Qu’on puisse être sioniste et de gauche, c’est ce qu’a décidé de rejeter par principe la gauche antisioniste contemporaine. Pourtant, cette possibilité est bien sûr attestée par tout un pan de l’histoire politique d’Israël comme par les mouvements politiques auxquels adhèrent de nombreux juifs de la diaspora. Julien Chanet interroge ici les causes et les conséquences de cette « évidence antisioniste » qui veut que « sionisme de gauche » soit un oxymore. En préférant dénigrer cette réalité que la penser, l’antisionisme vise non seulement à rendre les juifs un peu plus étrangers à la gauche, mais il se fait paradoxalement l’allié objectif du sionisme réactionnaire, obstruant tout horizon d’une issue politique au conflit israélo-palestinien.
Depuis quelques années, nous assistons à un mouvement de fond impliquant juifs et non-juifs ayant parmi ses intentions la lutte contre l’antisémitisme d’où qu’il vienne. Collectifs et revues, toutes et tous avec leurs spécificités, tentent d’enrayer le déni de l’antisémitisme, son statut de non-sujet[1], et questionnent de façon critique l’accusation « d’instrumentalisation de l’antisémitisme ». Cette émergence, qui a pris de l’ampleur depuis le 7 octobre, a conduit à enrichir la réflexion, à libérer la parole, à constituer des collectifs. Elle participe ainsi de la constitution d’une force progressiste hétérogène, qui reste néanmoins fragile au regard des plateformes (médiatiques, éditoriales, associatives…) déployées, d’une part par les forces de droites, réactionnaires, conservatrices et illibérales, et d’autre part par une gauche dite radicale, décoloniale et antisioniste. Ilan Greislammer décrit bien cet embarras d’être « jour et nuit entre le marteau et l’enclume — le marteau du sionisme de la bonne conscience, viscéral et triomphant, pour qui tout ce que fait l’État d’Israël où l’un de ses organes est nécessairement parfait, merveilleux, voire féérique ; et l’enclume de l’anti-israélisme viscéral qui tient aujourd’hui le haut du pavé dans de nombreux pays de la planète »[2].
Deux remarques sont nécessaires à la bonne compréhension de ces distinctions. Tout d’abord, la « troisième voie » émergente luttant contre l’antisémitisme inclut, sans s’y réduire, les « sionistes de gauche » que nous aborderons dans cet article. Cette expression est d’ailleurs rarement une autodéfinition de groupe, mais bien plus une assignation péjorative. Nous tenterons de comprendre pourquoi. Ensuite, il importe de préciser que certains secteurs de cette gauche dite radicale, antisioniste et décoloniale prolongent et propagent régulièrement des propos réactionnaires, conservateurs et illibéraux. Les lignes de force idéologiques sont donc bousculées au regard des labels gauche-droite, surtout lorsque les Juifs ou Israël sont évoqués. Il ne s’agit donc pas de donner un blanc-seing à « la gauche » — signifiant versatile —, mais de comprendre ce qui fonde les critiques polémiques autour du syntagme « sioniste de gauche ».
L’accusation de « sionisme de gauche » vise à entacher la crédibilité de celles et ceux qui s’inquiètent d’un antisémitisme présent à gauche, et, partant, discrédite l’objet même de leur inquiétude.
Parmi les éléments de discordance faisant le plus réagir et polémiquer, figure le rappel argumenté de l’existence d’un « antisémitisme de/à/par la gauche » (ne remplaçant pas le combat toujours d’actualité contre les discours antisémites conservateurs, illibéraux et réactionnaires). Ce qui devrait alarmer tout antiraciste conséquent conduit pourtant à un grand mouvement de réaction, fait de contre-feux et de diversions. Une certaine gauche offensée, aidée par des « Juifs innocents », allant des décoloniaux français à la France Insoumise et au-delà, loin de se reprendre, cherche à se raffermir en interne (via des productions audiovisuelles, maisons d’éditions, revues, etc.) et en externe (réseaux sociaux, livres, etc.), notamment en accentuant une guerre des tranchées. Les répliques stipulent qu’on ne peut pas être de gauche et antisémite. Un élément de langage circulant à la France Insoumise résume bien cette incapacité proclamée : « être antisémite n’est pas dans nos moyens ».
Au terme désormais bien connu « d’instrumentalisation » de l’antisémitisme est de plus en plus associée l’expression « sioniste de gauche », dans une entreprise de dévalorisation individuelle et collective. Utilisée comme un retour à l’envoyeur, ou une réponse du berger à la bergère, cette accusation de « sionisme de gauche » vise à entacher la crédibilité de celles et ceux qui s’inquiètent d’un antisémitisme présent à gauche, et, partant, discrédite l’objet même de leur inquiétude. L’expression recouvre deux cibles : les sionistes qui se disent de gauche ; et ceux qui se prétendent de gauche sans rejeter le sionisme. Étant entendu que le sionisme et la gauche sont envisagés comme des antinomies. Pire, une escroquerie intellectuelle, le tout au profit de la propagande israélienne d’extrême droite, soit par des idiots utiles, soit par des manipulateurs. L’objectif des antisionistes est de dénoncer une ruse des « sionistes » leur permettant d’avancer couverts et de propager en toute bonne conscience un discours raciste (islamophobe, anti-palestinien), voire antisémite. Bref, il n’y aurait de gauche qu’antisioniste. Dans les faits, le « sionisme de gauche » à Paris, Londres ou Bruxelles, apparait donc comme un syntagme permettant de rassembler les « guerriers de la délégitimation d’Israël » contre les « pacifistes béats » (Eyal Sivan)[3]. Pour notre part, nous faisons le choix des « Guerrières de la Paix »[4]. À vrai dire, le débat n’est pas neuf, et concerne, pour le dire avec les mots d’Ilan Greilsammer, « des intellectuels qui soutiennent l’existence et la sécurité de l’État d’Israël, tout en étant continuellement très mal à l’aise à l’égard des actions et des politiques de cet État. En d’autres termes, ceux qu’on a coutume de qualifier de « sionistes de gauche », de « colombes », de « Camp de la paix » »[5].
