# 183 / Edito

Merveilleuse époque que la nôtre. Vous rêviez qu’il soit possible d’être à la fois ultra-sioniste, grand ami de Netanyahou, et antisémite et révisionniste ? De s’attaquer à la cabale cosmopolite de George Soros et de ses sbires de l’Union européenne, en les accusant justement d’être antisémites ? Viktor Orbán, ami autoproclamé d’Israël et du peuple juif, l’a fait, et il est difficile de ne pas voir le sourire carnassier qui se cache derrière cette main tendue. Cette semaine, en partenariat avec la DILCRAH, János Gadó nous fait visiter la réalité parallèle de la Hongrie contemporaine. Là-bas, l’affirmation d’une « tolérance zéro » face à l’antisémitisme n’empêche pas la réhabilitation de collaborateurs nazis et la diffusion de tropes antisémites éculés : il n’y a de toute façon que les opposants politiques pour détester les juifs. De l’analyse de Gadó, on retire la certitude que, vraiment, il y a des amitiés dont on se serait bien passé. Et ce n’est pas la moindre faute du gouvernement Netanyahou que de les entretenir.

Saviez-vous qu’à l’époque moderne, mais bien avant la création de l’État d’Israël ou même la naissance du sionisme, il avait existé un territoire où les juifs avaient pu jouir de l’autonomie politique ? Évidemment, il fallait que ce soit dans un lieu parfaitement incongru : au cœur de la forêt tropicale sud-américaine. Et, moins bonne surprise, il s’avère que ces juifs-là faisaient travailler des esclaves dans leurs plantations de canne à sucre. Admettons que ça dépayse. Anshel Pfeffer nous emmène à la découverte de Jodensavanne, cette éphémère colonie juive sur les rives du fleuve Suriname. Mais, alors que le site vient d’être classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, que reste-t-il aujourd’hui de la communauté des juifs du Suriname ?

Voilà que la réputation d’un saint homme ploie sous les coups de boutoirs de l’opinion publique. C’est là un juste retour des choses, puisqu’il apparaît que l’abbé Pierre, loin de s’être fait l’apôtre de l’universalité du droit au logement, n’hésitait pas à le conditionner quelquefois à un sordide troc sexuel. Mais, remarque Danny Trom, l’attribution publique du pardon ou de l’opprobre obéit décidément à des lois bien mystérieuses. Car ce n’est pas la seule fois que notre Abbé revenait sur sa profession de foi, et refusait un abri à ceux qui n’en avaient pas…

Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán se distingue par son opposition systématique aux valeurs et politiques dominantes de l’UE. Comment s’étonner alors que, depuis le 7 octobre, il n’ait fait qu’intensifier son soutien à l’État israélien, n’hésitant pas à qualifier d’antisémite la moindre critique émanant de ses partenaires européens ? János Gadó analyse ici avec lucidité les paradoxes d’un gouvernement qui, tout en voulant se faire passer pour l’ami des juifs, trafique la mémoire de la Shoah et recycle les tropes antisémites les plus éculés. 

Perdus au milieu de la forêt tropicale, les vestiges d’une autonomie juive oubliée viennent d’être inscrits au patrimoine de l’UNESCO. Anshel Pfeffer nous emmène en expédition au Suriname, ce tout petit pays d’Amérique du Sud qui, à en croire certains de ses habitants, aurait pu devenir un véritable État juif.

L’abbé Pierre n’a décidément plus la côte, et pour de bien bonnes raisons. Danny Trom tenait cependant à enfoncer encore un peu le clou, en rappelant que la pulsion sexuelle n’est pas la seule que la charité bien ordonnée de l’Abbé se soit avérée incapable de maîtriser.

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Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.

La revue a reçu le soutien de la bourse d’émergence du ministère de la culture.