Un intellectuel de notre temps ? Salomon Reinach (1858-1932)

Surnommés les frères Je Sais Tout, Joseph, Salomon et Théodore Reinach représentent à la fois l’excellence académique et l’assimilation exacerbée des juifs français au tournant du XXème siècle. Le cadet Salomon notamment, à travers sa défense d’un franco-judaïsme libéral modernisé ou son opposition au sionisme, a incarné la pointe la plus assimilée de l’israélitisme. Israélitisme qui a depuis été grandement critiqué par Hannah Arendt ou Isaiah Berlin notamment pour son incapacité supposée à appréhender et à lutter contre l’antisémitisme. En revenant sur la vie et l’œuvre de Salomon Reinach dont il a récemment édité la correspondance[1], Boris Czerny montre qu’il n’en est rien et que la supposée discrétion politique des israélites masque en réalité des formes diverses et subtiles d’engagement et de solidarité.

 

Salomon Reinach assistant aux fouilles de Glozel, Carte postale © MahJ

 

Dans les ouvrages sur les Juifs français au XIXème et au XXème siècle[2], Salomon Reinach est généralement considéré comme un représentant exemplaire de la communauté israélite française de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Fils d’un banquier juif allemand qui avait émigré en France dans les années 1840, Salomon et ses frères, Joseph (1856-1921), un journaliste et homme politique proche de Léon Gambetta, et Théodore (1860-1928), un historien et archéologue, spécialiste d’épigraphie, firent de l’excellence de leur parcours académique et de leur engagement au service des valeurs universalistes de la République, la preuve de leur volonté de s’intégrer dans la société française. Ils aspiraient à incarner tout ce que la culture française avait de plus brillant et de plus remarquable. Mais tout en recherchant un anonymat identitaire, ils manifestèrent leur attachement à leur communauté en luttant pour le triomphe de la justice et contre l’antisémitisme. Cet écart au principe de la neutralité républicaine révélant la position ambigüe des Juifs français, prit des expressions multiples que nous allons présenter à travers le cas de Salomon Reinach.

Un israélite modèle

En 1875, S. Reinach réussit le concours d’entrée à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm et fut reçu premier au concours de l’agrégation de grammaire en 1879. La même année, il passa avec succès le concours de l’École française d’Athènes et entreprit un voyage archéologique qui le conduisit à Athènes et en Asie Mineure. Après un bref intermède à Londres et à Paris, il fut nommé, fin 1883, au secrétariat de la Commission archéologique de Tunisie. L’année 1885 vint clore ce qu’Hervé Duchêne qualifie de « période africaine » de la vie de S. Reinach[3]. En 1887, il devint membre du Comité central de l’Alliance Israélite, Universelle dont il assura la vice-présidence de 1892 à 1912. En 1894, il entra au conseil de la Jewish Colonisation Association. Cet organisme fondé par le Baron Hirsch et cogéré par l’Alliance, était destiné à venir en aide aux Juifs de Russie qui quittaient leur pays pour s’installer en Amérique du sud ou en Palestine. Parallèlement à sa participation active au sein de la JCA dont il fut élu vice-président en 1929, il assuma à plusieurs reprise la fonction de président de la Société des études juives et du périodique qu’elle éditait, La Revue des études juives. La raison d’être de la Revue était la publication d’articles sur la religion et, plus particulièrement la religion juive, abordée en tant que science par le biais d’analyses philologiques et historiques au sens large de ce mot.

Par son parcours académique, Salomon Reinach était un représentant modèle de l’élite universitaire juive française de la fin du XIXe. Ces « fous de la République », comme les appelle l’historien Pierre Birnbaum, étaient parvenus à s’élever jusqu’à des postes de pouvoir par la vertu de la méritocratie. L’affaire Dreyfus semblait susceptible de remettre en cause l’assimilation en tant qu’objectif final du processus d’émancipation. Cependant, à part un petit groupe d’intellectuels regroupés derrière Bernard Lazare qui se désolidarisèrent du « franco-judaïsme » et évoluèrent vers des positions sionistes, les chefs de de la communauté et tout spécialement les dirigeants de l’Alliance Israélite, continuèrent de prôner leur attachement patriotique à la France et à se défendre de l’existence d’un syndicat juif pour sauver Dreyfus. Cette prudence explique la discrétion avec laquelle œuvra le comité de défense contre l’antisémitisme fondé en 1895 à l’initiative du grand rabbin de France de l’époque, Zadoc Kahn et dirigé par Narcisse Leven, président du Comité central de l’Alliance israélite universelle. S. Reinach en fut un des principaux animateurs. Prudence n’est pas inaction. La correspondance entre L. Errera et S. Reinach dévoile leur très intense implication dans la publication d’articles dénonçant le caractère fallacieux des accusations portées à l’encontre de Dreyfus. Au moment où l’affaire fut rouverte, en 1898, S. Reinach publia sous le pseudonyme de l’Archiviste, une étude détaillée des textes antisémites publiés dans le journal antisémite La Libre Parole.