La culpabilité du sionisme ?
Évacuons cette question avant d’avancer, bien qu’elle fasse l’objet de bibliothèques entières. Le sionisme historique réouvre les possibilités d’une singularité juive retrouvant le chemin de l’universel par la possibilité offerte au peuple juif de s’extraire des « situations » historiques exogènes (injustices, pogromes, génocide…). C’est en appréciant les conditions historiques de la survie afin de sortir d’une « une existence honteuse » (Pinsker) que le sionisme émerge d’abord comme idée puis comme proposition politique, au côté des aspirations révolutionnaires à l’est ou intégrationnistes à l’ouest. L’optimisme de Herzl, sa vision idéalisée et irénique — qui fait écho au colonialisme de la fin du XIXe siècle —, a eu à se confronter aux dures réalités des oppositions externes et internes au judaïsme, qu’elles soient conservatrices, progressistes, socialistes, anarchistes ou fédéralistes (le mouvement des kibboutz), processus qui composera la galaxie des sionismes : « l’évolution a confirmé la victoire de la rationalité sur l’exaltation romantique, d’une vision progressive sur une soif d’absolu, de la maturité sur la puérilité caractéristique de l’esprit des mouvements de jeunesse qui cédaient bientôt la place aux organisations politiques »[6].

Partant, le procès du « sionisme », construit comme une libération nationale particulière — et souffrant de pathologies similaires à d’autres cas de libérations[7] — ne saurait s’instruire sans prendre en compte les lignes de force traversant moins « le sionisme » que celles et ceux qui habitent sa réalisation. Les libérationnistes, comme les appellent Walzer, et les populations les rejoignant, rouvrent un champ des possibles, et c’est dans cet espace que se reproduit la politique : la reprise en main d’un destin collectif autant que les conflits internes lié à la manière de conduire cette destinée. L’« existence étatique autonome » auquel ils sont parvenus ne peut donc être conçue comme la victoire de la totalité sur le divers, l’histoire du sionisme étant là pour nous convaincre du vivier intellectuel qu’il représente[8] — même si la politique de ces dernières années a fortement fragilisé cet édifice, nous y reviendrons. Un « sionisme de gauche » est, dès lors, une option politique qui indique une direction, une philosophie : il s’agit d’une tradition politique qui s’inscrit d’abord au sein de cette libération nationale. Le « sionisme de gauche » n’a donc de réelle pertinence qu’appliqué au paysage politique israélien, et permet de qualifier par exemple le parti Meretz, voire le Parti travailliste, ces partis se différenciant autour de lignes de clivage politique spécifiques des partis de gauche antisionistes ou asionistes israéliens, souvent d’obédience communiste (tel que Matzpen). La continuation « post-sioniste » (après la constitution de l’État d’Israël) du « sionisme de gauche », au sens où l’État existe mais sous une forme insatisfaisante pour lui-même et ses voisins (Palestiniens, Libanais, Syriens), est une indication sur le caractère pluriel et protéiforme du sionisme, qui cultive des clivages en son sein. On comprend que, rapportée en Europe de l’Ouest, cette expression nécessite une analyse spécifique.
L’antisionisme comme convention
Néanmoins, la première difficulté que l’on rencontre lorsque l’on se penche sur ce sujet n’est pas tant celui des définitions des termes utilisés par les uns et les autres que le caractère irréfragable du lien entre l’antisionisme et les formes contemporaines de la gauche « radicale ». Autrement dit, il faut prendre la mesure du caractère d’évidence que prend la notion d’antisionisme dans le sens commun de cette gauche. Certes, c’est bien le flou entourant la définition des termes qui participe à son caractère consensuel, mais également la routinisation des habitus qui permet que soit sanctuarisée l’évidence. En se coalisant non comme source de réflexion, mais comme un impensé, l’antisionisme devient une convention. Et c’est seulement ensuite que la définition va être donnée, en s’appuyant sur des éléments de justification : le sionisme est un racisme, un suprémacisme, etc. Ainsi peuvent être rendus indistincts, pour la gauche radicale, l’antisionisme juif pré-État d’Israël, le diasporisme, le socialisme juif, mais aussi toute passion anti-israélienne sans rapport avec le Proche-Orient. Ainsi peut-on réduire l’opposition entre le camp de la réaction et l’avant-garde progressiste à un conflit entre pro-sionistes et anti-sionistes, ce qui, dans certains cas, autorise une coalition de circonstance entre gauche radicale et franges islamo-conservatrices.
En se coalisant non comme source de réflexion, mais comme un impensé, l’antisionisme devient une convention. Et c’est seulement ensuite que la définition va être donnée, en s’appuyant sur des éléments de justification : le sionisme est un racisme, un suprémacisme, etc.
