Entretien avec Tal Bruttmann. L’historien de la Shoah face au 7 octobre

Après le 7 octobre, les historiens de la Shoah ont été sollicités par les médias pour commenter l’événement. Au-delà de ces sollicitations, beaucoup ont pris la parole directement, notamment dans le monde américain, pour défendre des positions de nature politique. Les tribunes se sont multipliées, donnant lieu à des polémiques au sein du monde académique, autour de la question des usages de l’histoire et de la mémoire de la Shoah, de la manière dont elles font retour et pourraient éventuellement être instrumentalisées dans le conflit en cours. Que signifie ce retour massif de l’histoire et de la mémoire de la Shoah comme référence depuis les massacres du 7 octobre – comme d’ailleurs la prolifération du mot « génocide » pour condamner la guerre menée par Israël à Gaza ? Comment comprendre en effet des discours qui prétendent qu’Israël instrumentalise la mémoire de la Shoah en vue de justifier une guerre considérée comme génocidaire, reprenant donc ce trope qui veut que les victimes soient devenues les bourreaux ? Nous avons demandé à Tal Bruttmann de nous éclairer sur ces différents points. Entretien en partenariat avec Akadem.

 

Tal Bruttmann (c) Akadem
Stéphane Bou : Tal Bruttmann, en tant qu’historien spécialiste de la Shoah et de l’antisémitisme, que pensez-vous que votre discipline puisse apporter à l’éclairage de la situation présente ? La référence à la Shoah, qu’elle soit mise en avant ou critiquée par ceux qui en déplorent « l’instrumentalisation », est absolument omniprésente dans le commentaire de l’événement. Comment percevez-vous ce phénomène ?

Tal Bruttmann : L’événement qui s’est produit le 7 octobre constitue une rupture fondamentale par rapport à la séquence historique qui s’est ouverte en 1945, avec la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah. À partir de ce moment-là, s’impose l’idée que l’antisémitisme est banni, qu’il n’a plus voix au chapitre et qu’il ne devrait plus pouvoir s’exprimer. Ça ne veut pas dire que les massacres de Juifs cessent magiquement dans l’après-guerre : il y a eu encore des pogroms, en particulier en Pologne, comme à Cracovie ou Kielce, où des Juifs sont tués par dizaines, mais aussi en Angleterre ou même en France, à Lens. Toujours est-il que l’idée d’une perte d’efficience de l’antisémitisme est présente, au moins sous forme d’espoir, et se trouve confortée par la création de l’État d’Israël, qui est censé protéger les Juifs. Rappelons qu’en 1948, parmi les immigrants qui arrivent massivement, il y a énormément de rescapés de la Shoah qui viennent trouver un havre, un refuge. Et parmi eux, les Juifs polonais contemporains des pogroms qui suivent la Seconde Guerre mondiale, où il n’était question « que » de quelques dizaines de victimes.

SB : Il est intéressant de noter que ces quelques dizaines de victimes provoquent un traumatisme immense, au point que sur les 250.000 Juifs polonais qui sont présents en Pologne après 1945, quasiment 75 à 80 % d’entre eux décident de partir, notamment en Israël.

TB : La reconnaissance internationale obtenue par les Juifs en Palestine mandataire et la création de l’État suivent chronologiquement la Shoah, mais n’en sont pas une conséquence mécanique. D’une part parce que le projet, tel qu’il a été formulé par Herzl, remonte à la fin du XIXᵉ siècle, de l’autre parce qu’il ne faudrait pas croire à la fable d’une compensation magnanime accordée aux Juifs à la suite de la Shoah. La naissance de l’État d’Israël marque cependant le moment où les Juifs pourront finalement être à l’abri de l’antisémitisme, dans leur propre État. Or, le 7 octobre vient évidemment rompre de manière brutale cette idée majeure. Le 7 octobre, c’est la remise en question du havre. Des Juifs sont attaqués en tant que Juifs dans leur refuge, lors d’un massacre de masse où 1200 personnes sont tuées. À ce propos, il y a un type de réaction à cette idée qui me semble très intéressante. Je l’observe régulièrement à la suite de mes interventions dans les médias, souvent par des soutiens de la France insoumise qui viennent me rétorquer que le Hamas n’a pas attaqué des Juifs mais des Israéliens, et que ça n’a donc rien à voir avec de l’antisémitisme. Évidemment, c’est faire peu de cas des déclarations du Hamas et des tueurs eux-mêmes, tel que celui filmé en train d’appeler sa mère pour se vanter : « Maman, Maman, j’ai tué dix Juifs ! ». Cela dit surtout l’efficacité de la stratégie qui a consisté, depuis l’époque de l’URSS, à substituer « sale sioniste » à « sale Juif ». Ça a été récupéré par un grand nombre de mouvements antisémites, depuis la Nation of Islam aux États-Unis, jusqu’à Dieudonné et Soral en France, qui ont fait pulluler cette idée à l’extrême gauche, voire dans une partie de la gauche, qui parle aujourd’hui de sionisme à longueur de journée. Et on voit bien que quand on dit que ce sont des sionistes israéliens qui ont été tués, c’est pour ne pas dire que ce sont des Juifs qui ont été tués.

