Eliad Shraga : « Ce gouvernement est un groupe de crapules sans considération pour le bien d’Israël. »

Entretien avec Eliad Shraga

Julia Christ et Elie Petit ont rencontré l’avocat et fondateur du Mouvement pour la Qualité de la Gouvernance, Eliad Shraga. Qualifié de « plus grand fauteur de troubles judiciaires du pays », il est une figure de proue de la lutte contre la corruption et pour l’État de droit. Sa requête en vue de l’incorporation des ultra-orthodoxes dans l’armée fera l’objet d’une décision définitive le 2 juin prochain et pourrait faire peser une grave menace pour la coalition actuelle. Suite des interviews et reportages de K. en Israël. 

 

Eliad Shraga dans son bureau à Tel-Aviv
K. : Vous êtes une personnalité très connue en Israël, mais moins en dehors du pays. Pourriez-vous vous présenter aux lecteurs de K ?

ES : Je suis un avocat issu d’une longue lignée couvrant neuf générations ici en Israël. Jérusalem est mon lieu de naissance. Avant d’occuper mes fonctions actuelles, j’ai servi comme officier dans les brigades parachutistes de l’IDF, puis comme réserviste durant de nombreuses années, avec le grade de Lieutenant-Colonel. Parallèlement à la gestion de mon cabinet d’avocats, j’ai consacré les 34 dernières années à la direction d’une ONG connue sous le nom de Mouvement pour une Gouvernance de Qualité en Israël. Notre mission est de lutter contre la corruption au sein du système, une cause que nous défendons depuis de nombreuses années. En tant que plus grand et plus ancien mouvement de ce type en Israël, nous comptons plus de 100 000 membres. Je suis fier d’occuper le poste de président au sein du mouvement.

K. : Dans une interview accordée il y a six ans, vous vous définissiez comme « l’assainisseur du pays » et vous déclariez que la corruption en Israël était à son apogée. Qu’en est-il aujourd’hui ?

ES : Au cours des 34 dernières années, j’ai toujours insisté sur la grave menace que la corruption fait peser sur la société israélienne. Ce fléau sape la protection sociale, la stabilité économique et la sécurité nationale. Rien qu’au cours de l’année écoulée, nous avons vu comment la corruption peut éroder les fondements mêmes de la gouvernance, mettant en péril la stabilité du pays. L’accession au pouvoir de dirigeants corrompus entraîne des problèmes imprévus et des conséquences désastreuses. Ce qui n’était qu’un problème préoccupant s’est transformé en une véritable calamité. Un groupe de criminels a effectivement pris le contrôle, une situation sans précédent où des personnes condamnées, voire incarcérées, exercent une influence au sein du gouvernement. Il s’agit d’une crise politique d’une ampleur sans précédent.

K. : Pouvez-vous décrire les différents types de corruption que vous observez dans la société ou au sein du gouvernement ?

ES : Il fut un temps où l’éthique comptait. Tout ministre ou Premier ministre s’étant révélé comme ayant contrevenu aux règles d’intégrité avait la décence de démissionner. Mais aujourd’hui, des personnes inculpées par le procureur général, ou pire, condamnées et ayant purgé une peine de prison, se sentent encore autorisées à occuper un poste de ministre ou de député. C’est vraiment incroyable. Malheureusement, l’acceptation d’un tel comportement criminel a éclipsé les considérations éthiques. Comme je le disais, malgré leur condamnation et leur incarcération, des individus continuent de se penser comme aptes à exercer des responsabilités dans la sphère publique.

K. : Et pourquoi pensez-vous qu’il en soit ainsi ? Les Israéliens sont-ils fous ? Ou bien croyez-vous, en tant que fondateur du Mouvement pour la Qualité de la Gouvernance, qu’ils appliquent des critères autres que ceux que vous considérez comme prioritaires ?

ES : Malheureusement, ce phénomène n’est pas propre à Israël et se manifeste dans le monde entier. Près de 80 ans se sont écoulés depuis la Seconde Guerre mondiale et beaucoup semblent avoir oublié les principes libéraux et démocratiques dont nous nous sommes inspirés par le passé. Force est de constater une méconnaissance généralisée de ces idéaux. C’est devenu un lieu commun, notre quotidien… [L’interview est interrompue par une alarme. Elle provient du téléphone de maître Shraga. Il s’arrête de parler et se tourne vers son ordinateur. Ouvre le site Ynet.co.il. Rien sur l’écran. Soudain, un bandeau rouge apparaît en bas de la page d’accueil du site d’information.]