Lorsque l’on se penche sur les itérations du discours antisioniste, on remarque que le flou conceptuel qui l’entoure se répercute sur tous les sujets d’actualité, et recompose les priorités politiques : la lutte des classes — pour prendre une catégorie qui fut totalisante — se voit surclassée par l’enjeu du sionisme, d’Israël et de la Palestine ; et il en va de même pour l’écologie politique, la guerre menée par la Russie en Ukraine, ainsi que pour le militantisme anti-carcéral ou les luttes LGBT. Et si certaines ficelles « antisionistes » sont grosses — le slogan « la preuve par la Palestine » symbolisant une forme obsessionnelle — et sans lien avec une critique des actions des gouvernements israéliens, un public y trouve son compte. Ces discours constituent des espaces de politisation pour de nombreuses personnes, jeunes et moins jeunes, de toutes classes sociales. Cette dynamique rappelle l’engouement auprès de Dieudonné, mais dans une dimension plus directement politique, et donc, en un sens, en recherche d’une respectabilité plus grande. Celui-ci « ne drainait pas seulement un public venu des milieux en difficulté » rappelait le syndicaliste et historien Robert Hirsch, « mais aussi des cadres, sans doute séduits par le côté irrévérencieux du personnage et sa manière de s’attaquer à des sujets tabous comme le génocide des Juifs »[9]. Si la recherche d’espaces « antisystèmes » par une partie de la petite bureaucratie universitaire, associative ou du tertiaire reste d’actualité, elle s’est toujours doublée d’une recherche de légitimité. C’est ce qui explique par exemple le cherry-picking dans le droit international pour justifier « la résistance armée » face à l’oppression ; et, plus globalement, la tendance à accréditer tout ce qui confirme leur biais (qui ne leur est pas propre, mais est au contraire très partagée dans tous les milieux militants). L’antisionisme contemporain forme donc un espace de lutte composite, qui oscille entre citations de commentateurs et d’éditorialistes d’une chaine Twitch (telle que Paroles d’Honneur) ou de chroniqueurs d’émissions YouTube à la qualité très inégale, et citations choisies d’universitaires (ou d’universitaires choisis), le tout sans distance critique ou discernement. Les différentes caisses de résonance que sont les espaces culturels et médiatiques perpétuent « l’évidence antisioniste » et légitiment les thèses qui y sont associées, même lorsqu’elles propagent un antisionisme franchement antisémite.
La lutte politique qu’incarne la « troisième voie » naissante, combattant l’antisémitisme d’où qu’il vienne, doit nous guider, tant dans son approche frontalement politique que pédagogique. Comme l’expliquent Jonas Pardo et Samuel Delor[10], il faut faire la distinction entre les « producteurs » d’antisémitisme (les « leaders d’opinion »), et les « reproducteurs » (ici, ce que nous avons nommé les « caisses de résonance »). Il en va de même pour l’analyse de l’antisionisme, qui se superpose peu ou prou à ces espaces, mais qui les déborde également.
URSS, ONU, Durban : le sionisme est un racisme
On comprend que le sionisme est moins contesté pour ce qu’il est (une doctrine politique aux multiples déclinaisons) que comme surface de projection où se réfracte la vertu militante de ses adversaires acharnés[11].
Cela n’est nulle part plus perceptible que dans cette branche de l’antisionisme contemporain qui, en lien avec l’anti-impérialisme ou l’anticapitalisme tronqué, repose en grande partie sur l’équivalence entre racisme et sionisme. Cette mise en équivalence trouve son point d’orgue au niveau des institutions internationales dans la résolution 3379 votée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1975. Cette résolution, qui fut précédée par des nombreuses conférences internationales sur le sujet et soutenue à coup d’amendements tous plus radicaux les uns que les autres par l’URSS, « considère que le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ». Qu’en penser ? Avant tout que, dans les instances internationales, le conflit israélo-palestinien est avant tout traité et instrumentalisé au profit d’enjeux géopolitiques internes et entre pays. La parenthèse sioniste-léniniste ouverte en 1947 et refermée en 1949 par l’URSS visait à attiser les contradictions du camp impérialiste-capitaliste pour reprendre pied dans la région — depuis 1914, à la suite de la rupture des relations diplomatiques entre la Russie et l’Empire ottoman, Moscou ne possédait aucune présence officielle en Palestine depuis 1914 —, et diviser les puissances impérialistes, en visant principalement la Grande-Bretagne[12]. Cette stratégie ayant échoué — Israël faisant des choix autonomes ne convenant pas à la ligne du Kremlin—, la Russie stalinienne et post-stalinienne se mit à la recherche d’une légitimité idéologique quant à leurs « campagnes antisionistes »[13], légitimité qu’ils ne trouvaient pas dans les textes classiques du marxisme ou chez Lénine[14]. Cette rationalisation idéologique fut trouvée dans l’équivalence « sionisme = racisme ». La résolution 3379 fera l’objet de nombreuses critiques, et d’une révision par l’Assemblée générale en 1991, mais la graine était trop profondément plantée.
Une autre date clé dans le succès de la perpétuation de la doctrine soviétique en matière d’antisionisme est 2001, avec la Conférence mondiale contre le racisme organisée par les Nations Unies à Durban, en Afrique du Sud. Elle remettait au goût du jour l’équivalence entre sionisme et racisme, et installa le lien entre État d’Israël et régime d’apartheid. Pour David Hirsh, sociologue anglais et analyste infatigable de l’antisémitisme de gauche, à Durban « les parties de la gauche qui étaient particulièrement vulnérables à l’antisionisme avaient des points communs et des points de contact significatifs avec les groupes qui se définissaient par [des] interprétations de l’islam au vingtième siècle »[15] — interprétations politiques radicales de textes et symboles de l’islam. Mais la convergence est articulée par la perspective soviétique sur l’antisionisme, régulièrement appuyée par des pseudo-exégèses des textes juifs — en réalité, un antijudaïsme grossier masquant mal un antisémitisme fondamental. Hirsh rappelle ainsi la perpétuation de l’antienne concernant le « Peuple élu », en citant un article de 1975 publié en URSS : « l’agression israélienne qui maintient tout le Moyen-Orient et le monde entier dans un état de tension, est depuis des années ‘’étayée’’ par l’idéologie sioniste. Le sionisme a poussé à l’extrême l’affirmation du judaïsme selon laquelle le peuple juif “est choisi par Dieu”, “exclusif”, et supérieur aux autres peuples ». Autrement dit, « l’antisionisme positionne ici tout ce qui est mauvais dans le monde comme étant causé par le sionisme et le mal du sionisme comme le résultat direct du mal essentiel du judaïsme […]. L’antisionisme de Durban est une vision du monde qui fait d’Israël la clé de voûte d’un système d’oppression mondial, interconnecté et cohérent »[16]. Comme il se doit, dans ce genre de lieu, la diplomatie a conduit à fortement édulcorer et adoucir le texte final ; c’est pourquoi les commentateurs, telle Joëlle Fiss dans son Durban Diaries, se penchent bien plus sur les à-côtés de la Conférence, tandis que Hirsh et Miller prennent Durban comme objet qui « [ne nous] dit rien sur les Juifs ou sur Israël, mais beaucoup sur la société particulière dans laquelle les gens ramassent de vieux morceaux d’antisémitisme mis au rebut et les utilisent pour construire leur propre façon de traiter ce qu’ils trouvent insupportable. L’antisémitisme tout comme l’antisionisme ne sont pas seulement des effets de la « société », ce sont des idéologies que des êtres humains spécifiques construisent et utilisent à leur propre fin »[17].