Si le 7 octobre nie le « Plus jamais ça ! », et évoque donc la Shoah, on ne peut pas ignorer, du moins en tant que spécialiste de l’antisémitisme, que tuer des Juifs est malheureusement une activité tout à fait traditionnelle.

SB : Il y avait aussi des Arabes israéliens parmi les victimes ainsi que des travailleurs étrangers comme des Thaïlandais, des Népalais ou des Philippins.

TB : Oui, car comme dans la plupart des massacres de masse, on tue l’objectif et puis on emporte tous ceux qui passent à côté, au même moment : tous ceux qui n’avaient pas à être là. Car ce qui est supposé, c’est que leur simple présence signifie déjà leur complicité, sinon leur culpabilité. Ce qui montre bien à quel point cet événement porte atteinte à l’idée d’un refuge pour les Juifs : on peut être la cible d’un massacre simplement parce qu’on y est présent. Il faut vraiment souligner que c’est la première occurrence d’un massacre massif de Juifs dans le havre qui devait les protéger. Ce n’est bien sûr pas la première attaque terroriste qui a lieu en Israël : dans les années 60-70, le Fatah ou le FPLP, ont régulièrement attaqué les kibboutz ou les villages à proximité des frontières. Mais on avait alors quelques dizaines de victimes tout au plus. Là, on est vraiment face à une tout autre échelle, avec en plus une opération au sens militaire du terme, ultra planifiée, où les viols, les mutilations, les prises d’otage ont fait partie intégrante de l’opération. Il ne s’agissait pas simplement d’exécuter des gens… Et en plus, il fallait filmer l’opération et la diffuser.

SB : Qu’est-ce que l’historien de la Shoah peut dire sur cette manière de faire ? Personnellement, mon premier réflexe a été de me dire qu’il y avait quelque chose de l’ordre de la pulsion exterminatrice qui avait fait retour le 7 octobre. Est-ce que c’est raisonnable de dire les choses en ces termes selon vous ?

TB : Je suis historien, pas psychanalyste ou psychiatre. Je ne me réfère pas aux « pulsions ». Ici, on a affaire à une organisation terroriste. Le Hamas est un mouvement politique avec une idéologie très fortement structurée, et est doté d’une branche militaire. Ce qui s’est produit le 7 octobre est une opération militaire avec des objectifs. Et quels sont les objectifs ? C’est de tuer des Juifs, d’en capturer pour en faire des otages et les ramener dans la bande de Gaza comme monnaie d’échange, moyen de pression et de marchandage. Je ne vois pas en quoi ça relèverait de la pulsion. Ce sont non seulement les exécutions qui étaient planifiés, mais également les viols et les mutilations. Tout ça fait partie intégrante d’une opération qui avait pour but de porter un coup aussi violent que possible à la société israélienne.

Stéphane Bou : « Pulsion » n’est sans doute pas le bon mot… En fait, ce qui m’intéressait, c’était plutôt de pointer le mot extermination. C’est-à-dire que ce n’est pas la même chose de faire une opération militaire, d’aller tuer ses ennemis dans une visée stratégique, et de donner libre cours à un désir de les détruire. Le massacre qui a eu lieu dépassait le geste militaire à proprement parler.

TB : Mais quand j’ai dit « opération militaire », je n’ai pas dit combat contre une armée. J’ai dit une opération militaire qui vise à la destruction des populations civiles. Il faut entendre chaque mot. C’est une opération réalisée par une armée : le Hamas est une organisation militaire. Son objectif militaire, c’était de tuer des civils : ça s’appelle une opération d’assassinat. Voilà, c’est ça la réalité. Et donc on est d’accord sur le fond. Mais il faut comprendre que quand on analyse ça en tant qu’historien, en tant que spécialiste des violences de masse, on se situe dans des champs d’analyse qui nous font dire les choses d’une manière qui peut paraître froide, mais qui vise à utiliser des termes précis pour qualifier l’événement tel qu’il s’est déroulé. À mon avis, le terme « exterminer » fait d’ailleurs difficulté. J’invite à lire Raul Hilberg pour voir à ce propos les problèmes qui sont posés par ce terme. Mais c’est assurément une opération d’assassinat. 2500 à 3000 membres du Hamas ont été lancés avec comme mission de tuer le maximum de Juifs qu’ils pouvaient trouver. Dans le film qui a été projeté aux journalistes et aux diplomates par Israël, on voit qu’à un moment, un ordre est donné d’arrêter la tuerie et de ramener des otages. Autrement dit, on a énormément d’éléments qui montrent à quel point tout cela a été planifié. Il y a eu carte blanche pour tuer tous ceux qu’ils pouvaient trouver et en même temps, il y avait aussi l’idée qu’il fallait en garder quelques-uns en vie. On le voit par moment sur les images. Tous ceux qu’ils attrapent ne sont pas exécutés immédiatement, certains sont mis de côté, ce qui indique bien que les tueurs savaient qu’ils avaient un quota à ramener à l’intérieur de la bande de Gaza. Si on s’en remet au droit international, on est là face à quelque chose qui, contrairement à ce que racontent par exemple Mélenchon et sa bande, ne relève pas simplement du crime de guerre, mais bien du crime contre l’humanité, voire, en effet, d’une intention génocidaire.

