Depuis sa création, la revue K. s’est intéressée, parfois avec inquiétude, à l’avenir et aux reconfigurations du lien qui unit les juifs à l’Europe, et l’Europe aux juifs. Cette semaine, nous vous présentons un de nos interlocuteurs privilégiés dans cette réflexion, le Jewish Policy Research britannique, par un entretien avec son directeur Jonathan Boyd. Elie Petit l’interroge sur ce que les données démographiques et sociologiques dessinent de l’avenir des juifs d’Europe, et sur les inquiétudes quant à leur précarité. Mais c’est aussi l’occasion d’une discussion serrée sur la manière de comprendre et de mesurer la montée de l’antisémitisme européen, où se trouve remise en question la focalisation sur les incidents antisémites, pour mieux interroger la manière dont l’atmosphère politique et médiatique devient oppressante pour les juifs.
Le sionisme du début du siècle dernier entretenait le rêve – un peu fou il faut bien l’avouer – d’un retour sur la Terre d’Israël. Mais les premières vagues d’Aliyot rencontrèrent une réalité, celle du choc culturel lors de l’arrivée en Palestine ottomane. Dans cet interstice entre rêve et réalité a germé l’identité culturelle et politique israélienne et, c’est la thèse du linguiste Cyril Aslanov, s’est joué le destin de la littérature hébraïque. Dans son texte, il nous propose de revenir sur les parcours de deux auteurs emblématiques du renouveau littéraire lié à la dynamique sioniste : Bialik et ‘Agnon. À partir des mutations et des déconvenues liées à leur installation en Terre d’Israël, Cyril Aslanov s’interroge : ces auteurs tiraillés entre deux mondes ont-ils inventé un style proprement israélien, ou sont-ils les représentants d’une littérature irréductiblement diasporique et européenne ?
En juillet dernier, nous avions publié l’enquête de Raphaël Amselem sur l’ « affaire Brusselmans » en Belgique. Peu de temps après, le magazine HUMO qui avait publié les propos incriminés a donné de nouvelles raisons de s’alarmer : on y trouve désormais une caricature de juif grimé en boucher infanticide. Joël Kotek analyse les images par lesquelles ce trope antisémite moyenâgeux fait retour dans la presse belge, ce qui ne semble pas émouvoir outre mesure l’Europe. Il fallait la déprogrammation de l’orchestre philarmonique de Munich par le Festival de Flandres de Gand en raison de la nationalité israélienne de son conducteur, Lahav Shani, pour attirer l’attention de l’Allemagne sur ce qui semble être devenu la normalité belge. Et il fallait que le ministre de la culture allemand parle d’une « honte pour l’Europe » pour que le gouvernement belge, cette fois-ci, condamne ce qui se passe dans son pays. N’ayant pas les moyens d’influence du gouvernement allemand, K. ne peut pour sa part que signaler la circulation de ces caricatures au sein de l’imaginaire européen, dans l’espoir d’alerter sur le resurgissement des fantasmes par lesquels se justifient toutes les ostracisations.