Être Israélien (ou sioniste) en France, ferait donc de vous une cible mouvante. Et quand on devient une cible, on se cache, on se tait, on se fait discret, petit, et on abandonne sa puissance politique. Pour retrouver pleinement son innocence, il faut retourner dans la galout, et lutter contre le droit d’Israël à exister.
Malgré le travail accompli et la connaissance produite, prendre à bras le corps la lutte contre l’antisémitisme d’où qu’il vienne signifie bousculer la gauche sur le sujet de l’antisionisme comme vision du monde, ce qui reste une entreprise particulièrement complexe, et nécessite d’apaiser et de dépasser certaines tensions. En effet, très souvent mise sous le tapis pour ne pas fracturer la lutte contre l’antisémitisme, la question du sionisme est laissée à la droite et aux antisionistes, avec comme conséquence de réduire le champ de notre critique aux seules expressions antisémites de l’antisionisme (lorsque ce dernier est explicitement un prétexte à l’antisémitisme). Il ne s’agit pas pour autant d’être dans une posture d’apologie aveugle du sionisme — qui doit pouvoir être critiqué, comme on doit respecter la liberté individuelle d’y adhérer ou non —, mais d’éviter que la seule clé de voute de la critique consiste à « autoriser l’anti-antisémitisme à exprimer son rejet d’un judaïsme qui intégrait le sionisme »[18].

Les « sionistes de gauche » ou plus généralement les commentateurs politiques se retrouvent ainsi souvent dans la situation de mobiliser l’histoire, par exemple la politique stalinienne des nationalités en URSS, pour expliquer que l’usage du terme « sioniste »[19] vient recouvrir celui de « Juif ». Mais ce faisant, la discrimination à l’égard des « sionistes » est laissée de côté. C’est ainsi que de nombreuses occurrences — parfois inconscientes — dénotent une légitimité à porter secours aux Juifs, tout en justifiant le fait de s’en prendre aux « sionistes ». Exemple dans un podcast où est évoqué le passage à tabac d’un vieil homme juif, « au nom de la Palestine ». Le présentateur prend la parole pour dire : « c’est antisémite, parce qu’il a été identifié en tant que juif et pas forcément en tant que sioniste, ou en tant que… ». De façon répétée, on remarque que la France Insoumise s’échine à ne pas confondre sioniste et Juif — ce qui est une position consensuelle. Mais pour quelle raison ? La députée Ersilia Soudais vend la mèche : « On ne remercie pas celles et ceux qui contribuent à amalgamer ‘Juifs’ et ‘Israéliens’, contribuant à placer une cible dans le dos de nos concitoyens juifs » (X, 9 aout 2024). Être Israélien (ou sioniste) en France, ferait donc de vous une cible mouvante. Et quand on devient une cible, on se cache, on se tait, on se fait discret, petit, et on abandonne sa puissance politique. Pour retrouver pleinement son innocence, il faut retourner dans la galout, et lutter contre le droit d’Israël à exister.
La question du sionisme est laissée à la droite et aux antisionistes, avec comme conséquence de réduire le champ de notre critique aux seules expressions antisémites de l’antisionisme.
Est-ce que nous voulons vivre dans un monde qui justifie la chasse aux sionistes ? Il ne suffit pas de rappeler que les liens d’intersection entre sionisme et judéité sont évidents (sans que l’on puisse toutefois réduire l’une à l’autre). Il faut affirmer que cette légitimation de la violence physique (même pour la déplorer) est une option politique illibérale au dernier degré et renvoie, par exemple, à la traque néoconservatrice anticommuniste menée durant la guerre froide, alors même que le stalinisme et le communisme d’État étaient absolument détestables. Cette traque réactionnaire n’avait pas empêché une partie de la gauche révolutionnaire de faire exister la lutte contre le stalinisme en maintenant le cap de l’émancipation. Pourquoi serait-il donc impensable qu’un sionisme de gauche, à défaut d’être soutenu dans son travail de critique interne du sionisme quand il s’oriente vers la droite, l’extrême droite et le fascisme, soit au moins laissé tranquille ?
Si ce n’est pas le cas, c’est dans la mesure où le sionisme de gauche représente une issue, et donc un espoir moral et existentiel pour Israël. Contrairement au sionisme de Netanyahou qui, parce qu’il est effectivement catastrophique, semble venir valider la conviction profonde de l’antisionisme (le caractère intrinsèquement génocidaire de l’État d’Israël et du sionisme), le « sionisme de gauche » vient jouer les trouble-fête.
