La trêve conclue entre Israël et le Hamas, et dont les récents développements font craindre qu’elle ne s’avère brève, donne lieu à un spectacle déplorable. De part et d’autre, la sinistre réalité de la situation est occultée par des proclamations fanfaronnantes. Côté Hamas, on crie « victoire » sur un champ de ruines et de cadavres, au mépris du sort de la population gazaouie pour laquelle le groupe n’a d’autre projet que celui du martyr. Côté israélien, alors même que la société s’émeut devant la parade d’otages émaciés organisée par le Hamas, Netanyahu et ses alliés se réjouissent des parodies de « solution » annoncées avec une légèreté inouïe par le président Trump. C’est que, pour un sionisme dévoyé, tout escamotage de la question palestinienne est déjà une victoire en soi. Là réside l’intelligence secrète qui unit les projets pourtant contrastés pour l’avenir de Gaza : que les terroristes creusent à nouveau leurs tunnels sous les pieds de civils démunis, ou que Gaza devienne un paradis ultralibéral pour touristes après un déplacement forcé de sa population, c’est le caractère politique de la situation qui aura été oblitéré. Car, des deux côtés, on cherche à faire prévaloir le simple rapport de force entre des puissances se mesurant à leur capacité de destruction. Face à cette dépolitisation brutale des enjeux, et à leur déréalisation, nous souhaitions faire entendre une autre description de la situation, qui ne peut être décrite comme une victoire pour personne. K. se fait donc le relais d’une voix palestinienne, celle de Ihab Hassan, d’abord parue dans la revue américaine Liberties, qui pense dans les seuls termes praticables politiquement : ceux d’un conflit entre deux revendications nationales également justes, désignant l’horizon d’une solution à deux États.
Les juifs ne sont-ils pas devenus infréquentables ? C’est la question, mi-facétieuse mi-tragique, que semble vouloir nous adresser Toutes les vies de Théo, le dernier roman de Nathalie Azoulay qui vient de sortir aux éditions P.O.L. Interrogeant les effets du 7 octobre sur les rapports sociaux des juifs, elle prend le parti d’une perspective extérieure, celle de Théo, qui assiste au repli sur soi de sa femme juive, dévorée, non sans raison, par l’angoisse. 20 ans après Les Manifestations, qui abordait déjà le sentiment d’isolement des juifs français, Élie Petit est allé interroger Nathalie Azoulay sur le rapport entre ces deux livres, et la manière dont la situation a évolué. Dans leur discussion, que nous publions sous forme de podcast, on entend toute la complexité du rapport – pétri de suspicion, d’aveuglement et de mauvaise conscience – entre les juifs, la gauche et l’Europe.
Enfin, et puisque ce numéro semble décidément consacré à la question politique et aux difficultés du rapport à l’altérité, nous publions une réflexion à propos d’un philosophe ayant articulé ce que la confrontation au visage d’autrui, dans son dénuement, implique de responsabilité. Dans son texte, Jean-François Rey nous montre que la pensée de Levinas, loin de se cantonner à la sphère de l’éthique, a une dimension véritablement politique, qui le situe là où on ne l’attendrait pas.