Entretien avec Marta Caraion : Le tombeau de Transnistrie. Les pages oubliées de la Shoah roumaine

Entretien avec Marta Caraion

L’Europe du XXe siècle connaît des lieux dont le nom est indissociable des atrocités qui y ont été commises. Auschwitz, Majdanek, Buchenwald, Dachau, Bergen-Belsen… Tous n’ont cependant pas une sonorité allemande ou polonaise.  La trajectoire familiale, faite de survie et d’exil, que Marta Caraion retrace dans Géographie des ténèbres. Bucarest-Transnistrie-Odessa, 1941-1981, dessine une autre toponymie de l’effroi. Transformée par la Roumanie du maréchal Antonescu en laboratoire d’épuration ethnique, la Transnistrie en est le nœud le plus sombre. Un nœud que ce récit intime et brillamment documenté parvient à défaire, fil par fil, mettant à nu la mémoire longtemps occultée de la Shoah roumaine.

 

Déportation des Juifs de Bessarabie en Transnistrie, escortés par des soldats roumains et allemands, 1941, United States Holocaust Memorial Museum

 

Transnistrie. C’est un nom qui siérait bien à un pays imaginaire. À le lire, on devine la présence d’une montagne, d’une mer ou d’un fleuve, et d’un mystérieux territoire sis au-delà. Hergé aurait pu l’inventer pour de nouvelles aventures de Tintin. Sans pour autant se méprendre, car, si la Transnistrie n’est pas un état fictif stricto sensu, elle fait partie des environs 400 micronations dont le statut juridique n’est pas reconnu par les Nations Unies, aux côtés du Royaume de Redonda, de la principauté de Bérémagne ou du Zaquistan. Autoproclamée République indépendante en 1992 – après une guerre de sécession avec la Moldavie, interrompue sans traité de paix et dont le prolongement en conflit gelé éveille des tensions à chaque nouvelle crise – la Transnistrie actuelle est une région autonome moldave – sous occupation russe –, qui s’étend sur la rive droite du Dniestr jusqu’à la frontière avec l’Ukraine.

Telle que se dessine leur configuration géopolitique, des péripéties en ces lieux auraient probablement peu ravi les personnages de Hergé, aussi riches eussent-elles été en rebondissements. Mais revenons au fleuve et au territoire qu’il délimite. Car de fleuves, la Transnistrie en a connu deux. En 1941, sous le gouvernement du maréchal Ion Antonescu – dont les armées suivirent celle de la Wehrmacht –, la Roumanie appela Gouvernorat de Transnistrie la zone d’occupation militaire allant du Dniestr au Boug méridional et comprenant la ville d’Odessa, sa capitale. Reprise à l’Union soviétique lors de l’opération Barbarossa, la région d’entre ces deux fleuves est un cadeau offert à la Roumanie par Hitler, en compensation de la perte du nord de la Transylvanie au profit de la Hongrie.

Le Gouvernorat de Transnistrie resta sous administration civile roumaine jusqu’à sa réannexion par l’Union soviétique, en janvier 1944. Présage d’un territoire de non-droit, la Transnistrie n’est cependant pas formellement incorporée à la Roumanie, mais transformée, selon les vœux du maréchal Antonescu, en un dépotoir ethnique où seront déportés, entre 1941 et 1943, plus de 195 000 Juifs de Bucovine, de Bessarabie et de Roumanie, auxquels s’ajoutent environ 25 000 Roms ainsi que des déportés politiques et résistants au régime. Déportés dans des ghettos et des camps d’extermination improvisés près du Boug. Car cette « Sibérie roumaine » n’est pas seulement un lieu de bannissement et de travail forcé, mais de massacre systématique et d’anéantissement, le « tombeau de la population juive locale et de celle de Roumanie », selon les mots de Matatias Carp[1].  Au total, 380 000 à 400 000 Juifs, dont ceux de Transnistrie, y seront assassinés.

Deux fleuves. À l’ouest, le Dniestr, et son « au-delà, où l’on jette les Juifs ». À l’est, le Boug, et ses camps, où on les assassine. Entre les deux, la Transnistrie roumaine et sa capitale, Odessa, dont les habitants juifs, pères, mères, fils, filles, grands-pères, grand-mères, petites-filles et petits-fils, furent, eux aussi, déportés dans des camps d’extermination près du Boug. Parmi eux, la famille Berman : Isidor, rescapé du pogrom d’Odessa de 1905, Sprinţa – et sa sempiternelle machine à coudre, tel un précieux instrument de survie –, et leur fille Valentina. Ils sont arrivés à Odessa à l’automne 1940, de Bessarabie, ce côté est du Dniestr où ils avaient trouvé un refuge précaire en fuyant Bucarest et ses lois raciales. Tous les trois seront déportés. Isidor est fusillé au bord d’une fosse commune, au printemps 1942. Sprinţa et sa fille en réchappent, parvenant, par un subterfuge qui tient du miracle, à se sauver d’un convoi en marche vers les camps.