Le sionisme de gauche comme cheval de Troie
Pour donner une consistance à nos propos, ouvrons un livre publié aux Éditions de la Découverte, L’échec d’une utopie. L’histoire des gauches en Israël (2021) de Thomas Vescovi, un auteur engagé, et récemment doctorant en sciences politiques sur ces questions, apparemment soucieux de livrer un récit historique rigoureux. Nous renvoyons aux recensions de son livre pour avoir une vue globale, tandis que nous nous arrêterons essentiellement sur un paragraphe épatant de concision, situé dans l’introduction, dans lequel il expose sa vision du sionisme comme intrinsèquement juif, et où il oppose condition sociale et condition d’appartenance. Écoutons cette étonnante ode à un universalisme assimilationniste adossé à un réductionnisme de classe de la part d’un sympathisant de la gauche décoloniale :
« Les perspectives nationalistes, a fortiori ethno-religieuses dans le « Les perspectives nationalistes, a fortiori ethno-religieuses dans le cas du sionisme, sont assimilées à une rupture avec la lutte des classes censée unir les individus par leur condition sociale et non leur communauté. […] Être de gauche peut renvoyer à une démarche universaliste, à savoir défendre des principes tels que la justice sociale pour tous ou l’accès des peuples à l’égalité et à la liberté. Le sionisme semble être en contradiction avec ces idéaux, car il n’entend défendre que les juifs. »
À bien lire l’énoncé, l’ambition du propos de Vescovi repose sur une vision erronée du sionisme réalisé, qui ne fut pas exclusivement « ethno-religieux », mais essentiellement laïque tout en faisant un compromis pragmatique visant à constituer un foyer pour des populations très hétérogènes. La question de l’État ne venant, elle, qu’à la toute fin du processus[20]. De fait, loin de se réduire à une mystique ethno-religieuse et messianique, le sionisme réalisé peut-être vu non comme la clôture de l’exil, mais comme sa mise à jour moderne et paradoxale, via l’État-nation, dans une sorte d’exil statique[21]. Pire, Vescovi envisage le sionisme comme étant un particularisme ethno-religieux fermé, donc un cadre de pensée ontologiquement incompatible avec une définition de la gauche produite opportunément par Vescovi. Dès lors, « la gauche israélienne doit choisir : le sionisme ou la gauche »[22] explique-t-il. C’est ce que résumera quelque temps plus tard Maxime Benatouil (membre de Tsedek!), parlant de quelques organisations péjorativement qualifiées de « sioniste de gauche » : « Au fond, avant d’être de gauche, ils sont sionistes »[23].
Pour Vescovi & co, il ne peut y avoir de « sionisme de gauche », tout juste est-il disposé à admettre qu’il existe des sionistes qui se disent de gauche (« certains ont pu y croire ») ; et des personnes de gauche qui se disent sionistes (ce qui serait une contradiction dans les termes).
Pour soutenir cela, il faut adopter une conception réductrice du sionisme comme essentiellement réactionnaire, dont le chercheur en relations internationales franco-libanais Gilbert Achcar se fait le tenant dans un article du Monde Diplomatique : « Tandis que la plupart des idéologies nationales qui émergèrent en Europe durant la première moitié du XIXe siècle ou dans les pays colonisés au siècle suivant relèvent d’une pensée émancipatrice et démocratique, l’idéologie sioniste moderne s’apparente plutôt au nationalisme fanatique et colonialiste qui avait le vent en poupe à l’époque de sa naissance. […] Certes, le sionisme étatique s’est indéniablement formé en réaction à l’oppression des Juifs : Herzl lui-même explique dans la préface de son ouvrage que ‘’la détresse des Juifs ‘’est la ‘’force motrice’’ du mouvement qu’il souhaite créer. Il est tout aussi indéniable, cependant, que le sionisme tel qu’il le théorisa est une idéologie fondée sur une logique essentiellement réactionnaire et colonialiste »[24].

Dès lors que cette conception devient mainstream, celle qui correspond au sionisme de gauche, et permet la critique interne des tendances réactionnaires du sionisme, est vouée à devenir minoritaire dans l’espace « progressiste ». Le journaliste franco-israélien Charles Enderlin, lui aussi collaborateur régulier du Monde Diplomatique, rappelle sur quoi repose cette conception centrée sur l’ambition laïque et démocratique du sionisme historique : « Moi je me considère comme sioniste dans la mesure où il doit exister un État juif en paix avec ses voisins, où selon la définition d’un certain Theodor Herzl « les généraux resteront dans leurs casernes, et les rabbins dans leurs synagogues ». Le problème aujourd’hui, c’est que les deux ont les a en dehors de casernes et des synagogues. Je rêve, un jour, qu’il y ait un véritable État de ce genre, tel qu’il est défini par le fondateur du sionisme politique ! Faut lire ! Faut lire le livre de Theodor Herzl où il critique le messianisme, où il y a une élection — et le rabbin extrémiste perd l’élection. Un pays où le président est juif, le vice-président arabe, s’entend, et où l’on fait des choses ensemble, oui »[25].
Entre ces deux conceptions, Vescovi, comme toute la mouvance antisioniste dénonçant l’épouvantail « sioniste de gauche », aura fait son choix. Se mettant dans les pas d’Achcar mais également d’Enzo Traverso[26], pour qui « Israël est devenu un avant-poste de l’Occident au sein du monde arabe », il précise que l’objectif du sionisme ne fut pas seulement une réalisation nationaliste, mais vise dès le début à « s’ancrer dans le camp capitaliste, occidental, démocrate, américain »[27], et l’on perçoit sous sa plume que, tenant cela pour vrai, le sionisme est ontologiquement vicié. Le « camp démocrate » appréciera. Dans un texte récent, il enfonce le clou : le sionisme est « un mouvement colonial et ethnique, donc raciste et ethniciste »[28]. Par conséquent, pour Vescovi & co, il ne peut y avoir de « sionisme de gauche », tout juste est-il disposé à admettre qu’il existe des sionistes qui se disent de gauche (« certains ont pu y croire ») ; et des personnes de gauche qui se disent sionistes (ce qui serait une contradiction dans les termes).
