L’actualité récente a été marquée – comme nous l’avons déjà évoqué – par de virulents débats au sujet de la liberté académique. Notamment, l’écho entre la désinvitation d’Eva Illouz de l’Université de Rotterdam et l’annulation du colloque « La Palestine et l’Europe » au Collège de France a suscité de savantes discussions comparatistes, dont le défaut a souvent été un certain formalisme dans la conception de la liberté académique. C’est-à-dire que, pour se prémunir contre la menace des « pressions politiques » – pourtant inévitable dès lors qu’est actée la spécificité des sciences sociales -, on a cherché à se réfugier dans une indépendance évidée de son contenu. La question de l’assomption par l’université de sa liberté, et donc des normes qu’elle se donne et qu’elle a à faire respecter, a alors tendu à être reléguée à l’arrière-plan. Puisqu’il est dommage qu’il en soit ainsi, il nous a paru judicieux de donner à voir que c’est au contraire dans le débat sur ces normes, en tant qu’elles sont intriquées à des enjeux politiques, que la liberté académique s’éprouve. Cette semaine, nous publions donc la critique formulée par Eva Illouz à l’égard du dernier livre d’Omer Bartov : Genocide, the Holocaust, and Israel-Palestine: First Person History in Times of Crisis [Génocide, Shoah et Israël-Palestine : une histoire à la première personne en temps de crise, non traduit en français]. Le contentieux, ici, porte sur les limites que les normes académiques imposent à l’usage de la comparaison mémorielle.
Mi-octobre, la ministre de l’égalité des chances et de la famille du gouvernement Meloni, Eugenia Maria Roccella, lançait en Italie une polémique au sujet de la mémoire de la Shoah. Elle s’attaquait en effet aux voyages scolaires organisés à Auschwitz, supposés par elle alimenter une culture politique de gauche et diaboliser l’extrême droite. En écho aux débats suscités, nous avons reçu un texte de l’historienne de la diaspora juive Serena Di Nepi, qui revient sur le développement de la politique mémorielle italienne. Expliquant pourquoi elle n’a jamais elle-même participé à un de ces « Voyages de la Mémoire », elle retrace le tournant représenté par l’adoption de ce rite civique central, tout en soulignant qu’il n’est pas exempt d’ambiguïtés, en particulier en raison de la place de victime attribuée par ce genre de politique mémorielle aux juifs dans le collectif national.
Après le texte d’André Markowicz que nous avons publié la semaine dernière sur le concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël à la Philharmonie de Paris, nous avons reçu le témoignage d’un spectateur présent dans la salle. C’est, en somme, le récit personnel de quelqu’un qui s’est simplement retrouvé, un peu par hasard, à prendre part à un concert symphonique des plus inhabituels. Mais, au plaisir de lire une expérience bien narrée, s’ajoute une interrogation informée sur ce que l’Orchestre d’Israël avait choisi, ce soir-là, de programmer. Beethoven et Tchaïkovski, la crise des empires et le doute des artistes, c’est aussi cela qui était pour certains inaudible.