Marta Caraion est leur petite fille. Nous l’avons interviewée pour K.

Elena Guritanu

Entrée de l’armée roumaine à Chisinau, juillet 1941. Sur la banderole : « Vive le maréchal libérateur ! »

 

Elena Guritanu : Votre précédent ouvrage Comment la littérature pense les objets, paru aux éditions Champ Vallon en 2020, était consacré à la place des objets matériels dans la littérature du XIXe siècle. Dans Géographie des ténèbres. Bucarest – Transnistrie – Odessa 1941-1981, paru aux éditions Fayard en août 2024, le récit se structure autour d’un unique objet, lourd d’histoire et de signification : la machine à coudre de Sprinţa, votre grand-mère maternelle. Comment passe-t-on d’une lecture matérialiste des objets en littérature, d’un objet matériel « qui peine à parvenir à une pleine existence intellectuelle », à l’objet personnifié, à travers lequel se reconstitue et se met en récit la mémoire familiale ? Était-ce un moyen détourné de s’attaquer à l’écriture de ce récit, d’en conjurer la terreur ? Ou est-ce, d’une certaine façon, le propre de votre écriture ?

Marta Caraion : Comprendre avec précision la fonction des objets et plus largement des possessions et dépossessions individuelles dans les trajectoires de survie est essentiel dans une démarche comme celle que j’ai entreprise, soit à la fois une micro-histoire en éclairage de détail sur les événements macro-historiques et un récit familial plus intime qui se construit autour de témoignages, d’archives, de souvenirs, de bribes de vie matérielle. Comment une famille déportée, en octobre 1941, d’Odessa, dans un convoi de plusieurs dizaines de milliers d’individus acheminés à pied vers le charnier de Bogdanovka où tous périssent, parvient-elle à survivre ? Quelles sont, dans le détail des gestes, des mots, des choix, des choses, les opérations précises de cette expérience nommée survie ?

Pendant des années, ma recherche universitaire a porté sur les rapports entre littérature et culture matérielle ; les questions que je posais aux textes littéraires sont aussi celles que j’ai voulu poser à mon histoire familiale : comment des objets deviennent-ils des récits ? Pourquoi certains objets sont-ils des supports précieux à l’élaboration des récits de vie ? Quels sont ces objets ? L’histoire familiale que j’ai dépliée à partir d’une multitude de sources et de documents très différents peut être racontée à travers la trajectoire, en fil continu, d’un seul objet – une machine à coudre – devenu un objet de mémoire généalogique, un objet d’attachement (au sens affectif et concret du terme), mais qui a été d’abord un outil de travail, à fonction utilitaire, et un instrument de survie, un objet vital. Cette machine à coudre qui a traversé les frontières et les exils (elle se trouve maintenant chez moi, en Suisse, dépaysée dans mon salon) a été le socle sur lequel, dans la précarité des jours, il a été possible pour deux femmes juives sorties d’une colonne destinée à l’extermination de construire une existence clandestine, de s’insérer sous une fausse identité dans un tissu social d’occupation militaire, à un endroit précis, la bourgade de Berezovka (actuellement Berezivka en Ukraine) sous juridiction roumaine, et de traverser la guerre. Voilà le noyau de cette micro-histoire qui s’incarne dans un objet de transmission mémorielle. Mais cette machine à coudre est aussi un objet de savoir, un document sur les modes concrets de la survie.

Dans le témoignage écrit qui a servi de point de départ à ce livre, soit le récit publié en roumain, en 1991, par ma mère Valentina, je me suis intéressée aux traces d’objets, en observant avec attention la fluctuation des possessions de cette famille au fil des fuites, des bombardements, des déplacements forcés, des convois de la mort, des spoliations, des moments transitoires d’installation dans un lieu, des départs et des retours. Que prend-on avec soi quand on s’enfuit ? Qu’abandonne-t-on ? Quels sont les objets indispensables ? Comment le fait de vivre ou de mourir est-il déterminé par le choix ou la chance de posséder ou non les bonnes chaussures ? Quel est le partage des objets d’utilité, de troc, de mémoire ? Se poser ces questions avec l’idée de faire, dans une situation donnée, à échelle d’observation microscopique, le décompte précis des objets permet une compréhension par le détail de la vie matérielle des situations extrêmes : déportation, survie, exil.

L’histoire familiale peut être racontée à travers la trajectoire, en fil continu, d’un seul objet – une machine à coudre – devenu un objet de mémoire généalogique, un objet d’attachement (au sens affectif et concret du terme), mais qui a été d’abord un outil de travail, à fonction utilitaire, et un instrument de survie, un objet vital.