Le problème, c’est cette trivialisation permanente des symboles relevant de la répression, de la violence nazie… Et on en arrive à la convocation abusive de la notion de génocide.

SB : On arrive peu à peu à la question qui me paraît la plus centrale, avec ce mot de « génocide » qui fait tellement polémique aujourd’hui. Tout ce que vous avez rappelé renvoie à cette question de l’omniprésence de la référence à la Shoah pour parler du 7 octobre, au fait que, d’un côté comme de l’autre, elle soit opérée. Je voudrais que vous commenciez par parler de ce que cela représente pour les Israéliens de se référer à la Shoah.

TB : Il faut comprendre le rapport très ambigu qu’entretient Israël à la mémoire de la Shoah et à son poids. Cependant, initialement, en gros lors des trois premières décennies de l’histoire de l’État, Israël rejette l’histoire de la Shoah comme ne faisant pas partie de son ADN. Je renvoie par exemple au livre de Tom Segev, Le Septième Million, qui montre bien le très mauvais accueil qui est fait aux rescapés de la Shoah par les pionniers. Et puis, peu à peu, la Shoah est devenue partie intégrante de l’ADN israélien, au point d’en devenir un élément exacerbé. La Shoah constitue le point culminant de l’histoire des violences antisémites, le point le plus traumatique face auquel peut s’affirmer et s’incarner un « Plus jamais ça ! » sur lequel se construit l’État d’Israël, qui lui donne sa mission historique. Mais c’est là où il y a un paradoxe pour l’historien. Car si le 7 octobre nie le « Plus jamais ça ! », et évoque donc la Shoah, on ne peut pas ignorer, du moins en tant que spécialiste de l’antisémitisme, que tuer des Juifs est malheureusement une activité tout à fait traditionnelle. C’est-à-dire que 1200 Juifs morts, ça ne renvoie pas d’abord à la Shoah, mais à tout un ensemble de violences antijuives qui la précèdent de loin, ayant commencé quasiment au Iᵉʳ siècle de notre ère, avec par exemple ce qui est appelé le pogrom d’Alexandrie. On n’a pas attendu la Shoah pour tuer des Juifs. Mais, parmi cette longue liste d’évènements, il y a le plus radical, l’acmé de la violence antisémite que représente la Shoah, et qui a écrasé tout le reste. Littéralement, ça a tout emporté. D’emblée la Shoah est donc convoquée. Les atrocités du 7 octobre renvoient au pire des événements, à celui qui est central dans la mémoire des Israéliens comme dans celle des Juifs de par le monde. La tentation est grande de s’en remettre immédiatement à cet événement du côté israélien : on peut rappeler l’exemple de l’ambassadeur d’Israël à l’ONU, qui s’affuble d’une étoile jaune.

Lorsque l’on compare la manière dont certains montent aujourd’hui au créneau pour dénoncer un supposé génocide à Gaza à leurs déclarations passées sur des sujets comme les Ouïgours ou la Syrie, on se rend compte de la vacuité de leurs postures qui sont fondamentalement idéologiques.

SB : Ce qui a tout de suite été condamné par Danny Dayan, le président de Yad Vashem…

TB : Et montre que les Israéliens n’ont pas tous perdu la tête par rapport à l’événement… Ce qu’a fait l’ambassadeur d’Israël à l’ONU a entraîné le concert des condamnations habituelles. Mais j’en profite ici pour rappeler – ce que j’ai pointé depuis de très nombreuses années, mais qui n’intéresse apparemment pas grand monde – que Jean-Luc Mélenchon se balade avec le pin’s d’un triangle rouge depuis des années, et une partie de ses lieutenants de la France insoumise aussi. C’est quoi ce pin’s ? Il renvoie au triangle rouge des prisonniers politiques dans les camps de concentration, ce qui ne choque personne. Quand je l’évoque, il apparaît que les gens n’ont pas relevé que Jean-Luc Mélenchon se balade avec un symbole concentrationnaire. L’idée est pourtant : « c’est nous qui combattons les nazis » ; ou alors : « on est des prisonniers politiques, des héritiers des victimes des nazis ». Est-ce que Jean-Luc Mélenchon n’est pas au moins aussi critiquable que l’ambassadeur d’Israël à l’ONU quand il s’affiche avec une étoile jaune ? Que je sache, l’ambassadeur israélien est un Juif descendant de rescapés de la Shoah. Jean-Luc Mélenchon n’est pas descendant d’un rescapé des camps. Le problème, c’est cette trivialisation permanente des symboles relevant de la répression, de la violence nazie… Et on en arrive à la convocation abusive de la notion de génocide.

