# 70 / Edito

 

« Il n’y a que le récit qui puisse recréer l’identité perdue d’une famille d’immigrants. C’est pour cela que mon grand-père passait son temps à raconter des histoires sur le « vieux pays », car là-bas, vous étiez quelqu’un. Tout le monde savait qui vous étiez, vous aviez un statut, et même de l’argent, vous apparteniez à un certain contexte, social et politique ; et maintenant vous n’êtes plus que l’une des vingt-deux millions de personnes arrivées aux États-Unis, et il faut repartir de zéro ; c’est une histoire avec laquelle j’ai grandi. » Identité, exil, mais aussi philologie : c’est à travers ces thèmes que se poursuit aujourd’hui la réflexion autour de son œuvre que Daniel Mendelsohn a engagée avec nous la semaine dernière. Dans ce deuxième épisode de notre grand entretien, pointent aussi les questions politiques les plus contemporaines qu’on retrouvera la semaine prochaine, dans le dernière épisode de ce passionnant échange.

Pour le reste du programme, c’est cap vers le nord ! En Islande d’abord, où le chercheur Vilhjálmur Örn Vilhjálmsson tentait en septembre dernier de nous expliquer pourquoi son pays natal résiste à enseigner l’histoire de la Shoah. Les autorités officielles islandais ont eu beau s’engager à initier l’enseignement de la Shoah en 2000 et 2002, ces promesse sont restées lettre morte. L’Islande où ce paradoxe d’un pays avec beaucoup d’antisémitisme pour si peu de juifs : « Plus je pense aux sympathies nazies des Islandais, à leurs sentiments antisémites dans un pays où il n’y a pratiquement pas de Juifs, plus je suis reconnaissant à la nature d’avoir fait de l’Islande une île et d’avoir éloigné ses habitants de leurs idoles fascistes sur le continent européen. »

Sur les mêmes latitudes, mais plus à l’est cette fois, c’est en Norvège qu’on s’arrête à nouveau. La journaliste Vibeke Knoop Rachline revient sur le « paragraphe de la honte » de la constitution de 1814, pourtant parmi les plus libérales de l’Europe d’alors : « Les Juifs sont toujours exclus du royaume ». Une anomalie ? Rien n’est moins sûr. Tant les Lumières – françaises notamment – qui l’ont inspirée ont été ambigües vis-à-vis des Juifs. Une ambiguïté qui traverse l’histoire de la société norvégienne depuis lors.

Le style d’écriture de Daniel Mendelsohn est fait d’un savant mélange entre les récits personnels et l’évocation d’œuvres littéraires classiques ; entre l’intime et l’intellectuel. D’où vient, chez Daniel Mendelsohn, cet attrait pour la philologie ? En quoi cela a-t-il à voir avec son histoire familiale faite de tragédies et d’exils, avec le fait d’être juif, et d’être homosexuel ? Telles sont les questions que Daniel Mendelsohn a bien voulu explorer avec nous dans ce deuxième épisode de notre entretien.

La communauté juive d’Islande est à la fois jeune et très petite. Et pourtant, l’île située aux confins de l’Europe a une histoire riche en matière d’antisémitisme. Pour en savoir davantage sur cet apparent paradoxe, K. publie ici un texte troublant du chercheur Vilhjálmur Örn Vilhjálmsson. Il y raconte l’Islande, ses élites aux ascendances douteuses, ses relents antisémites… et ses quelques juifs.

« Les juifs sont toujours exclus du royaume ». Ce paragraphe, le deuxième de la constitution norvégienne votée en 1814 à une large majorité, a longtemps constitué un hapax en Europe. Pour K., Vibeke Knoop Rachline nous raconte son histoire – jusqu’à son abrogation en 1851 – et la trace qu’il laisse aujourd’hui dans la société norvégienne et sa petite communauté juive.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.