L’histoire de la Shoah, on le sait, est aussi une histoire d’objets, de spoliations organisées, de pillages, de transactions, de bouleversement radical des échelles de valeur des choses. On connaît les montagnes de chaussures, le tri systématique des objets, les baraques Kanada à Auschwitz. À Treblinka, qui était un camp d’extermination immédiate, ne restaient provisoirement en vie que ceux qui étaient sélectionnés soit pour dégager les cadavres, soit pour s’occuper, sur la place dite « du tri », des affaires des morts. Pour le comprendre, on peut lire un extrait du récit de Richard Glazar, Derrière la clôture verte. Survivre à Treblinka, qui décrit, à longueur de pages, les « montagnes échevelées, constituées d’affaires en vrac » : « Des valises et des sacs à dos, des sacs ordinaires avec des lacets en guise de poignées, des milliers de paires de bottes attachées ensemble et empilées en une montagne noire, friable et désordonnée, des bottines, élégantes et misérables, des savates, de la lingerie fine, des manteaux déchirés et pleins de poux. L’ultime bagage de milliers et de milliers de personnes est un spectacle incroyable. […] Une immense brocante dans laquelle on trouve de tout, sauf de la vie[2] ». Dans les ghettos et dans les convois de déportés en Transnistrie, l’économie de la survie est moins documentée, moins spectaculaire et plus complexe. Elle implique souvent la population locale. En faisant le décompte des objets perdus, abandonnés, des objets rescapés, des vols et des dons dans la traversée de la guerre qui fut celle, particulière, de ma famille, c’est cette histoire relationnelle et matérielle qu’il m’a semblé important de reconstituer. Certes, les objets survivants sont des objets témoins et ils restituent une mémoire incarnée qui fait récit et qui fait trace. On a pu lire récemment que le musée d’Auschwitz restaure 8000 chaussures d’enfants ; dans un tel projet, comme dans toutes les entreprises de conservation et de patrimonialisation des restes matériels de l’extermination, le traitement de la mémoire opère à plusieurs niveaux, documentaire, testimonial, émotionnel, etc. Il est important de se demander de quels savoirs et de quels affects cette mémoire est faite.

Enfin, la mémoire, le savoir, le récit contenus dans cette machine à coudre qui a accompagné mon histoire familiale portent aussi sur la nature spécifique d’une trajectoire de femme, de la survie au féminin. À un niveau plus intime, c’est un objet de transmission féminine, sur trois ou quatre générations de femmes, une manière de s’inscrire dans une lignée.

Déportation des Juifs de Czernowitz.
EG : En Moldavie, mon pays d’origine, comme dans tous les États soviétiques, la Shoah fut, jusqu’à la chute de l’URSS, une page arrachée de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, ou tout du moins éclipsée par celle de la « Grande Guerre patriotique ». Quant à la Shoah roumaine et la Transnistrie comme espace de génocide, les faits étaient simplement occultés, enfouis sous des amas de propagande communiste. Au moment où vous appreniez par Valentina, votre mère, et son témoignage, ce que la famille Berman a traversé, en même temps que les centaines de milliers de Juifs roumains, entre 1941 et 1944, que saviez-vous de la Shoah en Roumanie ? Connaissiez-vous la Transnistrie et quelle image y associiez-vous avant d’entamer vos recherches et l’écriture de ce texte ?

MC : Je réponds à votre question au moment où une partie de la population roumaine, tentée d’élire un président d’extrême droite, affiche ouvertement ses sympathies et nostalgies légionnaires et fascistes. Au premier tour de l’élection présidentielle de novembre 2024, plus de 22% des électeurs ont voté pour un candidat, arrivé en tête, qui revendique le mouvement légionnaire mystico-nationaliste et le gouvernement fasciste d’Antonescu comme modèle politique, qui scénarise, pour s’adresser au peuple, des discours du maréchal Antonescu en reproduisant ses gestes et paroles, et qui affiche par ailleurs son admiration pour Vladimir Poutine. Sans entrer dans le détail des événements politiques actuels en Roumanie – la Cour constitutionnelle ayant annulé le scrutin et empêché la tenue du second tour pour motif d’ingérence étrangère et de manipulation des réseaux sociaux –, cette situation est celle d’un pays qui n’a jamais écrit son Histoire, qui n’a travaillé ni la mémoire du fascisme, ni celle du communisme, et qui s’est caché derrière un mythe national confortable pour tous les régimes politiques. Ce mythe s’est structuré dès 1945, dans la rhétorique même des procès des criminels de guerre ; il a été relayé par quarante ans de falsification (car il ne s’agit pas seulement d’occultation et de silence, il s’agit d’une forme très efficace de négationnisme) des faits par les gouvernements communistes successifs, en teinte stalinienne ou davantage nationaliste selon les périodes ; et il a été paradoxalement repris, après la chute de Ceaușescu en 1989, par la ferveur d’un nationalisme anti-communiste qui a développé l’idée, devenue un plan d’action pour la réhabilitation des doctrines fascistes, de martyre politique des forces d’opposition sous la dictature communiste et durant les années de terreur. Parler des martyrs de la répression communiste semble juste et légitime, sauf quand cela permet, dans la confusion délibérée des victimes, de réhabiliter juridiquement des criminels de guerre, des hommes d’église légionnaires, et d’initier un mouvement idéologiquement proactif de valorisation de la mémoire fasciste, avec érections de monuments commémoratifs, célébrations publiques, sanctifications même. L’Église orthodoxe roumaine canonise des prêtres qui ont été des promoteurs publics du mouvement légionnaire et des antisémites militants dans l’espace public. En Roumanie, il existe des rues au nom du maréchal Ion Antonescu.

