# 195 / Edito

Après le succès de la soirée K. sur scène jeudi dernier au théâtre de la Concorde, la rédaction de la revue tenait à remercier ses lecteurs venus y assister, ainsi que tous ceux et celles qui contribuent à sa campagne de soutien.

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En Pologne, une mauvaise conscience qui ne passe pas et un antisémitisme jamais combattu empêchent la reconnaissance des réalités polonaises de la Shoah. Ce déni de responsabilité, et les affabulations qui l’accompagnent, sont entretenus au niveau étatique et dans les institutions en charge de la politique mémorielle. Nous publions cette semaine « Négationnisme à la polonaise » d’Elżbieta Janicka, spécialiste de l’antisémitisme et de la Shoah, introduit par Jean-Charles Szurek. On y découvre le cas exemplaire du site de Treblinka qui, 80 ans après, continue de faire son beurre sur le dos des juifs. Entre la dissimulation du sinistre commerce qui avait lieu à la gare, l’invention d’un faux Juste, la catholicisation des victimes ou encore l’attribution aux Allemands de massacres de juifs commis par des Polonais, c’est toute une série d’effets spéciaux narratifs qui permettent de transformer une histoire honteuse en motif de fierté nationale.

Éprouver de la honte suppose d’être exposé aux regards : c’est ce qu’a bien compris le négationnisme polonais, qui cherche à s’épargner ce douloureux ressenti en cachant ses horreurs sous le tapis. Mais doit-on pour autant croire qu’il suffirait de pointer autrui du doigt avec un air accusateur pour susciter sa honte ? C’est bien la stratégie qu’emploient aujourd’hui ceux qui clament « Sionistes, vous devriez avoir honte ! ». Mais y a-t-il vraiment motif à rougir, quand on sait ce que sionisme veut dire ? Nous publions cette semaine une réflexion d’Ariel Colonomos à propos de la manière dont les militants antisionistes cherchent à susciter la honte chez leurs adversaires, et des effets délétères de cette stratégie sur les débats au sein de l’université. Il y est question des paradoxes que rencontre l’abord d’un conflit politique par le prisme de la morale, et du déficit de réflexivité qui s’accuse dès lors que se substituent à la critique des opérations de shaming.

Nous rendons cette semaine accessible un nouveau texte en version audio, lu par Séphora Haymann. Vous pourrez désormais écouter la critique proposée par Eva Illouz autour du cas de Judith Butler et des dérives de la gauche antisioniste.

La responsabilité des Polonais dans l’extermination des juifs est, pour l’État polonais, l’objet d’une dénégation systématique. Dans cet article, Elżbieta Janicka, spécialiste de la Shoah et de l’antisémitisme, dénonce la manière dont, à Treblinka, cette politique mémorielle mensongère multiplie les affabulations historiques.

Pour la morale antisioniste, tout soutien à l’État israélien devrait être honteux. Mais cette proposition, et les opérations de « shaming » qui l’accompagnent, sont-elles compatibles avec le bon fonctionnement de l’université ? Ariel Colonomos réfléchit dans ce texte aux dangers de ces tentatives politiques de « moraliser » par la honte.

La célèbre philosophe Judith Butler, invitée par un collectif d’associations décoloniales et antisionistes, a déclaré – une fois de plus – au cours d’une table ronde à Pantin dimanche 3 mars que l’attaque du 7 octobre était « un acte de résistance » et non pas « terroriste », et qu’il ne fallait pas le qualifier d’ « antisémite » . Ce jour-là, elle a par ailleurs mis en doute la réalité des agressions sexuelles commise par le Hamas . En se centrant sur le cas Judith Butler, Eva Illouz critique les positions d’une certaine gauche qui, d’après elle, sape les idéaux égalitaires et universalistes de la gauche et ouvre la voie à la haine des Juifs.

Avec le soutien de :

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.