Salomon Reinach, circa 1900 © Wikimedia Commons
Un savant mondialement reconnu

Pour la majorité des israélites français, l’issue de l’affaire Dreyfus était la preuve que la seule voie à suivre était celle d’une assimilation raisonnée et volontariste. Et s’il fallait une preuve supplémentaire de la confiance à apporter aux institutions françaises, l’élection en 1896, de S. Reinach à l’académie des Inscriptions et Belles-Lettres, était la manifestation concrète qu’un Juif pouvait accéder à un poste prestigieux en dépit du contexte délétère de l’affaire. Sa promotion académique fut rapide. Affecté en 1886 en tant qu’attaché au Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain en Laye, il fut nommé conservateur adjoint en 1893, puis directeur, poste qu’il occupa pendant trente ans, jusqu’à sa mort.

Tout au long de sa carrière, S. Reinach publia un nombre considérable d’études et ouvrages consacrés à l’Antiquité, la Gaule, l’archéologie grecque ainsi qu’aux pratiques et traditions religieuses abordées d’un point de vue anthropologique. Deux ouvrages en particulier, un recueil décliné en cinq volumes et intitulés Cultes, mythes et religions, parus à partir de 1905, et Orpheus, une histoire générale des religions (première publication en 1909) présentant les religions comme une persistance de rituels d’origine archaïque communs aux formes religieuses primitives, provoqua une vague d’indignation dans le clergé catholique et les tenants d’un judaïsme traditionnel. L’appel de S. Reinach à une réforme du judaïsme délesté de rites jugés sans fondements ainsi que ses positions antisionistes furent à l’origine de la campagne contre lui déclenchée par la branche allemande de l’Alliance (la Deutschen Confererenz Gemeinschaft) lors des élections de 1911 pour le renouvellement du comité central de l’Alliance. En dépit de son élection, S. Reinach démissionna en 1912 et, selon A. Rodrigue, « seule lui restait dorénavant la possibilité d’intervenir en tant que savant, comme il l’avait longtemps fait au début de sa carrière.[4] ». Autrement dit en perdant son pouvoir représentatif au sein des organismes officiels, S. Reinach aurait perdu sa capacité d’action politique. L’affirmation nous semble contestable. L’engagement de S. Reinach s’interprète en effet selon nous non dans la distinction des différents domaines d’expression qui furent les siens, mais dans leur somme.

Une constante dans la diversité : l’engagement intellectuel.

L’œuvre de Salomon Reinach qui fut tour à tour ou simultanément, traducteur, philosophe, spécialiste du monde antique et médiéval, vulgarisateur et grammairien, historien et anthropologue, est immense. Elle représente 471 entrées dans le catalogue de la Bibliothèque Nationale de France, dont 90 ouvrages et 7000 notices ou articles parus dans plus de 200 périodiques. La valeur scientifique intrinsèque de cette production exceptionnelle fut parfois discutée et contestée, mais elle fut le plus souvent admirée pour sa profondeur et son éclectisme.

Cette transcendance des frontières disciplinaires apparait nettement dans l’examen de ses relations avec ses collègues historiens et hommes publics russes.

Avant son mariage en 1891 avec Rose (Rivka) Morgouliev, née à Odessa et venue en France faire des études de médecine, Reinach devait être au fait de la situation de paria des Juifs russes au sein de l’Empire russe. Constituant la plus grande communauté juive au monde, ils étaient obligés de résider dans les limites d’un vaste territoire (la Zone de résidence) correspondant plus ou moins aux limites actuelles de la Lituanie, de la Biélorussie et de l’Ukraine, et étaient soumis à une législation discriminante limitant par exemple l’accès aux établissements d’enseignement supérieur et à certaines professions. S. Reinach ne devait rien ignorer de tout cela, néanmoins son mariage avec Rose, qui était proche des milieux sionistes et avait gardé des liens avec des militants originaires d’Odessa, comme le bactériologue Waldemar Haffkine, marqua le début d’une nouvelle orientation dans ses travaux et dans son engagement.