La situation politique actuelle en Roumanie est celle d’un pays qui n’a jamais écrit son Histoire, qui n’a travaillé ni la mémoire du fascisme, ni celle du communisme, et qui s’est caché derrière un mythe national confortable pour tous les régimes politiques.

Alliée de l’Allemagne jusqu’en août 1944, la Roumanie a été le deuxième pays exterminateur de Juifs, avec une organisation propre du processus de nettoyage ethnique sur le territoire de la Transnistrie, c’est-à-dire hors des frontières nationales, en territoire occupé. Cette vérité-là reste, malgré un travail d’envergure de la part des historiens de la Shoah pour rétablir les faits, inaudible. Plusieurs facteurs contribuent à cette surdité nationale. Le 23 août 1944, voyant le vent tourner, la Roumanie a changé de camp : au moment où les Allemands en pleine débâcle avaient perdu la guerre et où les Soviétiques occupaient déjà l’est de la Moldavie, elle a « tourné les armes » – c’est la formule officielle – contre l’Allemagne et rejoint les Alliés, évitant ainsi une invasion russe sanglante. Cela impliquait de changer rapidement de récit national. Mais bien que l’armature rhétorique pour invisibiliser la Shoah soit similaire à celle que Staline impose en URSS, l’implication étatique de la Roumanie dans le génocide nécessite l’élaboration d’une ligne argumentative différente. Les Soviétiques ont étouffé les ravages de la Shoah au nom des millions de victimes de la Grande Guerre patriotique, refusant d’admettre la spécificité de l’extermination des Juifs comme une donnée signifiante de l’Histoire, interdisant de la sorte la constitution d’une mémoire collective du processus d’extermination, pourtant présent dans les consciences car s’étant déroulé au grand jour sous les yeux et avec l’aide d’une partie des populations civiles. Le Livre noir d’Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman, qui rassemblait en récit des témoignages collectés sur les lieux d’extermination, a été interdit de publication en 1946. Pour la Roumanie, il s’agissait d’effacer la responsabilité d’État, le rôle de l’armée et de la gendarmerie dans l’organisation des tueries, de déplacer la culpabilité ; cela a été possible premièrement en faisant porter à l’Allemagne (présentée comme force d’oppression d’une Roumanie asservie et innocente) la responsabilité des massacres ; deuxièmement – et cela rejoint la stratégie soviétique – en camouflant les victimes civiles juives d’une part en victimes de guerre (en les assimilant aux militaires roumains morts au front) et d’autre part en combattants communistes (cette transformation est passionnante à étudier dans les manuels d’histoire des années 50) ; et troisièmement, en argumentant sur le fait que les Juifs du Vieux Royaume (c’est-à-dire de Valachie et de Moldavie) n’ont été ni exterminés, ni déportés, n’ayant subi que des persécutions mineures (interdictions de professer, d’aller à l’école, confiscations, travail forcé, etc.), argument déjà avancé par le Maréchal Antonescu lui-même lors de son procès de 1946 et qui a fourni une ligne de défense continue, un bouclier permettant d’oublier que cette population survivante (environ 290 000 Juifs) représente une moitié dont l’autre moitié a bel et bien été déportée et tuée.

L’histoire de la Shoah roumaine est entrée dans les manuels scolaires pour les classes de lycée l’année passée, avec un véritable effort de transmission d’un savoir jusqu’ici occulté. Mais l’intériorisation collective de ce savoir est laborieuse.

