# 235 / Edito

Depuis sa création, la revue K. s’est intéressée, parfois avec inquiétude, à l’avenir et aux reconfigurations du lien qui unit les juifs à l’Europe, et l’Europe aux juifs. Cette semaine, nous vous présentons un de nos interlocuteurs privilégiés dans cette réflexion, le Jewish Policy Research britannique, par un entretien avec son directeur Jonathan Boyd. Elie Petit l’interroge sur ce que les données démographiques et sociologiques dessinent de l’avenir des juifs d’Europe, et sur les inquiétudes quant à leur précarité. Mais c’est aussi l’occasion d’une discussion serrée sur la manière de comprendre et de mesurer la montée de l’antisémitisme européen, où se trouve remise en question la focalisation sur les incidents antisémites, pour mieux interroger la manière dont l’atmosphère politique et médiatique devient oppressante pour les juifs.

Le sionisme du début du siècle dernier entretenait le rêve – un peu fou il faut bien l’avouer – d’un retour sur la Terre d’Israël. Mais les premières vagues d’Aliyot rencontrèrent une réalité, celle du choc culturel lors de l’arrivée en Palestine ottomane. Dans cet interstice entre rêve et réalité a germé l’identité culturelle et politique israélienne et, c’est la thèse du linguiste Cyril Aslanov, s’est joué le destin de la littérature hébraïque. Dans son texte, il nous propose de revenir sur les parcours de deux auteurs emblématiques du renouveau littéraire lié à la dynamique sioniste : Bialik et ‘Agnon. À partir des mutations et des déconvenues liées à leur installation en Terre d’Israël, Cyril Aslanov s’interroge : ces auteurs tiraillés entre deux mondes ont-ils inventé un style proprement israélien, ou sont-ils les représentants d’une littérature irréductiblement diasporique et européenne ?

En juillet dernier, nous avions publié l’enquête de Raphaël Amselem sur l’ « affaire Brusselmans » en Belgique. Peu de temps après, le magazine HUMO qui avait publié les propos incriminés a donné de nouvelles raisons de s’alarmer : on y trouve désormais une caricature de juif grimé en boucher infanticide. Joël Kotek analyse les images par lesquelles ce trope antisémite moyenâgeux fait retour dans la presse belge, ce qui ne semble pas émouvoir outre mesure l’Europe. Il fallait la déprogrammation de l’orchestre philarmonique de Munich par le Festival de Flandres de Gand en raison de la nationalité israélienne de son conducteur, Lahav Shani, pour attirer l’attention de l’Allemagne sur ce qui semble être devenu la normalité belge. Et il fallait que le ministre de la culture allemand parle d’une « honte pour l’Europe » pour que le gouvernement belge, cette fois-ci, condamne ce qui se passe dans son pays. N’ayant pas les moyens d’influence du gouvernement allemand, K. ne peut pour sa part que signaler la circulation de ces caricatures au sein de l’imaginaire européen, dans l’espoir d’alerter sur le resurgissement des fantasmes par lesquels se justifient toutes les ostracisations.

Le Jewish Policy Research est un institut britannique dont la mission est d’étudier et de soutenir la vie juive en Europe. Dans cet entretien, Jonathan Boyd, son directeur, revient sur les grands défis que rencontre un judaïsme européen en pleine mutation, et s’interroge sur la manière de mesurer et de comprendre la montée de l’antisémitisme.

Bialik et ‘Agnon pouvaient-ils habiter pleinement la terre qu’ils ont rêvée ? De Bialik, poète-prophète d’Odessa accueilli en triomphe à Tel-Aviv mais dérouté par l’hébreu du yishuv, à ‘Agnon, Juif galicien perçu comme un pied-tendre par les pionniers aguerris venus de Russie, cette réflexion de Cyril Aslanov dit le choc, les ruses et les métamorphoses de  l’installation en Terre d’Israël. Et pourtant Bialik est devenu le poète national d’un État qu’il n’aura pas eu le bonheur de voir naître, et ‘Agnon a été le premier et le seul prix Nobel israélien de littérature. Entre dépaysement et réinvention s’esquisse l’histoire intime de deux écrivains iconiques, d’une langue galvanisante et d’un pays en gestation.

Après l’affaire Brusselmans, le magazine flamand HUMO a encore frappé … Cette fois-ci, c’est le trope antisémite moyenâgeux du « boucher juif » qui se trouve réactivé par une caricature du duo Kama & Seele. Joël Kotek, historien et président de l’Institut Jonathas, revient ici sur l’histoire et l’actualité de l’imagerie antisémite dans la presse belge et internationale.

Avec le soutien de :

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.