C’est là que se trouve l’astuce « pile je gagne, face tu perds » : si son livre commence par critiquer le caractère ethno-religieux du sionisme qui ne défend « que les Juifs », et par faire l’apologie de l’universalisme de gauche, Vescovi reprend finalement bien vite le narratif antisioniste des plus classique : « Israël, avant-poste de l’Occident au sein du monde arabe ». Là se situe le nœud : le sionisme a privilégié l’identité juive, il faut donc séparer le Juif du sioniste pour le libérer de son écorce oppressive, impériale, démocrate, capitaliste, « occidentale ». On connait la chanson.
C’est l’existence et le maintien de l’État d’Israël qui pose problème aux contempteurs antisionistes du « sionisme de gauche », et pas tant la manière de conduire cet État.
En réduisant la question sioniste à, d’une part, une question identitaire qui aurait négligé les questions sociales, et de l’autre, à un véhicule « capitaliste, occidental, démocrate, américain », « ethnique et colonial », Thomas Vescovi, et tant d’autres, pensent se faire les continuateurs de Zeev Sternell, « nouvel historien » israélien, dont les écrits mettent en exergue les angles morts du roman national israélien, y compris du côté progressiste. Pour cet historien respecté et discuté, l’étatisation a primé sur la construction du socialisme[29]. Si cette édification socialiste de l’État était l’objectif du parti au pouvoir, au moins idéologiquement, le Mapai de Ben Gourion — d’orientation ouvrière — dut adopter un point de vue pragmatique et revoir sa copie au profit de la consolidation nationale (les institutions bourgeoises étant alliées à la forme étatique de la nation). Pour Sternhell, « la priorité donnée à la nation a permis à Israël, à quatre reprises au moins, de triompher de ses voisins qui niaient jusqu’à son droit à l’existence, mais le prix social en a été très élevé ». Peut-être devrait-on inverser la proposition : « La priorité donnée à la nation résulte du fait qu’Israël fut à quatre reprises au moins menacé par ses voisins qui niaient jusqu’à son droit à l’existence. Le prix social en a été très élevé »[30]. Quoi qu’il en soit, si le Parti travailliste n’a pas instauré le socialisme ni la paix avec les Palestiniens, il a relevé le défi non seulement de constituer un État, mais de le maintenir. C’est, au fond, ce qui pose problème aux contempteurs antisionistes du « sionisme de gauche », et pas tant la manière de conduire cet État.

S’il était un critique virulent des orientations politiques prises par Israël, faisant du sionisme un objet d’histoire autant qu’un objet de polémiques, Sternhell n’en était pas moins attaché à la survivance de l’État. Dans un entretien donné en 1998, il exprime ses doutes, ses colères, mais aussi ses convictions, ancrées à gauche : « Je n’ai jamais eu de doute sur la légitimité du sionisme. Je crois que le sionisme est fondamentalement juste, justifié et légitimé par cette nécessité existentielle où se trouvaient les Juifs de trouver un coin de terre pour eux. Mais cette vision marque aussi les limites du sionisme. Ce qui veut dire que, à partir du moment où l’objectif a été atteint, du moment où un État où les Juifs sont chez eux a été constitué, c’est là qu’on met un point final au processus de conquête. […] Le sionisme est un nationalisme et il souffre, comme tous les nationalismes, de toutes les faiblesses du nationalisme ». Ajoutons, pour rejoindre Vescovi, que pour Sternhell, « le nationalisme […] n’est guère propice, généralement, aux valeurs universelles ». Mais tout est affaire de nuances, et Sternhell le sait : « En ce qui me concerne, je refuse d’abolir la loi du Retour, en tout cas dans le présent. Je me refuse à liquider ce qui reste la raison d’être première d’Israël, c’est-à-dire de permettre aux Juifs de venir quand ils veulent […] Mais aussi longtemps que la loi du Retour existe, il faut créer autour d’elle un corpus législatif qui assure des droits égaux à tous ceux qui ne sont pas juifs […] [31]». Combattre le « sionisme de gauche », c’est combattre de telles visions et perspectives, résultat d’une pensée riche et complexe.
L’antisionisme de l’extrême droite israélienne
C’est ainsi qu’avant le 7 octobre, l’illibéralisme forcené de Netanyahu reculait sur tous les acquis du sionisme. Il s’est depuis enfoncé dans une guerre de destruction qui, loin de rétablir la sécurité nécessaire à la recherche d’une stabilité régionale, mène Gaza au bord de l’annihilation, et ouvre la Palestine à un niveau jamais atteint de dépeçage et à la perspective d’une annexion totale, tout en plongeant Israël dans un gouffre existentiel. Le sionisme de gauche, qui devrait être revitalisé afin d’affronter ce rouleau compresseur réactionnaire et fascisant, est donc brocardé par les « militants de gauche radicale » à Paris, Londres ou Bruxelles alors qu’ils devraient, sur le papier du moins, manifester leur attachement universel à « la justice sociale pour tous, l’accès des peuples à l’égalité et à la liberté ». Mais cette minorité de « sionistes de gauche » se voit contestée sur tous les plans : à la fois sur son contenu et, dans un paradoxe évident, sur sa capacité à faire bouger les lignes politiques dans un rapport de force. Dans un cas on la dénigre pour ce qu’elle est, dans l’autre, on valide son ancrage à gauche, mais on l’écarte pour sa faiblesse. Comme l’exprime Michel Warschawski, militant antisioniste (et auteur de la préface du livre de Thomas Vescovi) : « Considérons cet état de fait : la société juive israélienne pacifique et progressiste ne compte plus qu’une minorité de citoyens »[32]. Il n’y a donc rien à sauver. Mais, dans un paradoxe apparent, c’est pourtant vers cette minorité que se tournent les attaques des antisionistes européens — eux-même minorité politique, en diaspora comme en Israël. Fermez le ban.