Pour ma part, je n’ai eu, durant mes années de scolarité à Bucarest (de 1974 à 1981), aucun enseignement sur le sujet ; aucun livre, aucun film, aucun récit. La Shoah n’a simplement jamais été un sujet. L’identité juive de ma mère et de nombre de ses amis non plus, d’ailleurs. J’ai su très vite, en revanche, parce qu’on le disait sans autre explication, que certaines personnes étaient antisémites (parfois suivi, dans le vocabulaire familial, de « féroce » : un « antisémite féroce »), sans qu’« antisémite » puisse clarifier le fait d’être juif ; et encore moins le fil des événements historiques. C’est dire que l’occultation politique s’est doublée d’un silence privé, avec une charge de savoir implicite qui rendait inutile une mise en parole explicative de ce savoir qui paraissait devoir infuser de manière spontanée. De fait, il a infusé.

L’occultation politique s’est doublée d’un silence privé, avec une charge de savoir implicite qui rendait inutile une mise en parole explicative de ce savoir qui paraissait devoir infuser de manière spontanée.

Ma connaissance de la Shoah roumaine a été alimentée par des années de lectures qui ont précédé le projet d’écrire sur ce sujet et de débroussailler le récit et l’histoire de ma mère. Comme enfant et adolescente, la connaissance de la Transnistrie et des événements de la guerre a d’abord suinté en phrases incompréhensibles et en allusions : le nom « Transnistrie » était prononcé sans référent géographique clair et associé à une situation diffuse de famine et de peur, un lieu indéterminé de négativité ; de même pour l’évocation d’Odessa, des bombardements, de la déportation. C’est à partir de notre exil en Suisse que ma mère en a parlé plus amplement et qu’elle a décidé, en 1986-1987, de livrer son témoignage d’abord oral, puis transcrit et publié au moment de la chute du régime communiste. Mais si la micro-histoire familiale a pris forme, j’ai mis du temps avant de m’atteler à comprendre la fresque historique globale qui s’est d’ailleurs dessinée avec l’ouverture des archives à l’est de l’Europe et les travaux de nouvelles générations d’historiens. Cette fresque historique elle-même nécessitait plusieurs focales et plans perspectifs : il m’a fallu comprendre les événements à échelle surplombante, de gouvernements, de troupes armées, de décisions politiques, et à échelle microscopique de faits de détail, de lieux précis, de tels villages, ravins, ou porcheries transformées en mouroirs, de minuscules directives locales et de choix d’individus. C’était la seule manière de combiner les échelles de savoirs et de se faire une « image » de la Transnistrie. Sachant aussi que dans la complexité des modes opératoires du génocide en Transnistrie, l’extermination de toute la population juive d’Odessa a une histoire à part que j’ai essayé de raconter, en suivant la trajectoire de mon grand-père, avec une contextualisation large qui remonte au pogrom de 1905 et à la guerre civile russe.

EG : Le traitement historiographique de la Shoah roumaine, se heurte toujours – et ce malgré des avancées considérables, dont la publication dans l’immédiat après-guerre et la réédition en 1996 de Cartea Neagra. Le livre noir de la destruction des juifs de Roumanie (1940-1944) de Matatias Carp, puis de l’ouvrage monumental Radu Ioanid, La Roumanie et la Shoah. Destruction et survie des Juifs et des Roms sous le régime Antonescu, 1940-1944, paru en 2019 – à une résistance mémorielle nationale, la Roumanie saisissant avec beaucoup de parcimonie les occasions de se confronter à son propre passé, y compris après la chute du régime de Ceauşescu. Les tabous, les omissions, les esquives de l’appareil d’État roumain vis-à-vis de cette période et de la participation des autochtones à la Shoah en Roumanie, ont-ils failli entraver l’écriture de ce récit ou, bien au contraire, vous ont-ils poussée à persévérer et à trouver des réponses ? Dans quelle mesure vous êtes-vous heurtée au silence de l’État roumain à ce sujet ?

MC : Il est difficile de construire une mémoire collective quand il n’y a pas de culture de la mémoire, pas de culture du témoignage et que sur l’écriture de l’Histoire, à longueur de décennies, pèse le poids du soupçon. Travailler sur la Shoah en Roumanie, ou en URSS, est une démarche différente de celles des historiens de la Shoah en France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Europe occidentale de manière générale, d’une part parce qu’il s’agit d’abord de détricoter l’historiographie communiste et post-communiste et d’autre part parce que le vécu communiste (fait de propagande, de censure, de répression, ou simplement dans sa trame quotidienne la plus ordinaire) a imprimé dans les consciences un certain rapport au réel et au passé dont il faut saisir la nature pour comprendre le degré d’indifférence, de déni, de rejet des expériences liées au fascisme ; le savoir du génocide est différent en raison de son inscription dans la trame du vécu à l’Est ou à l’Ouest de l’Europe.