En 1891 S. Reinach publia la traduction française des trois premiers tomes d’une série de six volumes intitulés les Antiquités de la Russie méridionale et rédigés en russe par les historiens et archéologues russes, Nikodim Kondakov (1844-1925) et le comte Ivan Tosltoï (1858-1916). L’intérêt de Reinach pour la Russie et l’art russe se concrétisa également par la rédaction de nombreuses notices intitulées « Chronique d’Orient » et publiées dans la Revue Archéologique. Ses Chroniques étaient consacrées aux travaux et découvertes de archéologues et historiens russes avec lesquels il entretenait par ailleurs une correspondance assidue.

Parmi ses collègues certains devinrent des amis proches.  S. Reinach noua en particulier des liens étroits avec le comte Ivan Tolstoï. Numismate et historien, membre de la Commission archéologique et vice-président de l’académie des Beaux-arts de 1893 à 1905, date à laquelle il fut invité à faire partie du cabinet de Serge Witte (1849-1915) en qualité de ministre de l’Instruction publique, poste qu’il occupa d’octobre 1905 à avril 1906, il fut le premier homme politique à exercer la charge de maire de Saint-Pétersbourg entre 1913 et 1916. Dans chacune de ses activités, le comte Tolstoï manifesta par ses discours et par ses actes, son opposition à la législation anti-juive dont il informait S. Reinach dans ses courriers de leur réalité. Comme le relève l’examen de la correspondance entre les deux hommes[5], certaines données furent communiquées par la suite par l’historien français au botaniste belge Léo Errera. Dreyfusard actif, collaborateur de la JCA, Errera prit fait et cause pour la défense des Juifs de Russie et rédigea un ouvrage, Les Juifs russes, extermination ou émancipation (1893), fruit d’un échange fécond d’informations avec S. Reinach et donc I. Tolstoï.

Un autre exemple du rôle de Reinach en tant qu’agent de transfert en Occident d’informations sur la situation des Juifs russes nous est donné par sa participation à la diffusion du livre L’Antisémitisme en Russie. Faits et pensées, rédigé conjointement en 1907 par le comte Tolstoï et l’historien juif Iouli Gessen (parfois orthographié Hessen, 1879-1939). Cet ouvrage écrit, fait exceptionnel, par un chrétien et un juif, connut en Russie un accueil très limité. En Occident, en France et en Angleterre notamment, Waldemar Haffkine, Rose et Salomon Reinach s’efforcèrent, en vain, de faire publier le livre dans plusieurs traductions. Mais en dépit de cet échec, le fait même que S. Reinach ait collaboré à la diffusion de cet ouvrage est la preuve de son investissement.

Après la Révolution bolchevique de 1917 et la Première guerre mondiale, S. Reinach continua son action militante en faveur des Juifs originaires de Russie, accusés d’être les principaux agents du judéo-bolchevisme. En réaction à la diffusion de poncifs antisémites véhiculés par une abondante production littéraire, il rédigea un nombre conséquent d’articles et de recensions. Comme le montre sa correspondance avec le journaliste et responsable de la communauté juive britannique, Lucien Wolff, il contribua à la dénonciation du caractère fallacieux du Protocole des Sages de Sion, dont le journal le Times affirma, en 1920, qu’il s’agissait d’un document authentique. Á la même époque S. Reinach rédigea également les préfaces de deux ouvrages, Lettre ouverte aux Cents-Noirs de Russie d’I. Isaïevitch et Les Juifs et la Révolution russe de Boris Mirkine. Proche du milieu des juristes juifs russes immigrés, de Boris Mirkine, Iouda Tchernoff et Boris Nolde, il œuvra personnellement pour la création d’une armée de la paix destinée à s’interposer entre des États belligérants.

