et verbales contre des juifs ont été recensés. L’ambassade d’Israël a été prise pour cible par des membres d’organisations criminelles suédoises instrumentalisées par le régime iranien et, selon la radio nationale suédoise, l’Iran prévoit aussi d’assassiner des dirigeants juifs par le truchement d’agents entrés dans le pays sous le statut de réfugiés.

La résurgence depuis le 7 octobre de manifestations propalestiniennes, au cours desquelles des slogans, des pancartes et des discours fortement antisémites ont été observés, est également une source réelle de préoccupation. L’ampleur des manifestations contre la participation de la chanteuse Eden Golan à la finale de l’Eurovision 2024 à Malmö a fait la une des journaux internationaux. Pourtant, même si ces rassemblements ont été les plus importants en nombre, ils n’ont pas été les plus agressifs.
Pour de nombreux Juifs vivant en Suède, le problème ne tient pas à l’ampleur des manifestations ni au droit légitime de manifester. Quiconque se sent mal à l’aise face à ces manifestations peut simplement les éviter. Le problème, c’est que lorsque les Juifs de Suède voient des milliers de personnes qui, collectivement, présentent Israël — une composante essentielle de leur identité — comme le pire des maux et propagent un niveau de haine inédit, ils savent qu’ils peuvent reconnaître dans la foule des visages familiers : l’enseignante de leurs enfants, l’infirmière ou le médecin de leur clinique locale. Et ce n’est pas tout. La distinction que certains manifestants tentent d’établir entre critiquer Israël et attaquer les Juifs ne fonctionne pas toujours. Lorsque des manifestants ont voulu brûler un drapeau israélien à Malmö en novembre 2023, ils ne sont pas montés dans un train pour se rendre à l’ambassade d’Israël à Stockholm. Ils l’ont fait devant la synagogue locale. Quelques mois plus tard, des manifestants d’un groupe appelé « Ensemble pour la Palestine » ont scandé des slogans anti-israéliens à l’encontre de personnes qui entraient dans la grande synagogue de Stockholm pour une cérémonie en mémoire de la Shoah, parmi lesquelles des survivants. Les manifestants ont exigé que les Juifs de Suède dénoncent Israël et sa guerre à Gaza. Ces événements envoient un message clair : 250 ans après que les Juifs ont été officiellement autorisés à vivre et à créer une communauté en Suède, leur légitimité est désormais remise en question. S’ils s’expriment contre leur patrie historique et son gouvernement, ils sont tolérés. Sinon, tout peut arriver.
Un coup d’œil sur le site Web de Radio Islam est une expérience qui donne à réfléchir. On y trouve de longs textes relayant des thèses conspirationnistes, telles que l’idée d’un contrôle de la Suède par les Juifs depuis des siècles, l’accusation d’une instrumentalisation de la Shoah, ou encore la présentation du racisme, de la haine et de la cruauté comme les moteurs supposés de la Torah et du Talmud. D’une certaine manière, la boucle est bouclée. La Suède a parcouru un long chemin dans la lutte contre l’antisémitisme depuis les débuts de Radio Islam dans les années 80. Depuis lors, en effet, les gouvernements suédois, les organisations juives et les organisations de la société civile ont fait de la Suède un pays réputé pour sa lutte rigoureuse contre l’antisémitisme. La montée des mouvements populistes et racistes, la diffusion en ligne et hors ligne de propagandes extrémistes, l’intensification des discours hostiles à Israël et au sionisme, ainsi que la répétition de manifestations, de boycotts et d’actes symboliques comme les incendies de drapeaux ou de livres sacrés, montrent que ce combat est loin d’être terminé.
David Stavrou