Je ne peux pas dire que les esquives de l’appareil d’État roumain au sujet de la Shoah ont entravé ma recherche. Elles l’ont probablement complexifiée. Et elles l’ont certainement nourrie, une fois qu’est devenu clair pour moi le fait que ces esquives non seulement font partie de l’historiographie de la Shoah roumaine, mais qu’elles sont constitutives des témoignages et du récit aussi bien collectif qu’individuel et familial, matricielles dans l’élaboration discursive de ces récits (quel qu’en soit, d’ailleurs, l’ancrage : que l’auteur soit un rescapé ou un idéologue du parti communiste). D’où la nécessité d’interroger le silence ou l’opacité allusive du discours familial à la lumière de ces omissions politiquement organisées ; la texture de ce silence diffère de celle produite par le traumatisme ou de l’entrave de la parole testimoniale suscitée par l’incompréhension d’un public inapte à écouter ; c’est une couche de silence supplémentaire, nourrie par la terreur politique prolongée sous une autre forme (le passage du fascisme au communisme en donne le canevas) et par la contradiction irréductible entre récit officiel public et récit privé, récit de soi ; et cette impossible coïncidence des récits se joue tant au niveau idéologique qu’au niveau de la possibilité même de mettre des mots clairs et précis sur l’expérience vécue, sur les lieux, les acteurs, la chaîne factuelle, les modes opératoires de la destruction de masse, etc.).

Il est difficile de construire une mémoire collective quand il n’y a pas de culture de la mémoire, pas de culture du témoignage et que sur l’écriture de l’Histoire, à longueur de décennies, pèse le poids du soupçon.

Le premier fonds d’archives et de témoignages sur la Shoah roumaine et la Transnistrie a été constitué, pendant la guerre, par Matatias Carp, avocat et secrétaire de l’Union des communautés juives de Roumanie ; conscient des enjeux historiques, Carp entreprend, à Bucarest, un méticuleux et dangereux travail de collecte de documents sur la politique roumaine de répression et d’extermination des Juifs, dont certains sont exfiltrés directement des administrations : ce sont des preuves, des documents administratifs, des photographies, des témoignages qu’il réussit à publier, en trois volumes, entre 1946 et 1948, avec un tirage confidentiel, intitulés Cartea neagra. Fapte și documente. Suferințele evreilor din România în timpul dictaturii fasciste, 1940-1944Le Livre noir. Faits et documents. Les souffrances des Juifs de Roumanie pendant la dictature fasciste, 1940-1944 (on doit à Alexandra Laignel-Lavastine l’édition critique en français de ce texte, chez Denoël, en 2009). Le livre de Matatias Carp paraît à Bucarest dans l’immédiat après-guerre, comme a pu paraître, en 1946, une version roumaine abrégée du Livre noir d’Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman, pourtant interdite de publication en URSS ; mais il est rapidement retiré du marché et enfoui, jusqu’à sa réédition de 1996. Cinquante ans de silence entre les deux éditions et entre la mise à jour des documents produits dans le vif des événements et le travail d’historien de Radu Ioanid qui a écrit l’histoire de la Shoah roumaine. Son livre – La Roumanie et la Shoah – a été publié en anglais en 2000, dans une première version française en 2002, puis en version augmentée en 2019. Radu Ioanid a aussi été le responsable du programme de collecte d’archives pour le United States Holocaust Memorial Museum à Washington. Il faut peut-être ajouter ici le nom de Jean Ancel à qui on doit la constitution d’un fonds documentaire important. Mais, comme je le disais, entre les travaux de Matatias Carp et ceux de Radu Ioanid s’écoule un demi-siècle. Il est indispensable de savoir de quoi est fait ce demi-siècle, en matière d’écriture ou d’effacement de l’histoire de la Shoah (sachant que l’effacement a aussi une histoire).

Bogdanovka. Étables à cochons ou furent enfermés les Juifs déportés. Yad Vashem.
EG : En 2005, a été fondé à Bucarest l’Institut national pour l’étude de l’Holocauste Elie Wiesel. Avec son soutien, un Mémorial aux victimes de la Shoah est inauguré dans la capitale roumaine le 8 octobre 2009, à l’occasion de la Journée de commémoration de l’Holocauste en Roumanie. Trouvez-vous que, de pair avec ces avancements, la situation mémorielle s’améliore ?

MC : La Commission internationale pour l’étude de l’Holocauste en Roumanie a été créée en 2003, à la demande du gouvernement roumain, présidée par Elie Wiesel et dirigée par Radu Ioanid, avec la collaboration d’une grande équipe d’historiens de la Shoah, avec l’objectif d’établir la « vérité concernant la tragédie de l’Holocauste en Roumanie durant le deuxième conflit mondial ». Le texte de 400 pages issu des travaux de la commission, dit « Rapport Elie Wiesel », est une somme très documentée sur la question, articulée à une analyse historique des politiques antisémites des années 30 et à un examen des écrits négationnistes d’État dans la Roumanie communiste ; il formule surtout un projet charpenté d’éducation nationale et propose une ligne d’action politique (demandant par exemple l’arrêt des réhabilitations des criminels de guerre par la Cour suprême, la mise en place d’une législation contre le négationnisme et contre la célébration publique d’Antonescu, etc.). Ce rapport est bien davantage qu’une étude d’histoire de la Shoah en Roumanie. Il est le premier acte officiel d’acceptation politique et publique de la responsabilité de l’État roumain dans le génocide des Roms et des Juifs. De là est né, en 2005, à Bucarest, l’Institut national pour l’étude de l’Holocauste en Roumanie « Elie Wiesel ».

