« La fin d’une illusion » : un livre de la Revue K.

À l’occasion du premier anniversaire du 7 octobre, la Revue K. publie aux Presses universitaires de France La fin d’une illusion. Israël et l’Occident après le 7 octobre, une sélection de ses textes analysant l’événement et ses suites. Nos lecteurs pourront par ailleurs y découvrir une postface inédite de Bruno Karsenti et Danny Trom : « Qui sommes-nous après le 7 octobre ? ».

 

 

La semaine prochaine, cela fera un an. Un an depuis que le Hamas a pénétré sur le territoire israélien pour y commettre carnages, viols et enlèvements. Un an depuis que la croyance dans la capacité de l’État d’Israël à garantir un refuge pour tous les juifs s’est vue sapée dans ses fondements, déstabilisant ainsi l’homéostasie du monde juif post-Shoah. Un an que la riposte militaire israélienne s’enlise dans une guerre sans horizon, l’ampleur des pertes civiles palestiniennes et l’incapacité à libérer les otages minant en profondeur les certitudes sur le sens du combat. Un an que les signifiants « juifs », « antisémitisme » et « antisionisme » sont devenus omniprésents dans le débat public, objets d’une polémique permanente qui vient travailler au corps la conscience politique et historique des démocraties occidentales. Un an, aussi, depuis que notre petite équipe d’universitaires et de journalistes composant la revue K. s’est fait rattraper par l’actualité de la problématique qu’elle s’était donnée – le destin des juifs d’Europe — et qu’elle s’est trouvée face à la tâche d’articuler une intelligence de la situation critique dans laquelle nous avons tous été happés.

Comment exprimer la nature du bouleversement que le 7 octobre a imposé au monde, juif ou non ? Deux jours après les événements, alors que la sidération et la douleur interdisaient encore l’analyse, nous nous risquions dans un éditorial à en pressentir l’extension. Après la secousse initiale, et maintenant qu’un certain recul a pu être ménagé, l’image se stabilise, les lignes de perspectives se dessinent, et les potentialités dont l’événement était déjà gros peuvent être saisies. Aujourd’hui, il nous apparaît manifeste que, le 7 octobre, s’est trouvée actée La fin d’une illusion. Et même de plusieurs.

Évidemment, c’est le propre des illusions que d’avoir la peau dure, et il ne faudrait pas croire qu’il suffit que la réalité les contredise pour qu’elles s’estompent. Même dénoncées comme telles par les lumières de la raison, les illusions ont cette étrange faculté de conserver la possibilité d’un avenir. De cela aussi, nous avons eu la preuve cette année. Car la gauche encline à l’antisionisme n’a pas su tirer les conséquences des crimes du Hamas, ni de ses propres ambiguïtés avec l’antisémitisme : tout ce qui pourrait venir ternir la cause brandie fièrement semble y avoir été soigneusement scotomisé. De même, si la débâcle que représente le 7 octobre invalide objectivement la prétention d’Israël à être une forteresse imprenable et l’idée qu’il serait possible de traiter la question palestinienne par des moyens purement sécuritaires, cela n’a pas empêché le gouvernement Netanyahou d’être obnubilé par le but de détruire le Hamas, au mépris de toute perspective de justice et de paix durable.

Démontrer sa force et sa détermination à vaincre, les dernières semaines l’ont montré sur le front libanais en réponse aux agressions incessantes du Hezbollah depuis un an, Israël en est en effet capable. Et la réfection morale d’une nation axée sur la garantie de la survie juive y a bel et bien sa condition. Mais à quel prix ? Si elle est nécessaire, elle n’est pas pour cela suffisante. Car la vraie garantie se place au-delà de la démonstration de force : dans l’idéal sioniste pleinement déployé d’une existence juive autonome et démocratique au Moyen-Orient, où l’autodétermination des peuples est respectée pour les autres comme elle l’est pour soi-même.

De fait, c’est au moment où leurs appuis dans la réalité vacillent que les illusions se font les plus tyrannique s, capables d’emporter leurs adeptes dans ces mondes éthérés inaccessibles à la réflexion et à la discussion. C’est là le danger qui menace chacun de nous dans cette période critique où les vieilles certitudes s’effritent et tombent, appelant à une remise en question, et où tout pousse pourtant à la polarisation et au repli sur soi. Identifier La fin d’une illusion, alors, ne se fait pas le cœur léger, car c’est s’attendre à en croiser bientôt les rejetons monstrueux. Et cela suppose, d’autant plus que l’illusion en question nous concerne directement, d’assumer la responsabilité d’une orientation qui le soit moins, illusoire.

Chacun des textes que contient le recueil qui paraît aujourd’hui sous le titre La fin d’une illusion témoigne de ce double mouvement, entre l’inquiétude devant l’ampleur de la crise de la conscience européenne dont le 7 octobre aura été le révélateur, et l’effort pour tenter de dégager une prise sur la situation. Nous avons choisi dans les publications de la revue celles qui témoignaient le mieux de cette tentative de penser malgré le précipice ouvert sous nos pieds, et sans s’accrocher à la première certitude venue. On y devine les hésitations et remises en question ayant marqué notre travail cette année, et qui ont permis d’aboutir au diagnostic des clivages actuels et de leurs causes que proposent Danny Trom et Bruno Karsenti dans une postface inédite. Ils nous indiquent une issue possible à la crise, une fois l’événement inscrit dans notre mémoire collective, et la possibilité d’un avenir réappropriée.


La rédaction

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