# 194 / Edito

Depuis le début de la guerre à Gaza et son extension au Liban, plusieurs voix se sont élevées pour appeler au boycott des universités israéliennes, en précisant toujours que celui-ci devrait viser uniquement les universités en tant qu’institutions et non les personnes y travaillant. Ces initiatives disent avoir pour objectif d’accroître la pression sur Israël pour que le pays change sa politique, mette fin à la guerre et s’engage à nouveau dans un processus de paix avec les Palestiniens, et elles se justifient par l’argument que toute université israélienne, du simple fait de son existence, soutient les politiques de l’État hébreu. Or il y a de sérieuses raisons de douter, tant de l’efficacité politique de ces pratiques de boycott que des représentations qui les motivent. Pour clarifier le rapport des universités israéliennes au gouvernement Netanyahu, et lever le voile sur leur rôle et fonctionnement dans le conflit actuel et au sein de la société israélienne, K. est allé interroger les professeurs Itaï Ater et Alon Korngreen, membres du groupe « Universitaires pour la démocratie israélienne », ainsi que le professeur Eyal Benvenisti.

Pour les critiques contemporains du sionisme religieux, sa fièvre messianique serait avant tout la conséquence de sa religiosité. Ainsi posé, le problème n’admet qu’une seule solution : pour que la vie en Israël ne soit une négation ni de l’exil, ni des droits des Palestiniens, le sionisme ne saurait être que laïc. Dans cette lecture personnelle du dernier essai d’Amnon Raz-Krakotzkin, Conscience mishnique, conscience biblique : Safed et la culture sioniste (Éditions du Kibbutz Ha-Meuhad et de l’Institut Van Leer, 2022), Noémie Issan-Benchimol propose à notre critique un autre appui normatif : le modèle protosioniste de Safed, pour la conscience duquel l’exil se vit par excellence en Israël. En pointant vers l’idéal d’une articulation entre la loi et la mystique, c’est un autre possible qui se trouve ouvert. À moins qu’il n’ait déjà le statut d’une réalisation ?

Nous rendons cette semaine accessible un nouveau texte en version audio, lu par Sephora Haymann. Il s’agit du témoignage bouleversant de Cléo Cohen suite à l’attentat de la Ghriba, où sont évoqués l’antisémitisme tunisien et l’épreuve qu’il représente pour cette jeune juive cherchant à renouer avec ses origines arabes.

Comment les universitaires israéliens réagissent-ils à l’appel au boycott de leurs universités, et à l’idée qu’elles soutiendraient la politique menée par l’État hébreu ? Quelles relations entretiennent-ils avec le gouvernement Netanyahu, et comment la guerre a-t-elle affecté leur liberté académique ? Pour éclaircir ces questions, K. est allé les interroger directement. Nous publions les réponses des professeurs Itaï Ater et Alon Korngreen, membres du groupe « Universitaires pour la démocratie israélienne », ainsi que celles du professeur Eyal Benvenisti, membre du « Forum des professeurs de droit israéliens pour la démocratie ».

Y’a-t-il dans l’histoire juive, un autre modèle de souveraineté juive que le modèle sioniste nationaliste ? Avec sa lecture personnelle du dernier essai d’Amnon Raz-Krakotzkin, Conscience mishnique, conscience biblique : Safed et la culture sioniste, Noémie Issan-Benchimol nous fait découvrir une autre manière de penser l’existence juive en terre d’Israël : le modèle de Safed, pour lequel il n’est pas d’en dehors de l’exil. 

À trente ans, Cléo Cohen est représentative d’un mouvement qui traverse une partie de la jeune génération sépharade : le désir de renouer, par-delà les silences et parfois les réticences de leurs parents et de leurs grands-parents, avec leur histoire arabe. Partie vivre en Tunisie – où elle a eu « l’impression de [se] sentir chez [elle] » – elle était dans la synagogue de la Ghriba quand a eu lieu l’attentat. Dans ce texte, elle témoigne de son angoisse pendant l’attaque, et surtout de la façon dont l’évènement est venu percuter son parcours. Elle dit l’antisémitisme terroriste, l’antisémitisme latent de la société tunisienne, l’antisémitisme qui interdit de reconnaître les juifs comme des victimes, et le grand silence, en Tunisie comme en France, au milieu duquel cet antisémitisme se déploie.

Avec le soutien de :

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.