SB : Laquelle n’a d’ailleurs rien de nouveau.

TB : En effet, cela fait 40 ans qu’Israël est régulièrement accusé par ses adversaires idéologiques de commettre un génocide. Mais, à part des déclarations tonitruantes, il n’y a aucune preuve de génocide qui a pu être apportée à ce jour. Évidemment, aujourd’hui, elle est de nouveau martelée, et en premier lieu par des gens qui n’ont aucune compétence particulière dans ce champ-là. C’est un problème fondamental, car la notion de génocide est une notion extraordinairement complexe d’un point de vue juridique. Quand on se saisit de la notion de génocide, il faut savoir de quoi on parle, ce qui est le cas de bien peu de gens. Par exemple, Didier Fassin a récemment mis le feu aux poudres avec un article qui nous met en garde contre le potentiellement premier génocide du XXIᵉ siècle. Ce qui montre à quel point il ne suffit pas d’être professeur au Collège de France, médecin, anthropologue et sociologue pour dire des choses pertinentes sur la question du génocide. Fassin ne connaît visiblement pas l’histoire des violences de masse, notamment en ce qui concerne le XXIᵉ siècle, puisqu’il omet de mentionner ce qui se passe en Chine depuis quasiment une décennie contre les Ouïgours, et qui relèverait selon de nombreuses organisations internationales du crime de génocide. Pas plus qu’il ne s’intéresse au cas des Rohingyas en Birmanie, qui sont une minorité musulmane comme les Ouïgours, et qui sont persécutés cette fois non pas par un pouvoir communiste, mais par les Birmans bouddhistes. Il s’agit donc de dégainer immédiatement l’accusation de génocide contre Israël, et on comprend bien l’enjeu qu’il y aurait à dire « Israël, premier génocidaire du XXIe siècle », c’est-à-dire de comparer Israël aux nazis. C’est assez explicite quand Fassin décrit l’action militaire à Gaza en miroir de ce que les Allemands ont fait dans l’actuelle Namibie en 1904-1905, en massacrant les Hereros. Il y a tout un jeu malsain, mais finalement assez assumé, qui consiste à dire que les Israéliens ne sont pas bien différents des nazis. Ils ont beau avoir été victimes, en tant que Juifs, ils ne valent pas mieux que leurs bourreaux, puisque, in fine, ils font la même chose. Lorsque l’on compare la manière dont certains montent aujourd’hui au créneau pour dénoncer un supposé génocide à Gaza à leurs déclarations passées sur des sujets comme les Ouïgours ou la Syrie, on se rend compte de la vacuité de leurs postures qui sont fondamentalement idéologiques. À partir du 8 octobre, il y a eu une floraison de tribunes de la part de gens qui se sont arrogé le droit de parler. Mais on peut se demander au nom de quoi, sinon de leur égo. Parce que quand on regarde l’ensemble de ces tribunes, il y a très peu d’authentiques spécialistes, qu’il s’agisse d’Israël, de la Palestine, des questions qui relèvent du Proche-Orient ou du monde arabe. Et donc, sans surprise, on se retrouve avec des prises de position publiques qui racontent des choses qui sont factuellement fausses. C’est aussi simple que ça. On a l’impression que le factuel a perdu toute importance par rapport à ce qui est en train de se dérouler. Et on voit des gens comme Enzo Traverso venir nous expliquer dans Mediapart des choses qui sont là aussi factuellement fausses.

Netanyahou et son gouvernement ont aussi des responsabilités très lourdes, de par leurs déclarations et leur volonté politique. L’opération militaire telle qu’elle est menée se fait sans véritable objectif – la « destruction du Hamas » ne veut pas dire grand-chose – ni réflexion sur l’après.

SB : Enzo Traverso écrit que la guerre à Gaza brouille la mémoire de la Shoah. Comment entendez-vous cette phrase ? Qu’est-ce que cherche un texte qui considère qu’Israël instrumentalise la mémoire de la Shoah pour justifier sa guerre génocidaire, reprenant donc ce trope qui veut que les victimes soient devenues les bourreaux. J’ai l’impression que c’est assez récent que des intellectuels s’emparent de ce trope et lui donnent une légitimité. Cela donne lieu à une situation d’une confusion extrême, car accuser Israël d’instrumentaliser la Shoah à des fins idéologiques, c’est aussi faire un usage idéologique de la mémoire de la Shoah. Il y a une sorte de conflit sur les « bons » usages de la mémoire de la Shoah, et il devient très difficile de s’y repérer.

