À propos de Gaza
Pendant cette pause estivale, la revue interrompt ses publications originales. En attendant la rentrée, nous proposons pour chaque numéro un dossier regroupant certains de nos textes parus cette année autour d’une thématique. Ce qui ne nous éloigne pas forcément de l’actualité, particulièrement accablante ces jours-ci.
Le dossier de cette semaine – “Utopie / Dystopie” – est notamment consacré aux projets de résolution du conflit israélo-palestinien, même ceux qui semblent les plus déraisonnables, et qui sont précisément pour cette raison les plus aptes à interroger nos évidences et à déblayer l’horizon. Toutefois pour que le genre de l’utopie ou de la dystopie ait une vertu politique, il faut que la projection sur un autre lieu conduise à faire retour sur le monde que nous habitons. L’idéal, tout comme l’effroi devant la réalisation fictive de l’absolu, n’ont de valeur qu’à orienter notre action dans la réalité. Or, il y a aujourd’hui un réel impossible à ignorer : à Gaza, la population est menacée par une famine dont la politique menée par le gouvernement israélien porte la responsabilité.
Dans ce contexte, trois positions peuvent être repérées au sein du monde juif. La première est celle du déni : il n’y aurait pas de famine à Gaza. À ceux qui refusent de voir, afin de défendre coûte que coûte l’État d’Israël, peu importe le dévoiement de l’idéal sioniste dont témoignent les politiques gouvernementales, il faut rappeler qu’aucun idéal n’est réalisé sans combat, et qu’aucun combat ne peut être mené les yeux bandés.
La deuxième position admet qu’il y a famine, et approuve ce fait : livrer les Gazaouis à la faim pourrait les pousser à fuir ou à se retourner contre le Hamas, quitte à causer la mort de milliers de civils. Cette position existe, elle est formulée, relayée, défendue : on l’a entendue sur les plateaux de télévision israéliens, comme, parfois, à mots plus ou moins couverts, autour de nous. Ceux qui pensent ainsi peuvent bien se revendiquer du sionisme et de la défense d’Israël, ils n’en sont pas moins les fossoyeurs. Car, entre leurs mains, ces signifiants deviennent ceux du nationalisme le plus vulgaire, celui prêt à tout sacrifier sur l’autel de la force : la vie des civils palestiniens, mais aussi la dignité du peuple juif…
>>> Suite de l’édito
Cet été, K. vous propose de retrouver, dans chacun de ses numéros hebdomadaires, un dossier composé de cinq textes déjà parus dans la revue. Cette semaine, nous avons imaginé une sélection intitulée« Utopie / Dystopie », avec des textes de Noémie Issan-Benchimol, de Julia Christ, Bruno Karsenti et Danny Trom, une fiction de Guy Konopnicki, ainsi que deux entretiens : l’un avec Meron Rapoport, l’autre avec Ronen Eidelman.
Trois éclats biographiques d’une filiation juive post-Crémieux, translatée entre l’Algérie et la France, voilà ce que nous offre ici le philosophe François-David Sebbah. Il y est lui-même situé en bout de récit, sous le visage de l’enfant. C’est à redevenir enfant en effet qu’il s’est exercé dans le livre, intitulé « Ses vies d’Afrique », dont ces quelques pages sont extraites et qui paraîtra à l’automne prochain aux Éditions Manucius. Il l’a fait pour mieux comprendre et pour mieux donner à voir ce qui, en lui, s’est secrètement conservé et déplacé de cette mémoire séfarade éminemment française. On verra qu’il y est lui-même suspendu à la manière d’un paragraphe rattaché à un plus long texte, impossible à unifier cependant, et voué pour cette raison à se présenter sous la forme d’éclats.
Le philosophe François-David Sebbah s'est éteint le 25 juillet dernier. Gérard Bensussan nous a adressé les quelques lignes de ce kaddish, en mémoire de son ami qui fut l'une des voix les plus originales de la philosophie française inspirée de Levinas et de Derrida.
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Cet été, K. vous propose de retrouver chaque semaine une sélection de cinq textes déjà parus dans la revue. Nous avons choisi pour commencer quelques-uns des articles les plus lus depuis le début de l’année 2025 : un ensemble hétéroclite donc, mais révélateur des préoccupations de nos lecteurs.