Une ou plusieurs roquettes en provenance du Liban se dirigent vers Kiryat Shmona au nord du pays.

K. : Cela signifie-t-il qu’elles ont été interceptées ? Est-ce que le site précise si elles ont atteint leur but ?

ES : Ils donnent juste la direction … Cette fois-ci, le Hezbollah a tiré une roquette en direction de Kyriat Shmona. Les gens doivent rester dans les abris. Qu’est-ce que je disais ?

K. : Vous parliez d’un phénomène mondial…

ES : Le monde occidental regorge de dirigeants lunatiques qui abandonnent les valeurs libérales et démocratiques. Ils courent après l’argent, renonçant au tissu moral qui nous définissait autrefois. Nombreux sont les citoyens qui n’aspirent plus à diriger l’État ou à contribuer positivement au développement du pays, préférant se concentrer sur la gestion de leur propre entreprise et sur l’accumulation de richesses pour eux-mêmes et pour leur famille. Malheureusement, ceux qui cherchent à occuper des postes de direction incarnent souvent les pires traits de la société et se retrouvent dans des lieux tels que la Knesset. Cette réalité est tragique.

K. : L’école n’est-elle pas précisément censée inculquer des valeurs aux futurs citoyens ?

ES : L’idéologie imprègne beaucoup moins la société d’aujourd’hui. Les individus sont désormais principalement motivés par la recherche du gain personnel et de l’enrichissement. Cependant, en Israël, cette dérive revêt un caractère particulièrement préoccupant. Entouré de nations ennemies, le pays a un besoin crucial de leaders intègres, exempts de conflits d’intérêts et œuvrant exclusivement pour l’intérêt national. Or, malgré les trois graves inculpations qui pèsent sur lui, Benjamin Netanyahou continue d’exercer les fonctions de Premier ministre. Une situation pour le moins ahurissante et alarmante.

K. : Pouvez-vous nous rappeler les chefs d’accusation qui pèsent sur Netanyahou ?

ES : Le premier est connu sous le nom de « dossier 1 000 ». Le procureur général l’accuse d’avoir accepté des cadeaux de la part d’amis et de leur avoir rendu la pareille en leur accordant des faveurs, pour un montant total de plus d’un million de shekels. Le deuxième, le « dossier 2 000 », concerne sa tentative présumée de manipuler la propriété de médias afin de contrôler et d’influencer l’opinion publique. Plus précisément, il est accusé d’avoir tenté de supprimer la concurrence entre deux grands quotidiens, Yediot Aharonot et Israel Hayom, ce qui est illégal. La troisième affaire, « le dossier 4 000 », porte sur une prétendue couverture médiatique favorable qui lui aurait été accordée par un site web d’information en échange de l’octroi d’avantages — d’une valeur de plus d’un milliard de shekels — au principal actionnaire de l’entreprise de téléphonie nationale. Le tout en vue de faciliter la fusion de ces deux entités. Il s’agit d’une affaire complexe, mais ces allégations sont très graves. Netanyahou est conscient de pouvoir se retrouver derrière les barreaux et fait tout pour saper le système judiciaire.

Ce qu’il a fait l’année dernière, avant le 7 octobre, constitue une tentative de coup d’État. Il a cherché à transformer notre démocratie libérale en une dictature. J’ai déposé une requête auprès de la Cour suprême et un collège de 15 juges a mis un terme à ses agissements. Bien qu’il y ait eu plusieurs tentatives, nous avons obtenu gain de cause dans l’affaire principale. Nous intervenons actuellement devant la Cour suprême dans le cadre d’autres pétitions déposées contre Netanyahou. Ce dernier s’efforce d’influencer les instances chargées de nommer des juges, à l’instar de ses homologues polonais et hongrois désireux, eux aussi, de subvertir la démocratie. Israël n’a pas de Constitution, ce qui pose problème, puisque Netanyahou modifie continuellement les lois fondamentales en fonction de son propre agenda. En fin de compte, la Haute Cour de justice, siégeant en qualité de Cour suprême[1], a rendu une décision historique en abrogeant une nouvelle loi fondamentale promulguée à cet effet.

