# 203 / Edito

En Autriche, comme ailleurs en Europe, les rangs de l’extrême droite ne font que grossir, et il est fort probable que le FPÖ parvienne à nommer prochainement un chancelier admirateur du nazisme en la personne d’Herbert Kickl. Cette perspective inquiétante, K. entend la documenter prochainement. En attendant, il est intéressant de la resituer dans un contexte politique plus général, celui d’une Autriche aux prises avec son passé, à la social-démocratie jeune mais déjà moribonde, tiraillée entre un conservatisme passéiste et une certaine vitalité intellectuelle et artistique. De cette époque récente, la cinéaste et écrivaine viennoise Ruth Beckermann a offert un témoignage précieux à travers ses documentaires. Liam Hoare l’interview ici au sujet de ses engagements politiques et artistiques, et de leur lien avec une judéité qui ne pouvait se dire dans le langage politique autrichien.

A l’heure où la conquête de la terre promise embrase certains esprits en Israël même, et où, à la faveur d’un travestissement du sionisme originel, les conditions d’une paix durable sont battues en brèche, il est bon de clarifier ce que recouvre, dans la tradition, cette fameuse promesse de terre.  Car il en va bien d’un distinguo juif. La promesse, en l’occurrence, exclut l’appropriation. Inséparable de la représentation de la sortie de la servitude, cette origine symbolique par laquelle le peuple advient à lui-même vaut avant tout par l’objection qu’elle constitue à l’idolâtrie, fixée sur quelque matérialité que ce soit, y compris évidemment sur la terre. Ce qui, notons-le au passage, se reflète dans le sionisme, pour autant qu’il a bien la survie du peuple pour barycentre. Pour Ivan Ségré, l’essentiel se joue dans le livre des Juges. Nous publions cette semaine son exégèse, centrée autour de la fidélité du peuple à sa propre loi, laquelle emporte la nécessité d’éliminer la pulsion phallique et belliciste à quoi toute conquête est exposée – au risque, dans ce cas, de perdre sa signification spécifique.

Aujourd’hui paraît aux Éditions de la Fabrique le dernier livre d’Andreas Malm, Pour la Palestine comme pour la Terre. En septembre, Sylvaine Bulle avait adressé une critique sans appel à cette version de l’écologie radicale qui voit des industries extra-sionistes partout, et cherche à faire des Soulèvements de la Terre le dernier avatar d’une intifada généralisée. Pour l’occasion, et parce que la lutte pour le vivant n’a pas à se confondre avec l’antisémitisme, nous republions son texte et sa lecture sous la forme de podcast par le comédien Florian Choquart.

Le travail de documentariste de Ruth Beckermann (née en 1952) – qui n’est encore pas assez connue en France – a joué un rôle important dans l’évolution du rapport de l’Autriche à son passé. Dans cette rencontre avec la cinéaste et écrivaine viennoise, Liam Hoare l’interroge sur quelques-uns des documentaires de sa riche filmographie et sur la manière dont ils articulent militantisme politique et judaïsme, dans le contexte d’une montée graduelle de l’extrême-droite et d’un tabou portant sur le sort des juifs pendant la guerre.

Au nom de quelle promesse, et de quelle loi, la conquête de la terre promise est-elle justifiée ? Ivan Segré propose ici une lecture du livre des Juges, dont la structure révèle selon lui la nécessité d’une mise à mort de la pulsion belliciste et phallique qui, hier comme aujourd’hui, aliène Israël de son fondement.

Saviez-vous qu’Israël était responsable de la crise climatique ? La sociologue Sylvaine Bulle nous présente dans ce texte l’étrange jonction que veut opérer par Andreas Malm — intellectuel fétiche de la critique écologique radicale — entre l’antisionisme et l’écologie politique.

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Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.