Salomon Reinach à son bureau

Cet engagement militant sous-estimé ou ignoré jusqu’à présent ne s’exprima pas seulement dans des écrits portant sur des faits d’actualité. L’ensemble de l’œuvre de S. Reinach révèle en effet sa cohérence dans la prise en considération d’un mouvement de va-et-vient entre le passé et le présent, mouvement traversant la plupart de ses écrits. Suivre les nuances de ce jeu de miroirs permet de saisir la nature protéiforme de son action militante, qui s’exprima certes de manière directe, par des prises de paroles ou des actes, mais aussi de façon plus « dissimulée » dans ses travaux historiques, même si, le plus souvent, ces deux plans se superposent et bien souvent se confondent

Une conception panchronique de l’histoire

Par son engagement en tant qu’historien et homme public en prise avec son temps, S. Reinach ne fut pas une exception. Ce double ancrage dans la vie contemporaine et le passé s’inscrivait dans un profond mouvement d’admiration et d’intérêt pour l’Antiquité grecque comme modèle politique et esthétique qui avait pris corps au début du XIX e aussi bien en Europe qu’en Russie et se prolongea jusqu’au début du XXe.  Pour les historiens de la Belle Époque en France et du Siècle d’argent en Russie, ainsi que pour les philologues et artistes, la référence hellénique était bien plus qu’une mode, elle relevait d’une quête d’absolu. A Paris, de Marcel Proust à Claude Debussy en passant par Henry Matisse, nombreux furent les peintres et les écrivains qui établirent des liens féconds avec les plus grands hellénistes et notamment avec Théodore et Salomon Reinach. Á Saint-Pétersbourg, le poète Viatcheslav Ivanov réunissait dans son salon la fine fleur des arts et de la culture ainsi que des historiens et archéologues qui, une fois passé l’enthousiasme pour l’Antiquité grecque, entreprirent une remontée vers l’enfance des différentes sociétés. Ce mouvement vers les origines plaça les historiens au centre d’un processus de structuration du passé propre à chaque nation. Comme l’explique Pierre Nora, « le XIXe a probablement été l’époque bénie, mais lointaine où la recherche de l’identité d’une société passait par le sentiment national, donc par la recherche de ses origines, donc par l’histoire et l’historien.[6] »

Cette quête de l’ascendance contribua à instaurer l’histoire dans un rapport panchronique stimulant une interprétation du présent à travers la loupe du passé. Cette approche adoptée et développée en Russie entre autres par Nikodim Kondakov et son élève Mikhail Rostovtzeff, favorisa l’émergence d’un roman national russe distinct et spécifique dont les problèmes contemporains trouvaient un éclairage à la lumière du passé. Ainsi, les questions étudiées par Rostovtzeff, à savoir l’histoire agraire de la Rome antique, l’économie planifiée dans le monde hellénistique et la vie urbaine des classes moyennes, se trouvaient en connexion directe avec des problèmes qui se posaient en Russie à la fin du XIXe.

La remontée aux sources de l’histoire juive aurait pu conduire à l’époque S. Reinach vers le sionisme, mais il l’estimait opposé et contraire à l’esprit universaliste du judaïsme et à son statut d’Israélite. L’histoire lui offrait néanmoins la possibilité de dénoncer la permanence de l’antisémitisme en établissant des relations d’identité entre le présent et le passé. Ce parti pris d’une approche panchronique de l’histoire est, par exemple, formulé dans l’introduction de l’étude consacrée à l’accusation en meurtre rituel, étude rédigée en 1893 et constituant le cadre conceptuel de l’analyse historique selon S. Reinach : « De toutes les accusations dont le fanatisme et l’ignorance se sont fait une arme contre le judaïsme, il n’est est aucune qui puisse se comparer, en invraisemblance et en ineptie, à celle du meurtre rituel. Et cependant, telle est la ténacité de certaines erreurs, l’injustice aveugle de certaines passions, que cette calomnie mille fois confondue, trouve encore des propagateurs en Europe et fait des victimes presque sous nos yeux.[7] » A quelques années du début du procès Beïlis, du nom de ce Juif ukrainien, accusé d’avoir commis un crime rituel en 1911, les paroles de Reinach avaient une tonalité prémonitoire.