C’est un fait sans précédent dans notre histoire que la Cour suprême abroge une loi fondamentale, mais c’est ce qui s’est passé, et cela a bloqué le coup d’État de la coalition au pouvoir. Malheureusement, nous avons été confrontés au 7 octobre. Netanyahou refuse avec persistance d’assumer la responsabilité de ce qui s’est passé ce jour-là alors qu’il était pourtant aux commandes du pays. Cette attaque contre nous a pris l’armée au dépourvu et a généré une situation totalement inédite pour Israël.

Si Netanyahou n’était pas redevable à ces deux escrocs, Smotrich et Ben Gvir, il ne prendrait pas des décisions qui ont conduit à un tel niveau de désengagement du monde occidental à l’égard d’Israël. 

K. : Comment expliquez-vous l’état d’impréparation de l’armée ?

ES : L’armée et le ministre de la Défense ont à plusieurs reprises averti Netanyahou que nos ennemis percevaient la société israélienne comme divisée et que ce sentiment était exacerbé par les actions menées récemment par le gouvernement. Cependant, Netanyahou a choisi de ne pas tenir compte des avertissements des services de renseignement concernant des attaques potentielles de l’Iran, du Hamas ou du Hezbollah. Les divisions internes d’Israël sont perçues par nos adversaires comme une vulnérabilité qu’ils pourraient exploiter en lançant une attaque. La réalité est que la vie est pleine de surprises et que l’ennemi trouvera toujours le moyen de vous prendre au dépourvu. En pareil cas, c’est au Premier ministre qu’il incombe d’assumer la responsabilité de ses actes. Il est remarquable que le chef d’état-major, le ministre de la Défense et les services de renseignement aient tous reconnu leur responsabilité et se soient engagés à démissionner après la guerre. Netanyahou, quant à lui, n’a pas cru bon de les imiter.

 

K. : Cet échec est-il partiellement lié à la corruption ou bien d’autres facteurs sont-ils en cause ?

ES : C’est la corruption encore et toujours. Regardez ce qui se passe aujourd’hui : une coalition de criminels condamnés comme Aryeh Deri et bien d’autres qui ont fait de la prison ou de personnes inculpées au pénal comme Ben Gvir et Netanyahou lui-même. Il s’agit d’un groupe d’escrocs ayant formé une alliance dans le seul but de servir leurs propres intérêts, sans se soucier du bien d’Israël. C’est la faute de ce gouvernement. Si Netanyahou n’était pas redevable à ces deux escrocs, Smotrich et Ben Gvir, il ne prendrait pas des décisions qui ont conduit à un tel niveau de désengagement du monde occidental à l’égard d’Israël. Il est paralysé par ces deux individus, il a peur de les exclure de sa coalition parce qu’il sait qu’une telle sortie le conduirait à terme derrière les barreaux. Il est à la merci de ces deux fascistes et, partant, incapable de prendre la moindre décision importante pour le pays.

Cette situation dépasse l’entendement, c’est quelque chose que nous n’aurions jamais imaginé. Ce qui me rend fou, c’est qu’il n’en subit pas les conséquences. J’ai six enfants, tous officiers dans des unités d’élite de l’armée, tandis que son fils aîné se prélasse à Miami ! En tant que Juifs, nous avons toujours rêvé d’avoir un petit pays que nous pourrions défendre et de protéger aussi les Juifs de diaspora, car nous avons tiré une leçon de la Shoah. Mais il n’a que faire de nos rêves, tout occupé qu’il est à sauver sa peau. Seul un dirigeant corrompu peut prendre de telles décisions. Malheureusement, c’est nous qui payons le prix à la fin.

K. : À vos yeux, existe-t-il actuellement de véritables dirigeants politiques en Israël ?

ES : Nous manquons de dirigeants d’envergure. Notre opposition est faible. Des individus comme MM. Lapid et Ganz sont incapables de s’opposer à une telle coalition et de la défier efficacement. [Maître Shraga nous interpelle alors malicieusement « L’un de vous deux voudrait-il devenir notre Premier ministre, par hasard ? »]