TB : Je ne suis pas sûr qu’il y ait véritablement quelque chose de nouveau là-dedans. Je pense que c’est surtout l’ampleur, la visibilité de ce phénomène qui sont nouvelles. Je pense que vous avez totalement raison dans votre description de la situation. Et il ne faut pas y négliger les responsabilités du gouvernement israélien, qui a fait un certain nombre de déclarations qui sont profondément problématiques et scandaleuses. On ne peut pas considérer que seuls ceux qui sont radicalement opposés à Israël et qui font preuve d’un « antisionisme » crasse soient responsables de cette confusion. Netanyahou et son gouvernement ont aussi des responsabilités très lourdes, de par leurs déclarations et leur volonté politique. L’opération militaire telle qu’elle est menée, avec la destruction quasi systématique du bâti, se fait sans véritable objectif – la « destruction du Hamas » ne veut pas dire grand-chose – ni réflexion sur l’après. Il ne faut pas négliger ces faits et se contenter de mettre Israël en position de victime. Maintenant, en ce qui concerne les déclarations d’un Traverso, le degré d’embrouillamini de sa posture et de ses accusations relève quasiment du génie. Le texte de l’interview a quasiment deux mois aujourd’hui. À ce moment-là, les experts militaires montraient que les bombardements d’Israël sur la bande de Gaza étaient d’une ampleur quasiment inédite dans l’histoire et qu’il y avait eu plus de bombes lâchées sur Gaza en un mois que dans la plupart des autres conflits précédents. L’ampleur des bombardements sortait donc de l’ordinaire. Est-ce qu’on peut la mettre en rapport avec le nombre de morts ? Je ne vise pas à faire une comptabilité macabre. C’est juste que si vous balancez un nombre de bombes sans guère d’équivalent dans l’histoire, et que le nombre de morts demeure relativement réduit, c’est soit que l’objectif est totalement raté, soit que ce n’était pas l’objectif. De la même manière, les ordres donnés d’évacuer les zones ciblées par les bombardements ne collent pas vraiment avec une visée de destruction génocidaire. Mais ces éléments ne sont pas pris en compte par les accusateurs… Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de crimes de guerre potentiels. C’est une question qu’il faut évoquer, voire celle de crimes contre l’humanité qui pourraient être imputés à Israël. Il ne faut pas s’en défausser. Mais ce qui est intéressant, c’est cette tendance à qualifier immédiatement l’action militaire d’Israël de génocidaire, alors qu’on refuse de qualifier ce qui est fait en face. La France insoumise, par exemple, saute très rapidement au-dessus de la case « crime de guerre », puis « crime contre l’humanité » concernant Israël, pour lui accoler l’étiquette de « génocide », alors que pour le Hamas, qui a commis au minimum un crime contre l’humanité, voire ce qui relèverait d’une volonté génocidaire, on en reste au crime de guerre. On perçoit bien les enjeux et la manière dont on peut instrumentaliser le droit pour disqualifier son ennemi. Pour la France insoumise, Israël commet un génocide. Le Hamas, lui, seulement des crimes de guerre, ce qui est beaucoup plus respectable. Pour saisir l’ampleur des usages politiques autour de l’accusation de génocide, il n’est d’ailleurs pas inutile de regarder les positions passées de ceux qui se font les chantres de l’accusation portée contre Israël.

L’Afrique du Sud avait refusé, en 2015, d’arrêter Omar el-Béchir, pourtant visé par deux mandats d’arrêts internationaux émis par la CPI pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre au Darfour. La référence au droit international est donc à géométrie variable.

SB : Vous faites allusion à la manière avec laquelle l’Afrique du Sud a saisi la Cour internationale de justice (CIJ) en affirmant qu’il existait un « risque sérieux de génocide » à Gaza…

TB : L’Afrique du Sud avait refusé, en 2015, d’arrêter Omar el-Béchir, pourtant visé par deux mandats d’arrêts internationaux émis par la CPI pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre au Darfour. Et l’année dernière, l’ANC, parti au pouvoir en Afrique du Sud, avait fait savoir, concernant l’éventuelle venue de Poutine lors du sommet des BRICS, qu’à ses yeux il était le bienvenu. Cyril Ramaphosa estimait quant à lui qu’une arrestation de Poutine « équivaudrait à une déclaration de guerre. Cela ne serait pas cohérent avec notre Constitution de risquer d’engager le pays dans une guerre avec la Russie ». La référence au droit international est donc à géométrie variable. Et l’on peut établir le même constat pour LFI. Il faut relire les multiples déclarations qui ont suivi le refus de ses élus de voter en janvier 2022 la résolution de l’assemblée concernant la reconnaissance du génocide des Ouïghours. Vote que Mélenchon avait qualifié de gesticulation, expliquant que si vote il y avait cela induisait l’obligation « d’intervenir pour l’arrêter » ou encore de rompre les relations avec Pékin. Il appelait, entre autres déclarations, à « un dialogue constructif » avec la Chine… Si on lui fait crédit de ses positions d’il y a deux ans, alors cela signifie qu’il est pour la rupture des relations avec Israël et qu’il a l’intention de pousser la France à déclarer la guerre à Israël. À moins que de considérer que ses déclarations de janvier 2022 ne sont qu’une pure imposture, destinée à servir de paravent au refus de qualifier le sort des Ouïghours de génocide, au contraire de nombre de rapports internationaux, qui ne semblent, eux, avoir aucune valeur à ses yeux…