L’historienne Deborah Lipstadt a été l’envoyée spéciale en charge de la surveillance et de la lutte contre l’antisémitisme sous l’administration Biden. Dans cet entretien, elle livre sa perception des débats qui agitent les États-Unis autour de ce sujet, entre craintes d’une instrumentalisation de cette lutte par Trump et refus du camp progressiste de faire le ménage chez soi.
Le spectacle de la polarisation extrême qui embrase la société américaine, tout particulièrement au sujet de son système universitaire, pourrait nous faire oublier l’importance qu’y conserve la vieille tradition du pragmatisme libéral. L’entretien que nous a accordé le grand historien américain David Bell, spécialiste de la France et professeur à Princeton, vient nous le rappeler, en refusant aussi bien d’exagérer que d’euphémiser le sujet si clivant de l’antisémitisme sur les campus. Alors que Trump et les franges les plus radicales du progressisme des campus se disputent le droit à saboter l’université américaine, David Bell indique le lieu où lutte contre l’antisémitisme et défense de l’université dépendent l’un de l’autre.
Comment les juifs américains vivent-ils la situation politique actuelle, où se trouve remis en cause à la fois leur attachement à Israël, les normes démocratiques de leur propre pays et la sécurité dont ils croyaient bénéficier face à l’antisémitisme ? Pour Sébastien Lévi, ils sont pris entre le marteau trumpien et l’enclume antisioniste, et cet écartèlement préfigure les reconfigurations et les luttes politiques à venir.
Dans cet entretien avec Danny Trom, Yehudah Mirsky revient sur les racines intellectuelles et spirituelles du sionisme religieux, de ses tensions internes à ses traductions contemporaines. En filigrane : la figure du Rav Kook, à la fois mystique, visionnaire, et aujourd’hui revendiqué par les courants les plus opposés de la scène sioniste-religieuse israélienne. À travers cette trajectoire une question affleure : comment un courant né d’un idéal de réconciliation entre tradition et modernité a-t-il pour partie dérivé en devenant le vecteur d’un messianisme nationaliste agressif.
Après avoir examiné l’indifférence politique, médiatique et judiciaire qui a entouré l’appel au meurtre de Juifs publié dans Humo par Herman Brusselmans, ce second volet de l’enquête de Rafaël Amselem s’attarde sur le rôle ambigu d’Unia, l’institution belge chargée de la lutte contre les discriminations. Entre interprétation légaliste, refus d’agir, et confusion face à l’antisionisme, l’affaire révèle les limites profondes du cadre juridique et politique belge face à l’antisémitisme contemporain.
Après les inquiétants résultats électoraux dans les Länder d’Allemagne de l’Est – qui ont vu triompher des partis autoritaires, xénophobes et antisémites -, Antonia Sternberger s’interroge sur l’ancrage des idées d’extrême droite dans l’ex-RDA et leur influence sur la vie juive. Son enquête fait ressortir une certaine incapacité à tirer les leçons de l’expérience historique – qu’il s’agisse des crimes nazis ou de la dictature soviétique –, laquelle contraint les juifs d’Allemagne de l’Est à devoir évoluer, non sans un certain courage, dans un environnement oscillant entre ignorance et franche hostilité.
Connaissez-vous Herman Brusselmans ? Il est l’auteur de ces lignes, parues en août 2024 dans un magazine belge populaire : « Je vois une image d’un petit garçon palestinien en pleurs et en cris, appelant sa mère ensevelie sous les décombres. Je deviens alors si furieux que j’ai envie d’enfoncer un couteau pointu dans la gorge de chaque Juif que je rencontre. » Moins d’un an plus tard, la procédure engagée par une organisation juive débouche sur un acquittement. Dans une enquête en deux parties, Raphaël Amselem raconte pourquoi — et comment. Voyage en Belgique, là où ces paroles ne choquent (presque) plus.
Keith Kahn-Harris, auteur de Everyday Jews : Why the Jewish people are not who you think they are, interroge ici, avec un soupçon de provocation, cette étrange et aliénante tendance juive à vouloir se rendre indispensable au monde. Et si la plus belle réplique contre l’antisémitisme était finalement de s’arroger le droit à la frivolité, de s’autoriser une existence parfaitement superflue ?

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