K. : Et vous, envisagez-vous de briguer une fonction gouvernementale ?

ES : Depuis 34 ans, je crois fermement que la force de notre ONG réside dans notre capacité à opérer en dehors de l’establishment politique. Cela nous permet de critiquer sans préjugés les individus et les partis de l’ensemble du spectre politique. Que l’on soit de gauche ou de droite, religieux ou laïc, la corruption reste à nos yeux de la corruption. Nous nous sommes toujours concentrés sur les mesures nécessaires à la sauvegarde de l’État d’Israël. Actuellement, je mène une campagne en faveur du service militaire universel. Comme vous le savez peut-être, la communauté orthodoxe d’Israël est exemptée du service, ce qui, selon moi, posera des problèmes à l’avenir. Notre effort s’articule autour des questions d’égalité et de conscription. Je plaide en faveur d’une obligation pour tous de servir sous les drapeaux pendant au moins trois ans. Malheureusement, en Israël, force est de constater une différence entre ceux qui jouissent de droits, comme les orthodoxes, et ceux qui, comme nous, cumulent des droits et des devoirs, ainsi que la communauté druze qui n’a que des devoirs. [L’entretien est à nouveau interrompu par une alarme sur le téléphone de maître Shraga. Il s’arrête, se tourne vers son écran. Le site Ynet.co.il. est déjà ouvert. Une nouvelle bannière rouge remplace la précédente.]

… Ça se passe dans le Sud maintenant. Quelle journée !

Je rêve d’une Constitution pour Israël et je milite activement pour cette cause. L’adoption d’une Constitution solide est cruciale pour notre pays, surtout si l’on considère la façon dont Netanyahou a exploité le système en apportant une pléthore d’amendements successifs — 35 en l’espace de cinq ans — aux lois fondamentales. À titre de comparaison, songez que les États-Unis n’ont apporté que 27 amendements à leur Constitution en 237 ans ! Pour espérer résoudre ces problèmes, Israël doit se doter d’une vraie Constitution. Personnellement, je suis prêt à entrer dans l’arène politique si nécessaire, que ce soit à la Knesset ou ailleurs, pour remplir notre mission. Nous ferons tout notre possible.

K. : Pourriez-vous nous éclairer sur les suites de la décision rendue par la Cour suprême concernant la conscription des orthodoxes dans l’armée ?

ES : L’audience de la Knesset est prévue pour le 2 juin. Il s’agit d’adopter une législation prévoyant les modalités de la conscription des orthodoxes et mettant fin à l’exemption de service militaire dont bénéficiait jusque-là cette communauté en vertu d’une loi annulée récemment par la Cour suprême au nom de l’interdiction des inégalités et des discriminations dans ce domaine. Le gouvernement ayant refusé dans un premier temps de tirer les conséquences de l’annulation de l’exemption, la Cour de justice a rendu une ordonnance déniant à l’exécutif le pouvoir de prendre une telle décision contraire à la loi. Je suis convaincu que ma requête sera acceptée et que la justice prévaudra dans cette affaire. Une fois la législation idoine adoptée, l’armée devra intégrer environ 70 000 personnes actuellement exemptées du service militaire. Je m’attends à ce que ce changement crée des défis importants pour Israël, car nombre d’orthodoxes ont l’habitude de rester chez eux plutôt que de servir dans l’armée, de travailler ou de payer des impôts, s’en remettant aux autres citoyens pour s’acquitter de leurs responsabilités en leur lieu et place.

K. : Pensez-vous que cela changerait la façon dont l’armée israélienne opère ?

ES : L’armée n’est pas une entité politique. Dans l’armée, tout le monde sert, quelles que soient ses origines ou ses croyances. En fin de compte, chacun est unique, et c’est ainsi que les choses doivent se passer. Ce qui compte, c’est que ces gens participent à notre mission de défense du pays. Tout comme les communautés juives dans le monde, nous sommes confrontés à de nombreux ennemis qui veulent nous nuire.

K. : Vous menez un combat acharné contre Netanyahou, que vous souhaitez voir derrière les barreaux. À l’étranger, le procureur de la CPI s’interroge sur l’opportunité de demander l’émission d’un mandat d’arrêt contre lui pour l’inculper de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité[2]. Qu’en pensez-vous ?

