# 68 / Edito

 

Cette semaine, avant notre programmation d’été, et la première partie de notre entretien avec Daniel Mendelssohn, direction l’Allemagne. K. met un coup de projecteur sur une polémique inflammable, née autour de l’exposition d’art contemporain documenta fifteen, organisée comme tous les 5 ans depuis 1955 dans la ville de Cassel. Une toile ouvertement antisémite qui y était présentée a défrayé la chronique : alors que la ministre de la culture n’a pas voulu prendre position au nom de la liberté de l’art et le Zentralrat der Juden in Deutschland, le conseil central des juifs d’Allemagne a demandé sa démission. S’en est suivi un torrent de discussions et d’excuses autour de l’œuvre incriminée. Mais d’excuses à qui ? La philosophe Julia Christ revient sur ce feuilleton et nous permet de réfléchir, cas d’école à l’appui, sur un antisémitisme soluble dans le relativisme et l’art contemporain, un antisémitisme qui s’excuse auprès des bourreaux plutôt qu’auprès des victimes.

De victimes il est aussi question dans le second texte de cette semaine. Des victimes reconnues et protégées cette fois. « Ma maison natale, à Chaumargeais, est à votre disposition. (…) Vous pourrez faire de ce lieu ce que vous voudrez, pour vous et pour toutes les activités que vous voudrez y organiser. Nous sommes de cœur avec vous, dans votre résistance à la persécution. Bien entendu, vous n’aurez rien à payer pour votre séjour. » Voilà comment le docteur Paul Héritier s’adressait à André Chouraqui en 1942, l’invitant à venir se réfugier dans sa maison du plateau Vivarais-Lignon. La simplicité de ces quelques lignes symbolise parfaitement la générosité désintéressée d’un lieu et d’une communauté, fameuse pour l’aide décisive qu’elle a apporté aux persécutés du nazisme. Le Chambon-sur-Lignon est la seule commune française à avoir reçu – au nom de tout le Plateau Vivarais-Lignon – le titre de « Juste parmi les nations ». André Chouraqui et Albert Camus s’y sont réfugiés en 1942 et s’y sont croisés. Ils avaient en commun la Résistance et leur Algérie natale. Nathalie Heinich, dans un texte qu’elle lira le mois prochain à l’occasion de la « marche du souvenir » organisée tous les 10 août au Chambon-sur-Lignon fait leur portrait conjoint dans le contexte de ces années de guerre, pointant ce qui les rapproche et ce qui les sépare.

Notre troisième parution de la semaine est la reprise d’une nouvelle de l’écrivain israélien Moshe Sakal, auteur notamment du roman Yolanda (Stock). Dans son texte – L’écrivain qui a percuté son critique littéraire – il est question d’un auteur (ashkénaze), d’un critique littéraire (séfarade), d’une urologue fraichement immigrée de France – et d’un petit scorpion noir…

La présence d’une toile ouvertement antisémite dans la plus grande exposition d’art contemporain mondiale – la documenta, qui a lieu tous les cinq ans depuis 1955 dans la ville de Cassel – a défrayé la chronique en Allemagne. La ministre de la culture n’a pas voulu prendre position au nom de la liberté de l’art et le Zentralrat der Juden in Deutschland, le conseil central des juifs d’Allemagne, a demandé sa démission. Récit par Julia Christ d’une folle semaine de discussions et d’excuses toutes en fausse humilité autour de l’œuvre incriminée.

Chambon-sur-Lignon est la seule commune de France à avoir reçu – au nom de tout le Plateau Vivarais-Lignon – le titre de « Juste parmi les nations ». Le 10 août 1942, un groupe de jeunes lurent devant le temple une lettre de protestation publique contre la rafle du Vel d’hiv’ et la persécution des Juifs. Cette année, à l’occasion de la « marche du souvenir » organisée tous les 10 août dans ce haut-lieu français dans l’histoire de l’accueil des réfugiés (dès les années trente pendant la guerre d’Espagne), des Résistants et des Juifs pourchassés par les nazis, Nathalie Heinich y lira un texte consacré à la présence conjointe, dés aout 1942, d’Albert Camus et d’André Chouraqui au Chambon-sur-Lignon, que K. est heureux de publier cette semaine.

D’abord, il avait entendu un boum. Comme un coup sourd, et le guidon s’était enfoncé dans ses côtes. Il avait bien eu conscience d’avoir heurté quelqu’un, un passant de sexe masculin au teint clair, un peu bouclé. Mais il ne lui était pas venu à l’idée que le quidam qu’il venait de percuter était un critique littéraire. Il lui était déjà arrivé de renverser toutes sortes de gens avec son vélo électrique sur les trottoirs de Tel-Aviv, mais il ne lui était jamais arrivé de tamponner un critique littéraire.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.