Peut-être aurez-vous remarqué, lors de l’année presqu’écoulée, l’extraordinaire capacité d’Israël à se retrouver placé au centre du monde et de ses problèmes. Puisque nous aurons indubitablement l’occasion de continuer à nous débattre avec cette tendance, il serait utile de clarifier pourquoi elle nous apparaît si suspecte. Si la juste place d’Israël n’est pas au centre du monde (même à supposer qu’il soit juif), alors où se trouve-t-elle ? C’est l’enjeu du texte écrit à quatre mains par Noémie Issan-Benchimol et Gabriel Abensour, qui se proposent d’établir une cartographie des diasporismes. Renvoyant dos à dos le sionisme religieux et le néo-diasporisme de ces intellectuels qui idéalisent l’exil depuis les campus américains, ils indiquent une issue à leur impasse politique. Pour qu’Israël puisse être saisi comme une réalité politique susceptible d’être critiquée et améliorée, il est nécessaire de lui ôter son caractère d’exception métaphysique, qu’elle soit pensée comme une rédemption ou une damnation. C’est-à-dire qu’il faut le réinscrire dans la situation politique des juifs : « il n’y a pas d’en dehors de l’exil ».
Vous êtes-vous déjà demandé si l’antisionisme ne serait pas notre meilleur espoir d’échapper à une destruction planétaire causée par le réchauffement climatique ? Non ? C’est que vous n’avez pas lu Andreas Malm, dont les théories éco-marxistes et l’invitation à désarmer l’industrie fossile ont trouvé un vaste écho dans les cercles militants. Malm met en effet la cause palestinienne au centre de la lutte écologique, n’hésitant pas s’inspirer des « sabotages » du Hamas et à suggérer qu’il faudrait en passer par la destruction d’Israël pour mettre fin aux émissions de gaz à effet de serre. Sylvaine Bulle, qui a la défense de l’écologie politique à cœur, déplie pour K. la logique de cet antisionisme vert, et montre que cette focalisation sur « l’entité sioniste » traduit l’échec de la pensée écologique, rendant impensable la perspective de l’émancipation.
Pour clore ce numéro de rentrée, nous publions deux brèves de notre estimé collaborateur Karl Kraus : « Choses (juives) vues« . La bêtise ne prenant malheureusement pas de vacances, il lui fallait rester fidèle au poste et passer l’été à la traquer, jusque dans les gribouillis d’un mauvais plaisantin. Mais cette nécessité de rester à l’affût, cette impossibilité de laisser l’esprit prendre des vacances face à un monde qui semble ne connaître que la logique du pire, cela fatigue. Dans cette fatigue-là, chacun pourra facilement se reconnaître.