ES : Cela met en évidence l’hypocrisie du monde dans lequel nous vivons. Après une attaque qui a entraîné le massacre brutal, et parfois le viol, de 1 200 personnes en Israël par des terroristes de type nazi, la Cour pénale internationale (CPI), au lieu de se pencher sur ce crime horrible, choisit de s’en prendre au Premier ministre israélien. Qu’il s’agisse de Netanyahou ou de quelqu’un d’autre, ou même d’officiers de haut rang, il n’en reste pas moins que les actions de la CPI puent l’antisémitisme, l’injustice et l’hypocrisie. Il s’agit d’un problème grave auquel nous devons faire face. La poursuite de telles procédures ne ferait que légitimer l’antisémitisme dans le monde entier et mettrait faussement en cause Israël pour s’être défendu. Ma fille est médecin dans les parachutistes à Gaza, où elle a sauvé de nombreuses vies civiles palestiniennes, malgré le fait que les terroristes se réfugient souvent dans les hôpitaux, se servant de civils innocents comme boucliers humains. Personne ne peut nous donner de leçons de morale ou d’éthique.

Netanyahou ne souhaite pas voir la guerre actuelle se terminer. Au contraire, son objectif serait d’instaurer un état d’urgence permanent

K. : Mais comment articulez-vous la question d’une gouvernance de qualité avec la « qualité » de la gestion de la guerre par ces personnes que vous estimez par ailleurs inaptes à gouverner ?

ES : Netanyahou ne souhaite pas voir la guerre actuelle se terminer. Au contraire, son objectif serait d’instaurer un état d’urgence permanent pendant 10 ans au minimum. Une fois cet état d’urgence établi, il ne lâcherait plus le pouvoir. C’est pourquoi nous n’avons pas besoin de lui comme leader. Cette guerre aurait dû se terminer il y a cinq mois. Quel est l’intérêt pour l’armée israélienne ? L’objectif aurait pu être atteint en six semaines. Qu’en est-il aujourd’hui ? Sept mois ? Mais pour lui, cela peut prendre 100 ans. Voilà pourquoi quelqu’un en conflit d’intérêts permanent ne peut pas diriger un État et encore moins une guerre. Regardez ce qui s’est passé aujourd’hui : nous devons prendre une décision au sujet des otages. Mais il est trop effrayé par Ben Gvir et Smotrich qui le menacent de faire tomber son gouvernement. Un Premier ministre normal leur dirait d’aller faire un tour en enfer. Vous ne voulez plus faire partie de la coalition ? Je suis prêt à aller aux élections demain matin. Mais non, il sait que c’est sa dernière chance de survivre politiquement, d’où sa soumission à ces deux fascistes. Il cherche à sauver sa peau. C’est de la folie. Cela va à l’encontre des intérêts d’Israël.

K. : Netanyahou serait donc à la fois le corrompu et le corrupteur ?

ES : Oui, puisqu’il paye aussi les orthodoxes pour qu’ils restent dans sa coalition. Ces fonds de coalition ne sont qu’un énorme pot-de-vin. Il prend l’argent des contribuables pour le leur donner. Pourquoi à eux ? Vous donnez de l’argent aux gens pour qu’ils étudient, très bien. Mais on peut étudier la médecine, le droit, la Torah, quelle est la différence ?

Nous sommes confrontés simultanément à plusieurs problèmes de taille : le coup d’État, la guerre et les dirigeants véreux. Et toutes ces questions sont étroitement imbriquées. Cette situation menace notre existence même.

K. : Espérez-vous que l’examen en juin de la nouvelle loi sur la conscription des orthodoxes — réclamée par la Cour suprême sur la base de votre recours — sonnera le glas de la coalition ?

ES : Je considère qu’il s’agit de la menace la plus importante pesant sur son gouvernement. Si la Cour ordonne à l’armée de recruter des orthodoxes, je pense que la communauté orthodoxe voudra renverser le gouvernement. Elle préférera probablement provoquer des élections et rechercher de nouvelles alliances politiques. Ils essaieront de trouver un nouveau partenaire, quelqu’un d’autre pour s’occuper d’eux, car, de leur point de vue, si Netanyahou ne peut plus tenir ses promesses, il peut bien aller en prison. Ils diront : « Merci M. Netanyahou, ce fut un plaisir pour nous ».


Entretien avec Eliad Shraga réalisé par Julia Christ & Elie Petit

Notes

1 La Haute Cour de justice et la Cour suprême sont en réalité la même institution en Israël. La Cour suprême siège en tant que Haute Cour de justice lorsqu’elle exerce sa fonction de contrôle judiciaire des actes de l’exécutif et du législatif.
2 L’interview a été réalisée avant que ledit procureur n’annonce officiellement avoir demandé à la Cour d’émettre un mandat d’arrêt concernant Netanyahou, son ministre de la Défense et les trois principaux dirigeants du Hamas.

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