On peut donc dire que, depuis vingt ans, il existe une prise de conscience politique, énergiquement accompagnée par des chercheurs dont certains agissent dans l’espace public. Je pense par exemple à un historien comme Adrian Cioflâncă dont la démarche de recherche fondamentale et de mise à jour de fonds d’archives dormants s’accompagne d’un projet de transmission à un public large (voir par exemple son film, en collaboration avec le cinéaste Radu Jude, « Ieșirea trenurilor din gară – The Exit of the Trains », 2020, autour du pogrom de Iași, en 1941) et de vulgarisation. L’imprégnation dans la mémoire collective est lente. Mon hypothèse est que cette lenteur du processus mémoriel de conscientisation de la Shoah comme simple fait déjà, puis comme responsabilité nationale, est peut-être due à l’absence ou à la rareté des récits : je veux dire des histoires individuelles, des témoignages, des parcours de vie. Il n’existe pas, pour les raisons politiques explicitées plus haut, une « littérature de la Shoah » roumaine, une écriture testimoniale culturellement reconnue.

Depuis vingt ans, il existe une prise de conscience politique, énergiquement accompagnée par des chercheurs dont certains agissent dans l’espace public. Mais l’imprégnation dans la mémoire collective est lente.

EG : À la lecture de votre essai, on perçoit comme un mouvement de recul, une réticence bien compréhensible à vous rendre sur les lieux, tout en sachant que c’est le Covid puis la guerre en Ukraine qui ont empêché un travail sur le terrain. Cette appréhension existe-t-elle toujours ? Est-elle la même qu’au début de ce travail de recherche et d’écriture ?

MC : Je devais, en 2020, au moment où le monde s’est confiné, faire le voyage à Odessa et, plus loin, à Berezovka (actuellement Berezivka), qui est cette bourgade où ma grand-mère et ma mère ont passé la guerre sous une fausse identité et qui, entre 1941 et 1944, a servi de cantonnement militaire aux troupes roumaines et de nœud de distribution des convois de déportés vers les points d’extermination du sud de la Transnistrie.

Mais l’idée de me rendre en Ukraine était plus ancienne. J’avais tenté d’entreprendre ce voyage avec ma mère, au début des années 2000, alors qu’elle avait encore la force et la lucidité de pouvoir m’y accompagner. Je trouvais que c’était une bonne idée de lui proposer cela. Sa réaction a été alors très virulente : un rejet sans discussion. On comprend l’impossible retour sur les lieux des massacres et de la déportation, l’impossible confrontation avec le traumatisme. Mais son refus si catégorique m’a surtout permis de m’interroger plus sérieusement sur les raisons pour lesquelles je voulais, moi, voir ces lieux, soixante ans après, sur la complaisance mémorielle qu’il pouvait y avoir dans cette démarche de tourisme généalogique. Il me semble important de clarifier intellectuellement et du point de vue psychologique ce besoin. Que veut-on voir ? Pour obtenir quel type de réponse, de sensation ou de satisfaction narcissique ? Pour trouver un ancrage dans un lieu, stabiliser une mémoire ou suivre un fil compassionnel ? Ma décision, en 2020, de me rendre en Ukraine, avait un peu mûri. Ma mère était morte depuis quatre ans. J’avais entre-temps entrepris des recherches approfondies, consulté des archives, creusé le détail du récit familial, formulé des hypothèses, cherché des informations factuelles. J’allais à Odessa imprégnée par toute cette recherche, par la somme des sources engrangées, des lectures, des récits : la charge émotionnelle accumulée était peut-être plus intense, mais elle était adossée à un savoir, à des questions ciblées. Aux archives d’Odessa où j’avais l’intention de me rendre, je cherchais, par exemple, un document précis : la liste nominale de la seconde vague de déportés d’Odessa, environ 30 000 personnes, en janvier-février 1942. Mais ce document – j’en ai acquis la certitude depuis – n’existe pas et il n’a probablement jamais existé en dehors des consignes militaires qui recommandaient d’effectuer, en même temps que l’inventaire de la confiscation des biens, qui était systématique, un recensement des personnes. Le recensement s’est borné à l’enregistrement des chiffres ; on trouve, jour après jour, le nombre exact des déportés embarqués dans les wagons. Inscrire les noms des déportés leur aurait donné une existence : cette trace qu’il m’importait de trouver, il importait aux forces d’extermination de ne pas la laisser.

