#33 / Edito

 

Quitter Bizerte, fuir la Tunisie… Ce fut le sort, il y a 60 ans, d’une communauté juive accusée de trahison après le conflit qui opposa la France du Général de Gaulle à la Tunisie du Président Bourguiba. L’épisode de la crise de Bizerte – raconté par Agnès Bensimon à partir de nombreux télégrammes diplomatiques inédits – inaugure le mouvement de départ des Juifs de Tunisie, dont une grande partie rejoindra la France. On y lit, sur fond de tractations entre le Mossad et le Quai d’Orsay, l’histoire d’une disparition dans la décolonisation, la déliaison brutale d’une population avec sa terre.

Dans la prestigieuse Pléiade est récemment paru un nouveau volume : L’Espèce humaine et autres écrits des camps[1]. Philippe Mesnard interroge la nature du regroupement proposé, où Robert Antelme voisine avec Piotr Rawicz et Charlotte Delbo avec Elie Wiesel. Ce faisant, il insiste sur la façon dont cette somme, notamment parce qu’elle installe une utilisation générique et englobante des « camps », ne parvient pas à mettre clairement en évidence la différence entre le système concentrationnaire et la politique d’extermination des Juifs.

Dans les prochaines semaines vingt-six œuvres (statuettes, trônes et autres objets royaux), emportées comme butin de guerre par les troupes françaises du palais du roi Béhanzin en 1892 quitteront le Musée du Quai Branly pour être rendues au Bénin. Un changement dans la loi française a permis ce geste de restitution d’œuvres enlevées par la France dans le contexte colonial. Cette actualité nous donne l’occasion de republier l’entretien déjà paru dans K. de l’historien d’art Horst Bredekamp, l’un des fondateurs du Forum Humboldt de Berlin dont la vocation est d’accueillir des expositions sur les cultures non européennes. Ce musée ethnographique est au cœur d’une controverse concernant la propriété d’œuvres d’art et d’objet obtenus à l’époque de l’empire colonial allemand en Afrique et en Asie. Bredekamp répond aux critiques venant du mouvement de décolonisation de l’art et des musées, et discute ses positions en expliquant combien cela relève du contresens de dire que le Forum Humboldt s’inscrit dans une tradition coloniale ou impérialiste.

Notes

1 Autour de L’Espèce humaine (1947) de Robert Antelme, le volume réunit L’Univers concentrationnaire de David Rousset (1946), La Peinture à Dora (1946) de François Le Lionnais, Nuit et brouillard et De la mort à la vie (1955) de Jean Cayrol, La Nuit (1958) d’Elie Wiesel, Le Sang du ciel (1961) de Piotr Rawicz, la trilogie Auschwitz et après (1970-1971) de Charlotte Delbo et L’Écriture ou la vie (1994) de Jorge Semprun.

Le départ des Juifs de Tunisie, généralement associé aux conséquences de la guerre des Six Jours, prend en fait racine dans un conflit tuniso-français, celui de la crise de Bizerte, en 1961. L’accusation de trahison formulée à l’encontre des Juifs de Bizerte, puis leur sauvetage in extremis inaugure le mouvement de départ, provoquant la disparition rapide de la présence juive dans le pays.

La prestigieuse Pléiade a récemment fait paraître un volume : « L’Espèce humaine » et autres écrits des camps. Philippe Mesnard interroge la nature du regroupement proposé, où Robert Antelme voisine avec Piotr Rawicz et Charlotte Delbo avec Elie Wiesel. Ce faisant, il insiste sur la façon dont la somme proposée — notamment parce qu’elle installe une utilisation générique et englobante des « camps » — ne parvient pas à mettre clairement en évidence la différence entre le système concentrationnaire et la politique d’extermination des Juifs.

La vocation du Forum Humboldt est d’accueillir des expositions sur les cultures non européennes. Mais ce musée ethnographique est aujourd’hui au cœur d’une controverse concernant la propriété d’œuvres d’art et d’objet obtenus à l’époque de l’empire colonial allemand en Afrique et en Asie. Nous avons voulu, dans cet entretien avec l’historien d’art Horst Bredekamp, en savoir davantage sur une tradition ethnographique allemande oubliée – et en particulier sur la contribution des savants et collectionneurs juifs au sein de cette tradition.

Avec le soutien de :

Merci au bureau de Paris de la Fondation Heinrich Böll pour leur coopération dans la conception du site de la revue.

Merci au mahJ de nous permettre d’utiliser sa photothèque, avec le voyage visuel dans l’histoire du judaïsme qu’elle rend possible.