SB : L’horizon d’une de mes questions précédentes était de vous demander comment vous abordez le problème du positionnement politique et idéologique de l’historien, du spécialiste de la mémoire de la Shoah, dans le cadre du conflit actuel. Qu’est-ce qu’il peut s’autoriser à communiquer dans des tribunes ? Aux États-Unis, il y a eu des polémiques, avec des historiens de la Shoah qui prennent position, et qui se disputent sur l’interprétation de l’événement. Là, pour le coup, ce sont des spécialistes qui s’opposent. Et j’ai l’impression que ça constitue une nouveauté, que le 7 octobre a changé quelque chose dans la manière qu’ont les historiens de prendre position politiquement et idéologiquement sur l’actualité.

TB : Il faudrait distinguer qui parle et d’où ils parlent. Enzo Traverso prend la parole alors qu’il n’est spécialiste d’aucun des champs qui sont directement concernés. Être spécialiste des Juifs ne fait pas de vous un spécialiste ni des violences de masse, ni d’Israël, ni de la Palestine, ni du Hamas, ni des Palestiniens. Les spécialistes de la Shoah ont pris la parole pour tout un ensemble de questions autour de la qualification du 7 octobre par rapport à l’histoire des violences de masse contre les Juifs, par rapport aux accusations de génocide. Ils interviennent en tant que spécialistes qui ont une compétence sur ces questions-là. Ensuite, qu’ils débattent et qu’ils se disputent, comme vous l’avez dit, relève du débat habituel entre académiques.

SB : Vous ne trouvez pas qu’il y a quand même aujourd’hui une couleur un peu différente ? Quand un historien de la Shoah affirme qu’il y a une intention génocidaire de la part d’Israël là ou un autre dit que ce n’est pas le cas, est-ce que ce ne sont pas des oppositions politiques, des différences idéologiques qui se manifestent ? J’ai l’impression que le 7 octobre a provoqué quelque chose de nouveau…

TB : Je ne suis pas certain. C’est à vif, c’est saillant, mais je vous renvoie aux suites du 11 septembre 2001 où, là aussi, il y a eu énormément de débats intellectuels dans les milieux académiques. Et même avant, durant la longue période de la guerre froide, on a eu énormément d’intellectuels qui s’étripaient à longueur de tribunes, avec des accusations qui fusaient d’un camp contre l’autre, fondées ou pas. À mon avis il n’y a pas grand-chose de nouveau là-dedans, mais ça cristallise énormément de choses, notamment tout un débat autour des questions liées à l’antisémitisme. C’est comme s’il sautait d’un coup aux yeux d’énormément de gens, alors qu’on avait laissé croire à sa disparition. Or, il se manifeste aujourd’hui quasiment ouvertement, en France ou ailleurs. Mais il se manifeste là où on pensait qu’il n’était plus possible qu’il se manifeste publiquement, ce qui fait qu’on n’accepte pas toujours de le voir. Le communiqué ahurissant du NPA, qui souscrit sans aucun problème à la tuerie du 7 octobre en justifiant ça par l’idée de résistance, en est un exemple parlant. Car ce ne sont pas les intellectuels déclarant leur soutien qui ont manqué, sans voir le moindre problème : le viol, la mutilation et l’assassinat de civils…

Ce qui m’interroge, moi, c’est pourquoi sur cet évènement là, tout le monde veut parler. Et pourquoi tout le monde s’autorise à raconter à peu près n’importe quoi.

SB : Il y a beaucoup de tribunes qui se plaignent d’un climat d’intimidation autour du sujet, d’une interdiction de dire, d’une sorte de censure latente.

TB : C’est l’exact pendant de ce qui se dit de l’autre côté, dans une droite dure depuis des décennies : « on ne peut plus rien dire »… On pense à la tribune de Fassin, au secours de qui a accouru une volée d’autres universitaires, pour signer une pétition de soutien disant ne plus rien pouvoir dire. Le problème, c’est que leur détestation d’Israël, ils la disent, et pas depuis une semaine, mais depuis des décennies. Ils peuvent parfaitement le dire, et ils l’ont toujours fait. Mais là on a quelque chose qui est d’une certaine façon surréaliste. Ils viennent au secours d’un universitaire, mais au nom de quoi, de quel besoin ? Est-il menacé physiquement ? Risque-t-il de perdre son poste ? Non, il s’est fait contredire sur un certain nombre de points dans des tribunes de réponse. Il faudrait donc venir au secours de quelqu’un dont la position a été débattue par des adversaires ? Il a pris la parole, et on lui a répondu. Ce qui m’interroge, moi, c’est pourquoi sur cet évènement là, tout le monde veut parler. Et pourquoi tout le monde s’autorise à raconter à peu près n’importe quoi. En France, notamment autour du cas Mélenchon, qui est symptomatique.

