Trente ans après son assassinat, que reste-t-il à commémorer de ce que représentait Yitzhak Rabin ? Le 4 novembre, les Israéliens et leurs représentants auront à dire quelque chose sur ce qui s’est passé ce jour-là, lorsque le militant ultranationaliste religieux Yigal Amir tua celui qui venait de se prononcer en faveur du processus de paix. Que pourront en dire les admirateurs de l’assassin, dont certains siègent au gouvernement, et de manière générale le camp des opposants au chemin ouvert par Rabin ? Et que trouveront à répondre ceux qui n’ont pas oublié l’espoir, serait-il avorté, que représentait Rabin ? Cette semaine, avant de revenir dans le numéro de la semaine prochaine sur les conséquences politiques de l’assassinat, nous publions les bonnes feuilles du dernier livre de Denis Charbit : Yitzhak Rabin, la paix assassinée ? Une mémoire fragmentée (Éditions Lattès). S’y trouvent rappelés le contexte de l’époque et, surtout, l’impossible et paradoxale commémoration du 4 novembre qui a lieu depuis lors. Car, dans un pays profondément clivé, ce sont les adversaires politiques de Rabin qui énoncent clairement leur jeu de dupes : « Nous avons le devoir moral de le commémorer et le devoir politique de l’oublier ».
Pour la tradition exilique, l’oubli est une trahison. Or, la variante réactionnaire du sionisme qui est au pouvoir en Israël trahit bien souvent, rendant méconnaissable ce dont elle prétend se revendiquer, à commencer par l’esprit du sionisme. L’historien allemand Michael Brenner restitue dans son texte ce qui, de la pensée des pères fondateurs de l’État d’Israël, a été enseveli. Reparcourant les écrits de Theodor Herzl, David Ben Gourion et même Vladimir Ze’ev Jabotinsky, il souligne la manière dont chacun a marqué son attachement aux idéaux d’égalité civique et de coexistence pacifique entre les peuples.
En septembre dernier, paraissait chez Grasset La part sauvage de Marc Weitzmann, livre-hommage dédié à l’écrivain américain Philip Roth. La couverture médiatique qui a entouré cette publication est venue donner du grain à moudre à la thèse d’un changement d’époque défendue à contrecœur par Weitzmann : de subversif, Roth serait devenu suranné. Alexandre Journo nous propose une perspective en décalage, faisant la part belle à l’impossible rapport de Roth à sa judéité et interrogeant ce que l’ironie mordante du « rebelle inutile en temps de paix » peut encore avoir d’actuel.