# 69 / Edito

 

Les Disparus de Daniel Mendelsohn fut un best-seller mondial, un classique immédiat. Ce livre – l’histoire, racontée par un enfant de rescapés, de quelques membres d’une famille engloutis dans la Shoah (le sous-titre du livre anglais est « A Search for Six of Six Million ») – est devenu la matrice d’un genre en soi, cent fois répété depuis mais jamais égalé. Il faut dire que le livre construit un récit d’une ampleur exceptionnelle : à la fois odyssée d’un américain qui revient sur les lieux du crime européen ; enquête qui s’aventure dans le labyrinthe d’une biographie familiale ; auto-commentaire vertigineux sur les raisons d’un tel travail d’écriture ; narration sans limite de temps et d’espace qui opère des allers-retours incessants entre présent, passé immédiat et passé immémorial ; une réflexion sur un chapitre de l’histoire qui puise aux sources de l’histoire universelle et notamment des grands textes hébraïques et de la Grèce antique. Car, rappelons-le, Daniel Mendelsohn est d’abord un helléniste, l’auteur d’une thèse sur Euripide, un universitaire qui vient de retraduire Homère en anglais. Un écrivain pour qui, immédiatement, histoire et mythes consonnent. Déborah Bucchi et Adrien Zirah, eux-mêmes hellénistes, se sont entretenus longuement avec lui. Ils parlent des Disparus mais pas seulement, de ses autres livres où l’autofiction se convertit toujours en essais littéraires réflexifs. Nous publions cette semaine le premier épisode de cet entretien qui fournira notre feuilleton du mois de juillet – premier épisode consacré à la singularité d’un style aux influences multiples : juive, homosexuelle, américaine, et attaché à l’Europe. Il est précédé d’une introduction à son œuvre qui permet de mieux percevoir comment Les Disparus s’inscrit dans un ensemble bibliographique d’une grande cohérence d’inspiration.

C’est un autre type de retour vers l’Europe, et en l’occurrence vers l’Espagne, que nous racontait Juliette Senik dans le texte que nous republions cette semaine. La loi espagnole « du retour » – 500 ans après l’expulsion des Juifs d’Espagne au nom de la « pureté du sang » – visait à permettre aux descendants des victimes d’hier d’adresser aujourd’hui une demande de naturalisation. « Sur la longue route du château en Espagne » propose un récit qui témoigne bien de l’inquiétude et de la perturbation que les juifs continuent d’adresser au sentiment national d’un grand pays européen qui a déclaré vouloir réparer une « erreur historique ». Et sans doute est-il révélateur que cette loi ait suscité autant d’espoirs, avant que ne vienne la déception…

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.