SB : Symptomatique en quel sens ?

TB : Cela fait dix ans que Jean Luc Mélenchon fait des déclarations antisémites, qui ne semblent poser aucun problème aux militants de son parti et à ses lieutenants qui viennent en défense de ses déclarations. Depuis le 7 octobre, ces déclarations se sont multipliées. Mais en plus, vous avez toute une série d’intellectuels, qu’on pourrait appeler intellectuels organiques pour rappeler la période communiste, qui viennent en défense de Jean-Luc Mélenchon et à qui ça ne pose là non plus aucun problème. Il faut le dire clairement et le répéter, pour une grande partie de la gauche, aujourd’hui, l’antisémitisme ne pose pas de problème du moment qu’il est formulé d’une façon « acceptable », comme en URSS sous Staline, où l’antisémitisme était requalifié d’antisionisme. Car évidemment, à aucun moment Jean-Luc Mélenchon n’a dit « les Juifs ». Il n’a pas franchi le Rubicon qui permettrait de le traîner devant les tribunaux. Mélenchon n’a jamais été condamné pour antisémitisme ? La belle affaire ! Marine Le Pen non plus. Mélenchon manie le dog whistling, c’est-à-dire les signaux qui sont compris par ceux qui veulent les comprendre. Je vais juste ici rappeler un élément factuel : dans les années 1930, en France, il n’y a pas un seul parti politique qui est ouvertement antisémite. Il y a bien des mouvements qui battent le pavé, mais ils n’ont pas d’élus au Parlement. Si vous regardez les programmes politiques des partis qui siègent, aucun n’est ouvertement antisémite. Il faut arrêter avec cette fiction qui voudrait que pour être antisémite, il faudrait l’annoncer dans le programme du parti ou vomir les Juifs en les désignant nommément. En l’occurrence, Jean-Luc Mélenchon renvoie directement au complot juif avec ses attaques. Celle contre Yaël Braun-Pivet, est, elle aussi, profondément antisémite. Ce qui est intéressant, c’est que tout le monde s’est focalisé sur la partie obscure de son tweet : « Elle campe en Israël ». Personne n’a relevé les trois premiers mots de son tweet : « Voici la France », avec une photo qui montre 3000 manifestants à République. « Voici la France » en opposition à Yaël Braun-Pivet. On est dans la même logique que Vallat qui explique que Blum et Mandel ne sont pas la France, que Poujade qui explique que Mendès France n’est pas la France. Mélenchon dit la même chose – après avoir formulé le même type d’attaque contre Pierre Moscovici il y une décennie. On est dans un maniement constant de déclarations antisémites, relayées ou diffusées par d’autres membres de la France insoumise. Et on pourrait en faire un florilège en ajoutant les sorties de Panot, Guiraud et quelques autres. L’antisémitisme à gauche se porte très bien aujourd’hui. La nouvelle gauche qui domine est celle qui n’a plus de problème avec l’antisémitisme, qui ne le disqualifie pas.

Le premier tweet de Mélenchon à propos de l’appel à la manifestation contre l’antisémitisme consiste à la dénoncer sous prétexte qu’il s’agirait d’une manifestation de soutien au massacre. On a tout dans cette déclaration. Depuis quand la dénonciation de l’antisémitisme a à voir avec ce qui se passe en Israël/Palestine. C’est génial en matière d’instrumentalisation du conflit et de dénégation de l’antisémitisme. C’est d’autant plus génial qu’il y a une instrumentalisation constante de la Shoah qui est faite par la France insoumise : d’abord ils ont essayé de se refaire une virginité en allant à une commémoration organisée par divers mouvements juifs et non-juifs de gauche autour du pogrom du 9 novembre (la « Nuit de Cristal ») ; et puis ils ont ensuite essayé de se présenter, le jour même de la manifestation contre l’antisémitisme, devant le monument de la rafle du Vél’d’Hiv’ – avant d’en être chassés par des militants d’organisations juives. Selon eux, l’antisémitisme est uniquement d’extrême-droite et relève du passé.

On est dans une situation où le RN instrumentalise les Juifs contre les Arabes et où Mélenchon instrumentalise les Arabes contre les Juifs. En fait, ce sont les deux faces d’une même idée. C’est juif contre arabe.

