#13 / Edito

 

Les Blancs, les juifs et nous est le titre inoubliable du livre d’Houria Bouteldja où la porte-parole du mouvement des Indigènes de la république exhortait les Juifs français à se débarrasser de leur « blanchité » pour qu’ils retrouvent leur condition originelle de non-blanc et cessent de se complaire dans leur rôle de « dhimmis de la République ». Le livre de Bouteldja, en 2016, appartient à ce que Balázs Berkovits – dans son texte dont  K. publie cette semaine la première partie – déconstruit comme un « simulacre de théorie sociale ». Parodie d’histoire politique et culturelle pourrait-on ajouter, mais qui trouve la plupart de ses développements dans la critical race theory (« Théorie critique de la race ») et les critical whiteness studies (« Études critiques sur la ‘blanchité’ »), disciplines de plus en plus populaires sur les campus américains. Un retour sur les racines de ces thèses s’imposait, pour comprendre la généalogie d’un discours au sein duquel la définition des Juifs comme « blanc » est un enjeu politique et militant majeur. Symptôme caricatural : un tract circulant dans une université américaine en 2017 qui stipulait que « pour en finir avec le privilège blanc, il faut commencer par en finir avec le privilège juif ».

Un tel slogan aurait sans doute stupéfié les participants du colloque sur « le nazisme et les lois raciales en Italie » qui s’est tenu le 13 mars 1961 au Teatro Comunale de Bologne. Primo Levi y prenait publiquement la parole pour la première fois. C’était l’époque, qui semble devenue bien lointaine, où les mots « fascisme » et « antifascisme » avaient un sens encore stabilisé, devaient permettre de créer une ligne de distinction claire entre des positions clairement antagonistes, et semblaient encore opératoires pour articuler un appel à la vigilance dans une période de fortes tensions sociales et politiques en Italie. Quelques années plus tard : la radicalisation des mouvements d’extrême gauche et d’extrême droite allait produire les « années de plomb ». Dans le cadre du cycle de rencontres intitulé « Trent’anni di storia italiana » (« Trente ans d’histoire italienne »), le Musée hébraïque de Bologne consacre une exposition virtuelle à l’impact de cette journée d’intervention du 13 mars 1961 en général et sur celle de Primo Levi en particulier. Guido Furci l’a visité pour nous.

Le journaliste Danny Leder nous convie à une autre visite, en Autriche. On le sait, Hitler y fut accueilli en 1938 sous les hourras ; et ce mois-ci le drapeau israélien a été dressé sur le toit de la Chancellerie générale en soutien à l’État hébreu dans le conflit qui l’opposait au Hamas. De Kurt Waldheim et son passé nazi à Sebastian Kurz, actuel chancelier conservateur, en passant par Jörg Haider, précurseur du national-populisme européen, Danny Leder nous entraine à travers un récit parfois personnel dans les méandres d’une vie politique hantée par le passé. D’abord allié avec l’extrême droite du FPÖ, puis artisan d’une coalition avec les Verts, Sebastian Kurz reconnait les responsabilités autrichiennes dans la Shoah, affiche un soutien ferme à l’État d’Israël, mais tient des discours sur les migrants qui le rapprochent de l’extrême droite xénophobe. La communauté juive se trouve prise en porte-à-faux, ne sachant trop comment se positionner, dans un contexte où le terrorisme islamiste frappait encore, il y a peu, à proximité de la Grande Synagogue de Vienne.

Comment les Juifs en sont-ils venus à être définis comme « blancs » par un discours critique en vogue aujourd’hui ? Pourquoi qualifier les Juifs de dominants ou de privilégiés – et Israël d’entité coloniale pratiquant un apartheid motivé par un suprématisme juif et blanc ? Première partie d’un essai de Balázs Berkovits sur la supposée couleur des Juifs…

Le 13 mars 1961, Primo Levi était invité, avec d’autres personnalités de la scène politique et intellectuelle italienne, à parler au Teatro Comunale de Bologne, dans une série de conférences sur « Le nazisme et les lois raciales en Italie ».  Le Musée hébraïque de Bologne consacre une exposition virtuelle à l’impact de cette intervention sur l’opinion publique de l’époque et sa résonnance aujourd’hui.

Lors de l’affrontement avec le Hamas, le chancelier conservateur autrichien Sebastian Kurz a fait hisser le drapeau israélien sur les bâtiments gouvernementaux. Après avoir gouverné avec l’extrême droite, Kurz dirige maintenant une coalition avec les Verts. À l’inverse d’autres leaders d’Europe centrale qui écartent les responsabilités historiques de leurs nations, Kurz tient un discours limpide sur l’implication autrichienne dans la Shoah. Au sein de la communauté juive, la satisfaction prévaut. Mais des personnalités juives emblématiques restent à l’écart de cet engouement pour Kurz.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.