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Il est temps de conclure. Quel constat porte cette « gauche radicale antisioniste et décoloniale » sur la gauche israélienne, au sens large ? Il est simple : le « sionisme de gauche » est en contradiction avec les valeurs de gauche, le sionisme étant soit une identité ethnico-raciale ne s’étant pas ouverte à l’universel, soit un irrémissible héritier de la colonisation et de l’impérialisme, en contradiction frontale avec l’universalisme intrinsèque de la gauche. Les minorités progressistes sont inconséquentes du fait de leur attachement au sionisme, car c’est la majorité réactionnaire qui donne le ton. Dès lors, quand le sionisme de gauche combat l’extrême droite, l’antisionisme rejoint cette dernière pour déconsidérer la minorité des sionistes de gauche.
Le sionisme de gauche représente une issue, et donc un espoir moral et existentiel pour Israël.
En effet, Vescovi se croit autorisé à cibler la minorité progressiste dans la mesure où, « du Parti travailliste aux communistes israéliens, en passant par ces cercles militants qui plaident pour une société d’égalité et de justice, ainsi que les ONG qui défendent les droits et la liberté des Palestiniens […] [les organes de la gauche israélienne] sont les héritiers d’une histoire qui remonte à l’implantation du mouvement sioniste en Palestine »[33]. Autrement dit, les minorités de gauche, même communistes, sont avant tout le produit du sionisme. Étant aveugle à la complexité historique et aux clivages politiques, sous sa plume, et dans ses interventions, le sionisme devient une identité politique totalisante, source généalogique qui entache tout ce qui a pu naître en Israël. Les minorités progressistes sont donc suspectes, et, pour tout dire, viciées.
Et pas seulement les minorités progressistes, en réalité. Dans un texte à charge écrit en 2017 contre le réalisateur israélien Amos Gitaï, qualifié de sioniste de gauche — ce qui tient la route d’un point de vue israélien —, Vescovi interprète les tentatives de dialogue comme des ruses visant à légitimer la persévérance juive d’Israël, une persévérance qui dérange d’autant plus qu’elle repose « sur le retour des Juifs en politique » (Karsenti) : « à plusieurs reprises, Amos Gitaï échange avec des acteurs de la société juive israélienne et leurs discours éloquents plaident pour l’avènement d’un État palestinien. Dans quel but ? Le réalisateur a beau être de gauche, il n’en est pas moins sioniste : l’objectif recherché est et demeure la défense d’une société basée sur le privilège juif »[34]. Plaider pour l’avènement d’un État palestinien conduit à se voir reprocher une défense d’un État pour les Juifs dénaturé en un sinistre « privilège juif ». On comprend mieux les craintes éprouvées lorsque l’idée d’un État commun « de la mer au Jourdain » est portée par les militants antisionistes, tant il est au plus loin d’une défense de l’égaliberté (Balibar) nécessaire à la concitoyenneté israélo-palestinienne. C’est qu’ils sont bien plus antisionistes que pro-palestiniens. Contre l’avis de tous ces tristes sires mettant leur énergie à lutter contre la normalisation de l’existence d’Israël, continuons à rejoindre et soutenir les mouvements progressistes en Israël, en Palestine, et israélo-palestiniens.
Julien Chanet
Julien Chanet est travailleur associatif à Bruxelles. Il est diplômé de Science politique. Chercheur indépendant, il réfléchit aux théories politiques et aux tensions qui anime les gauches, notamment l’antisionisme et l’antisémitisme.