SB : Et du côté de l’extrême droite, un Jordan Bardella dit que le RN est le meilleur bouclier des Juifs…

TB : Jordan Bardella qui déclare que Jean-Marie Le Pen n’est pas antisémite… Le RN et le parti de Zemmour Reconquête étaient présents à la manifestation contre l’antisémitisme. Évidemment que c’est hautement problématique, qu’il faut le pointer, qu’il faut le dénoncer. Mais la France insoumise a utilisé cela comme prétexte pour ne pas s’y rendre alors que Mélenchon n’avait même pas attendu de le savoir pour dénoncer l’organisation de la marche. Cela dit, je suis tout à fait prêt à entendre que la présence de l’extrême droite à la manifestation ait pu poser des problèmes à certains et les empêcher d’y aller. Mais la France insoumise aurait pu proposer, comme elle l’a fait pour d’autres manifestations, un autre cortège, un autre parcours. Elle ne l’a pas fait. Par contre, Mélenchon et ses lieutenants se rendent à République pour soutenir les Palestiniens, sans avoir la moindre difficulté avec la présence de certaines organisations qui sont pourtant très contestables. Autrement dit, il y a un problème quand on dénonce l’antisémitisme, il n’y en a pas quand on soutient la Palestine et qu’on dénonce Israël. Tout le monde est alors bienvenu. Ils pratiquent le « deux poids deux mesures », dont ils ont fait de la dénonciation un cheval de bataille, quand cela les arrange… On est dans une situation où le RN instrumentalise les Juifs contre les Arabes et où Mélenchon instrumentalise les Arabes contre les Juifs. En fait, ce sont les deux faces d’une même idée. C’est juif contre arabe.

SB : Chacun son « mauvais objet ».

TB : Voilà. Ce qui montre à quel point les deux populations sont réifiées. Pour l’un comme pour l’autre, on peut utiliser ces populations pour arriver à ses fins.

 

L’entretien vidéo avec Tal Bruttmann, réalisé en partenariat avec Akadem.
SB : Pour conclure, diriez-vous que le moment que nous vivons, en lien avec le conflit qui a suivi les massacres du 7 octobre, représente une césure, un pivot dans l’histoire de l’antisémitisme et dans l’histoire de la mémoire de la Shoah ?

TB : Dans l’histoire de la mémoire de la Shoah, absolument pas. On voit l’ineptie des propos de Traverso que vous avez cité. Que l’histoire et la mémoire de la Shoah soient convoquées par une partie des acteurs, c’est une chose. Mais je ne crois pas qu’il y ait véritablement de tournant là, que quoi que ce soit de nouveau s’installe vraiment. En matière d’histoire de l’antisémitisme et de terrorisme, c’est certainement un moment majeur. C’est sans doute l’équivalent du 11 septembre 2001 en matière de relations entre Israël et les Palestiniens. Il n’y a même pas besoin d’avoir trop de recul pour s’en rendre compte. Comme traditionnellement ça a été le cas en 73, en 67, en 56, il y a des répercussions internationales. Car ces dates que je viens d’égrener sont des dates qui dépassent de loin le seul conflit israélo-palestinien. Et à nouveau, il faut insister sur une chose. 56 et 73, ce n’est pas Israël contre les Palestiniens, c’est Israël contre des États arabes. Il ne faut pas oublier qu’il y a deux dimensions qui viennent s’entrechoquer dans ce conflit. D’un côté, la question de l’État palestinien qui n’existe toujours pas, plus de 70 ans après, et qu’on ne peut éviter d’aborder. La posture du gouvernement actuel, qui refuse de reconnaître la légitimité du droit à l’auto-détermination des Palestiniens, est un problème de fond auquel les Israéliens vont devoir faire face. Mais de l’autre côté, il y a la question des rapports entre Israël et les pays arabes. Or, on oublie trop vite que le Hamas a déclenché le 7 octobre au moment où Israël allait signer des accords avec l’Arabie Saoudite. Autrement dit, au moment où le conflit israélo-arabe était en voie de se régler. On comprend bien le danger que peuvent représenter ces accords aux yeux du Hamas, et des pays musulmans qui le soutiennent, Iran et Turquie. Je ne sais pas s’il faut parler de rupture, mais on est face à un moment saillant, historique, duquel vont découler énormément de choses à l’international. Même au niveau national, on voit tout ce qui se joue là-dedans aux États-Unis, qu’il s’agisse de la présidence, de ce qui se passe dans les universités, de la prise de conscience des dérives intolérables en matière d’antisémitisme, notamment dans la gauche qui se veut progressiste. Cela, on le constate aussi en France et ailleurs.


Propos recueillis par Stéphane Bou

 

Tal Bruttmann est historien de la Shoah et de l’antisémitisme. Il est notamment l’auteur de ‘La Logique des bourreaux’ (Hachette, 2003), ‘Au bureau des affaires juives : l’Administration française et l’application de la législation antisémite’ (La Découverte, 2006) et, avec Stefan Hördler et Christoph Kreutzmüller, de ‘Un album d’Auschwitz. Comment les nazis ont photographié leurs crimes’ (Seuil, 2023).

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