Ce processus d’adaptation de l’histoire au présent traverse d’autres travaux, comme, par exemple, l’étude sur le procès de Gilles de Rais qui fut, selon S. Reinach, accusé du meurtre de plusieurs centaines d’enfants sur « la base de preuves insuffisantes » et d’« une singulière concordance de témoignages à charge »[8]. S’il est question de Gilles de Ray, le compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, c’est bel et bien le nom de Dreyfus qui est ici suggéré, comme, par ailleurs, dans la traduction de l’Histoire de l’Inquisition (1900-1903) de l’historien Charles Léa qu’un critique belge reprocha à Reinach d’avoir par trop transformée à des fins partisanes :

« Cette traduction du livre injuste et passionné de l’historien américain a été entreprise, comme le traducteur en convient lui-même dans des préoccupations fort étrangères à la science et pour étoffer le dossier de l’avocat de Dreyfus. … Quand nous donnera-t-on, sur l’histoire de l’Inquisition, le livre impartial que M. Léa croit avoir écrit.[9] »

Critiqués pour leur trop grande docilité envers l’État français et leur absence de réactivité à l’antisémitisme, les Juifs français de la seconde moitié XIXe et du premier tiers du XXe, prirent souvent des positions qui les distinguaient du reste de la population française et faisaient d’eux une communauté. A ce titre, le cas de S. Reinach est révélateur de la diversité opératoire de l’engagement des intellectuels juifs français, refusant, selon les mots du sociologue Émile Durkheim, « de devoir donner un assentiment à un jugement dont la légalité paraissait suspecte[10] ».  Il est question en l’occurrence de l’affaire Dreyfus, mais le jugement garde sa valeur pour les autres causes pour lesquelles s’engagea S. Reinach en tant qu’historien et de dirigeant de l’Alliance et de la Jewish Colonization Association. Sa capacité à décloisonner ces multiples domaines d’activité et à transcender les frontières historiques est certainement un des traits les plus saillants de sa vie académique et publique. Par sa capacité à voir dans le passé des modèles interprétatifs du présent et d’établir des passerelles entre les époques, S. Reinach fut indubitablement un intellectuel de son temps.

Rue Salomon Reinach à Lyon © Benoît Prieur / Wikimedia Commons / CC BY-SA 4.0

Son mode d’engagement serait-il transposable aujourd’hui ? Poser la question de l’actualité de la figure de l’intellectuel israélite revient à quitter les rivages rassurants de l’analyse historique pour se lancer dans la spéculation. Il est cependant possible de supposer que son action contre l’antisémitisme serait toujours d’actualité. Par contre il ne lui serait plus possible aujourd’hui d’envisager le transfert et l’implantation de communautés juives entières dans des pays étrangers comme ce fut le cas avec les Juifs russes en Argentine ou au Brésil sans concevoir leur installation en Israël qui n’existait pas en tant qu’État juif à l’époque. Il est donc probable qu’il aurait dû clarifier ses relations avec Israël afin de crédibiliser son engament en tant que Juif et intellectuel.


Boris Czerny

 

Boris Czerny est professeur à l’Université de Caen. Ses recherches portent en particulier sur le monde juif en Russie (XIXe et XXe siècle).

Notes

1 Salomon Reinach, Correspondance 1888-1932. Un polygraphe sous le signe d’Amalthée, édité par Boris Czerny, Honoré Champion, Paris, 2020.
2 Voir, par exemple, Pierre Birnbaum, Les Fous de la République, Histoire politique des Juifs d’État, de Gambetta à Vichy, Paris, Fayard, 1992.
3 Hervé Duchêne est le principal biographe de S. Reinach. Voir, par exemple, « Salomon Reinach devant les hommes et les religions, Bibliographie des œuvres du savant, études sur l’homme et son milieu, présentation de divers documents » in Salomon Reinach, Cultes Mythes et Religions, 2nde édition, Paris, Robert Laffont, Bouquins, 2004.
4 Aron Rodrigue, « Totems, tabous et Juifs : Salomon Reinach ou l’engagement politique », Les Cahiers du judaïsme, 2004, N°16, p. 118. (105-118)
5 Salomon Reinach, Correspondance, 1888-1932. Un polygraphe sous le signe d’Amalthée, Boris Czerny ed., Honoré Champion, 2020.
6 Pierre Nora, « Le Troisième Homme », L’Arc, 1973, N°52, p. 55.
7 L’Accusation de meurtre rituel, Paris, Librairie Léopold Cerf, 1893, p. 3
8  »Le Procès de Gilles de Rais (partie 1) ». In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 48e année, N. 6, 1904. pp. 694-695.
9 Charles Léa, Histoire de l’Inquisition au Moyen-Âge, ouvrage traduit par Salomon Reinach, Paris, Société Nouvelle de Librairie et d’Edition, 1901, T. II, p. VII.
10 Émile Durkheim, « L’individualisme et les intellectuels », La Revue bleue, 1898, T.X, 4e série, p. 10.

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