Commémoration, ‘musée de l’Holocauste de Transylvanie’.

La guerre en Ukraine – la possible lecture des guerres en palimpseste – a encore changé mon désir de voir le Boug, de voir Mostovoï et Berezovka, de faire la route qui, d’Odessa, mène là-bas, de comprendre physiquement ces plaines et ces ravins. La réactivation des grilles de lecture idéologiques, du vocabulaire, des catégories de pensée et des imaginaires de la Seconde Guerre dans le récit du conflit actuel modifie la perspective d’un éventuel voyage.

EG : Comment appréhendez-vous cet héritage roumain après la publication du livre ? La parution du livre a-t-elle entraîné quelque changement marquant ?

MC : Mon rapport à la Roumanie a été déterminé par l’exil, en 1981, de Bucarest vers la Suisse, alimenté par une nostalgie adolescente qui tenait au fait que le retour était interdit et qu’il était impossible, au milieu des années 80, de penser la chute des régimes communistes ; puis, après 1989, par le retour régulier dans un pays qui a cru à la démocratie tout en refusant de faire ses comptes avec l’histoire, l’histoire fasciste et l’histoire communiste. J’ai grandi aussi dans une famille où la mémoire de la souffrance n’engrangeait que la terreur communiste, les années de prison politique de mes parents (mais surtout de mon père qui était écrivain et qui a une lourde histoire de vie et une trajectoire politique compliquée), alors que la mémoire de la Shoah (celle de ma mère) n’a jamais eu une existence frontale. Cette prépondérance de la mémoire des exactions communistes, transmise en famille, est d’ailleurs celle de l’ensemble de la société roumaine. C’est ce partage du poids mémoriel que l’écriture du livre m’a permis de faire bouger, avec un nouvel équilibre qui n’est pas sans incidence sur mon rapport à la Roumanie actuelle. Les événements politiques des derniers mois en Roumanie, avec la montée d’une extrême droite décomplexée, m’apparaissent sous cet éclairage.

EG : Que vous évoque le nom Transnistrie aujourd’hui ?

MC : Je ne sais rien de plus de la Transnistrie actuelle que ce que les médias en disent, en France ou parfois sur le site de Radio Europa Liberă Moldova. Ce territoire séparatiste de la Moldavie, dont l’indépendance n’est reconnue par personne, n’est pas géographiquement identique à la Transnistrie de la Seconde Guerre : celle-ci se prolongeait, à l’est du Dniestr, vers le sud jusqu’à la mer Noire, jusqu’à Odessa qui en était alors la capitale. Mais il est intéressant d’observer que ce lieu reste un montage géopolitique, un territoire menacé et menaçant, en tension et sous emprise, militairement sous domination russe, tiraillé entre trois langues – le russe, l’ukrainien et le roumain – et entre deux mondes, deux cultures ou sensibilités, deux histoires aussi, entre son allégeance à la Fédération de Russie et son attachement à la Moldavie pro-européenne.

EG : Une traduction en roumain de votre livre est-elle prévue ou à espérer dans un avenir proche ?

MC : Le livre est en cours de traduction en Roumanie, aux éditions Polirom, à paraître en 2025.


Propos recueillis par Elena Guritanu

Marta Caraion est professeure de littérature française à l’université de Lausanne. Née à Bucarest, elle a fui, en 1981, à l’âge de quatorze ans, la dictature de Ceausescu, pour s’exiler en Suisse. Son livre, ‘Géographie des ténèbres. Bucarest-Transnistrie-Odessa, 1941-1981′ (Fayard, 2024) retrace une trajectoire familiale juive d’Est en Ouest de l’Europe, qui commence avec le pogrom d’Odessa en 1905 et traverse le XXe siècle. À partir du témoignage d’une survivante de la Shoah roumaine – sa mère, Valentina Berman –, Marta Caraion articule plusieurs échelles d’observation historique et d’archives pour raconter l’histoire occultée de la déportation des Juifs d’Odessa en Transnistrie, ce territoire qui, le temps de la guerre, entre le Dniestr et le Bug, a servi de laboratoire d’extermination ethnique à la Roumanie de Ion Antonescu.

 

Notes

1 Entre 1941 et 1944, Matatias Carp entreprend une minutieuse collecte de témoignages du génocide de Transnistrie, rassemblés et publiés dans Le Livre noir. Faits et documents. Les souffrances des Juifs de Roumanie pendant la dictature fasciste. 1940-1944.
2 Richard Glazar, Derrière la clôture verte. Survivre à Treblinka, trad. O. Mannoni et V. Pratt, Actes Sud, [2017] 2023, p. 69 et 63.

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