Notes
1 | Brenni, C., Krickeberg, M.,Nicolas-Teboul, L. et Zoubir, Z. (2019) . « Le non-sujet de l’antisémitisme à gauche ». Vacarme, N° 86(1), 36-46. |
2 | Ilan Greilsammer, « Un phénomène intéressant : les amis de “La Paix maintenant” », Dans Denis Charbit, Les Intellectuels français et Israël (p.225-235). Éditions de l’Éclat, 2009. |
3 | Pour le boycott universitaire et culturel d’Israël, Conférence d’Eyal Sivan, 28 novembre 2024. |
4 | Les Guerrières de la Paix est un mouvement de femmes pour la Paix, la Justice et l’Egalité, notamment dans le conflit entre Israël et la Palestine. Créé en France en 2022 par Hanna Assouline, le mouvement réunit des femmes de toutes sensibilités, cultures, croyances et origines. La reconnaissance de l’autre à la fois dans son identité et dans son altérité constitue la condition du dialogue véritable et de la sororité, ciments de ses combats. |
5 | Ilan Greilsammer, op.cit. |
6 | Denis Charbit, Retour à Altneuland. La traversée des utopies sionistes, Editions de l’Eclat, 2018, p.142. |
7 | Michael Walzer, Le paradoxe des libérations nationales, PUF, 2024. |
8 | Voir, entre autres et d’un point du vue sioniste, Georges Bensoussan, Une histoire intellectuelle et politique du sionisme, 1860-1940, Fayard, 2002 ; Denis Charbit, Sionismes, textes fondamentaux, Albin Miche, 1998 ; Walter Laqueur, Histoire du sionisme I & II, Gallimard, 1973. |
9 | Robert Hirsch, Sont-ils toujours des Juifs Allemands ?, L’arbre bleu éditions, 2017, p.197. |
10 | onas Pardo, Samuel Delor, Petit manuel de lutte contre l’antisémitisme, Edition du Commun, 2024. |
11 | Voir Danny Trom, La promesse et l’obstacle. La gauche radicale et le problème juif, Cerf, 2007. |
12 | Cette parenthèse est une « anomalie », comme le rappelle Laurent Rucker : « jusqu’en 1947, le sionisme n’est pas assimilé à un mouvement de libération nationale, mais à une idéologie colonisatrice, raciste, et réactionnaire ». Laurent Rucker, Staline, Israël et les Juifs, Presse Universitaire de France, 2001 |
13 | Voir Assia Kovriguina et Lisa Vapné, « Les formes d’hostilités antijuives de l’État soviétique à l’époque stalinienne : quelques jalons », Revue Alarmer, 12 décembre 2020. |
14 | William Korey, “Les racines de l’antisémitisme et son développement en Union soviétique”, 1972/ PHDN 2022. |
15 | David Hirsh et Hilary Miller , Durban Antizionism: Its Sources, Its Impact, and Its Relation to Older Anti-Jewish Ideologies, Journal of Contemporary Antisemitism, 2022 – traduction Revue K David Hirsh et Hilary Miller https://k-larevue.com/genealogie-de-la-critique-disrael-comme-etat-dapartheid-lantisionisme-de-durban-2001-1ere-partie/ |
16 | Hirsh & Miller, art.cit. |
17 | Joëlle Fiss, The Durban Diaries: What Really Happened at the UN Conference Against Racism in Durban (2001), New York: American Jewish Committee; Brussels: European Union of Jewish Students, 2008. |
18 | Gérard Huber, Guérir de l’antisémitisme, Pour sortir de la condition post-nazie, Le Serpent à plume, 2005, p.322. |
19 | Dans une réflexion sur la signification historique de l’antisémitisme de gauche, Joseph Gabel exprime cette idée non par le prisme du judaïsme, mais sur le fait nationalitaire du sionisme et le caractère suspect de sa discrimination particulière : « Le seul critère valable de diagnostic différentiel de l’antisémitisme est la discrimination. Un mouvement internationaliste prévoyant à terme la disparition de toutes les particularités nationales (sans excepter naturellement celles des Juifs) serait sans doute lourdement utopiste dans son inspiration ; on ne saurait raisonnablement le taxer d’antisémitisme. Un mouvement qui admet qu’un Polonais ou un Slovaque puisse être socialiste sans pour autant cesser d’être Polonais ou Slovaque mais qui exige des seuls Juifs un reniement de leurs racines pour le prix d’admission dans la famille socialiste, pratique indiscutablement une forme de discrimination culturelle. Le même raisonnement se vérifie d’ailleurs concernant le débat antisionisme-antisémitisme : l’antisionisme ne saurait valablement se différencier de l’antisémitisme que dans la mesure où il condamne les ambitions nationales de toutes les minorités […], ce qui n’est généralement pas le cas. L’idéologie antisioniste rejoins ainsi volens nolens un vieux thème antisémite : celui des « peuples paria » indignes et d’ailleurs incapables d’existence étatique autonome ». Joseph Gabel, Réflexion sur l’avenir des Juifs. Racisme et aliénation, Méridiens Klincksieck, 1987, p.72-73. |
20 | Voir Danny Trom, L’État de l’exil : Les juifs, l’Europe, Israël, Paris, Presses Universitaires de France, 2023. |
21 | Danny Trom, Persévérance du fait juif. Une théorie politique de la survie, Paris, EHESS/Gallimard/Seuil, 2018. |
22 | Midinales Regards (YouTube) https://www.youtube.com/watch?v=JdRtP34fwzw&ab_channel=Regards |
23 | Maxime Benatouil, “Après le 7 octobre : comprendre le sionisme « de gauche » en situation. Réponse à Jonas Pardo”, Contretemps [En ligne], 28 novembre 2024 |
24 | Gilbert Achcar, La dualité du projet sioniste, Le Monde Diplomatique, février-mars 2018. |
25 | Jérusalem : pourquoi l’embarras des médias ?, IREMMO, 30 avril 2021. |
26 | Enzo Traverso, Les métamorphoses de l’intellectuel juif : la fin d’un cycle, Revue des Livres n°1, septembre 2011. |
27 | Thomas Vescovi : « La gauche israélienne doit choisir : le sionisme ou la gauche », Midinale Regards, 31 mars 2021. |
28 | Thomas Vescovi, “Comment le sionisme alimente les racismes”, Yaani, 7 avril 2024. |
29 | Dans son livre Aux origines d’Israël, entre nationalisme et socialisme, Fayard, 1996. |
30 | Zeev Sternhell, Aux origines d’Israël. Entre nationalisme et socialisme, Fayard, 1996. |
31 | Zeev Sternhell, Israël Autrement, entretien avec Nadine Vasseur, p. 39-41, Babel, 1998. |
32 | Michel Warschawski, militant antisioniste et auteur de la préface de l’ouvrage, a une idée concernant cette minorité et « assume abandonner « les quelques milliers de Juifs israéliens » progressistes ainsi que tout projet de transformation social et politique, pour symboliquement vouer Israël à l’éradication », en utilisant la parabole de Sodome et Gomorrhe : https://www.dai-la-revue.fr/articles/202409/la-loi-du-talion |
33 | Thomas Vescovi, op.cit. |
34 | Thomas Vescovi, “À l’ouest du Jourdain, d’Amos Gitaï : nouvelle plongée au cœur de la gauche sioniste”, Middle East Eyes, 13 octobre 2017. |